Lu dans la presse
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Publié le 10 Septembre 2021

France - Procès du 13-Novembre : des centaines de nouvelles victimes se manifestent à l’audience

Depuis deux jours, des personnes se présentent devant la Cour d’assises spéciale pour ajouter leur nom aux 1 800 parties civiles déjà répertoriées. Parmi elles, certaines ne s’étaient pas encore manifestées auprès de la justice.

Publié le 9 septembre dans Le Parisien

Elles s’avancent à la barre de la Cour d’assises spéciale, émues et impressionnées, sans un coup d’œil aux accusés qui les suivent du regard. Nancy, 72 ans, et sa fille Rosario, 42 ans, viennent d’arriver du Chili. Elles ont perdu leur fils et frère, Luis-Felipe Zschoche, 33 ans, tué au Bataclan le 13 novembre 2015 avec sa compagne française Cécile. Ce n’est qu’il y a quelques mois, par le père de cette autre victime, que ces deux femmes ont entendu parler pour la première fois d’un procès en septembre. « Elles ignoraient qu’il y avait eu une information judiciaire et leur droit à s’y constituer partie civile », relatent leurs avocates, Mes Clémence Witt et Jeanne Sulzer, désignées à quelques jours de l’ouverture des débats.

Le cas de cette famille chilienne n’est pas si singulier : depuis l’ouverture du procès des attentats du 13 Novembre, mercredi 8 septembre, la cour consacre ses audiences à la confirmation des 1 800 parties civiles déjà répertoriées, mais aussi à l’enregistrement de nouvelles constitutions — dont la recevabilité sera bien sûr tranchée.

En ce jeudi, les avocats défilent à la barre pour égrener de nouveaux noms : des rescapés du Bataclan, des clients des bars mitraillés par l’un des commandos, des policiers intervenus lors de cette funeste soirée, un secouriste de la rue Amelot, des proches de victimes… En une après-midi, la liste des parties civiles vient de s’alourdir de centaines de noms supplémentaires.

« Jusqu’à présent, il avait essayé d’oublier »

Nombre d’avocats ont été sollicités ces derniers jours. Ainsi de Me Stéphane Maugendre, contacté par une rescapée du Bataclan. « Elle s’était manifestée durant l’instruction, mais avait voulu enfouir cela loin dans sa mémoire. Depuis l’annonce du procès, elle hésitait. Son ouverture l’a décidée. »

Me Gérard Chemla s’est vu mandaté par dix-huit nouvelles victimes, jusque-là « pas intéressées par le volet pénal ». « Le procès fait qu’elles se sentent envahies par une émotion à laquelle elles ne peuvent pas résister. Tout d’un coup, elles veulent s’en mêler », explique-t-il.

Pour ce Garde républicain qui se trouvait à proximité de la première explosion au Stade de France, c’est la réception de « l’avis à victime » — le document envoyé à toutes les personnes reconnues comme telles — qui a fait office de déclic. « Il s’est dit qu’il était légitime à se constituer, développe son avocate, Me Géraldine Berger-Stenger. Jusqu’à présent, il avait essayé d’oublier. Il souffrait de la culpabilité du survivant, mais il était davantage préoccupé par sa reconstruction. Il a été traumatisé par la scène à laquelle il a assisté. Il en a développé une dépression qui l’a obligé à être mis à la retraite prématurément. »

« J’ai besoin de savoir ce qui s’est passé »

Certaines personnes se sont présentées ce jeudi seules devant la cour : une spectatrice du match France-Allemagne au Stade de France ; un policier, pas en service, accouru sur l’une des terrasses du XIe arrondissement juste après avoir entendu des coups de feu. « Je suis en longue maladie depuis », explique-t-il.

En sortant de la salle, Nancy et sa fille semblent apaisées. « Mon cœur battait très fort, dit la mère de Luis-Felipe Zschoche. Je voulais être là. Je le dois à mon fils et à Cécile. J’ai besoin de savoir ce qui s’est passé. Je veux la justice. Je ressens beaucoup de peine, beaucoup de colère aussi en voyant cet homme qui est là, à s’exprimer, bien portant (NDLR : Salah Abdeslam) quand mon fils, lui, est mort. Ce n’est pas juste. »