Lu dans la presse
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Publié le 1 Septembre 2021

France - Procès : Jean-Marie Le Pen jugé pour ses propos sur la "fournée"

Dans une vidéo enregistrée en 2014, le président d’honneur du Front National avait employé ce terme à propos de Patrick Bruel. L’accusation y voit un nouveau dérapage antisémite. Le nonagénaire s’en défend et pourrait même assister à l’audience, ce mercredi.

Publié le 31 août dans Le Parisien

Jean-Marie Le Pen n’a pas fini de solder son passé. L’ancien président du Front National (FN, rebaptisé Rassemblement National) comparaît ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour l’un de ses anciens dérapages datant de... juin 2014. Interrogé par une militante dans le cadre de son « Journal de bord » sur les artistes ayant annoncé leur intention de ne pas se produire dans une ville tenue par le FN, l’ancien candidat à la présidentielle s’épanche ainsi lorsqu’on lui soumet le nom de Patrick Bruel : « Ca ne m’étonne pas. Ecoutez, on fera une fournée la prochaine fois ».

L’allusion est immédiatement perçue comme antisémite - Patrick Bruel est de confession juive - et provoque un tollé, même au sein du FN. La séquence est promptement retirée du site officiel du parti. Sa propre fille Marine évoque une « faute politique ». Mécontent, Jean-Marie créé alors son propre site. La rupture entre le père et la fille est enclenchée.

Ces propos mettent en émoi la communauté juive. Le bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) et le Congrès juif européen portent chacun plainte. À l’époque, Jean-Marie Le Pen dénonce des poursuites infondées. « Le mot fournée que j’ai employé n’a évidemment aucune connotation antisémite, sauf pour des ennemis politiques ou des imbéciles. S’il y a des gens de mon camp qui l’interprètent de cette manière, c’est que ce sont des imbéciles ! » argue-t-il.

Sans convaincre la justice. En février 2017, après la levée de son immunité parlementaire de député européen, l’homme politique est mis en examen pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Des poursuite jugées « malhonnêtes intellectuellement » par la défense

En juillet 2017, Jean-Marie Le Pen est finalement renvoyé devant le tribunal correctionnel. « En utilisant dans ce contexte les termes on en fera une fournée la prochaine fois, alors que la confession juive de Patrick Bruel est connue de tous, Monsieur Jean-Marie Le Pen ne peut prétendre ignorer toute référence aux fours crématoires utilisés durant la seconde guerre mondiale, qui pourrait en être déduite, argumente la juge d’instruction dans son ordonnance. » C’est aussi l’avis de Mes Marc et Julien Bensimhon, les avocats du BNVCA. « Compte tenu de son histoire et de ses multiples condamnations, il ne fait aucun doute que, quand il emploie ce terme, Jean-Marie Le Pen fait référence aux fours crématoires, insistent-ils. Utiliser ce terme à propos de Patrick Bruel est donc antisémite. »

La défense du président d’honneur du FN conteste fermement cette analyse. « Le sens que l’on a voulu donner au terme fournée a été totalement dévoyé, développe Me Frédéric Joachim, son avocat. La justice a, qui plus est, volontairement tronqué ses propos. Car, si on reprend la séquence en entier, on constate qu’il s’en prend d’abord à Guy Bedos et Madonna puis, dans un second temps, il est relancé sur d’autres artistes comme Yannick Noah et Patrick Bruel. La fournée dont il parle est en quelque sorte la deuxième et elle ne concerne pas uniquement Patrick Bruel. L’accusation repose aussi sur le caractère apparemment officiel de la judéité du chanteur. Ces poursuites sont malhonnêtes intellectuellement. »

Âgé de 93 ans, Jean-Marie Le Pen aurait l’intention d’assister à l’audience. La procédure vise également Jean-François Jalkh en tant qu’ancien directeur de la publication du site du FN. Les recours engagés par ce cadre du RN et député européen contre la levée de son immunité parlementaire sont à l’origine du très long délai avec lequel l’affaire est jugée.