Lu dans la presse
|
Publié le 19 Novembre 2021

France - Ultradroite : qu'est-ce que "l'accélérationnisme", cette théorie cousine du "grand remplacement"?

Deux membres d'ultradroite interpellés ce mardi appartiennent à cette mouvance qui repose sur la violence et vise à encourager l'apparition de guerre ethnique.

Publié le 18 novembre dans L'Express

Une nouvelle théorie dangereuse se fait-elle une place en France ? Deux militants de la mouvance d'ultradroite qui appelaient à des "actions violentes" ont été interpellés mardi, l'un à Montauban (Tarn-et-Garonne) et l'autre en Gironde. Placés en garde à vue par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ils appartiennent tous deux à une tendance dite "accélérationniste." Un mouvement qui vise à faire éclater des affrontements entre communautés, selon une source policière citée par l'AFP. "Cette théorie a pour objectif d'accélérer le chaos du conflit interethnique dont les membres espèrent voir naître le grand soulèvement des Européens de souche", explique à L'Express Jean-Yves Camus, co-directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès.

A noter que la liste de leur détestation est longue : les étrangers, les féministes ou encore les juifs sont dans leurs viseurs. Ce courant de pensée apparaît pour la première fois en 2015 dans l'ultradroite américaine. "C'est une tendance très récente dans le cadre plus global du suprémaciste blanc", reprend le spécialiste. Récemment, un homme a participé a popularisé cette théorie : Brenton Tarrant, l'auteur de la tuerie de Christchurch en Nouvelle-Zélande en mars 2019, responsable de 51 morts. "En faisant cela, il escomptait obtenir en retour des actions islamistes qui pourrait déclencher l'apparition d'autres 'Brenton Tarrant' et créer un cycle infernal qui précipiterait une forme de réaction qui surviendrait par la violence", décrypte Jean-Yves Camus.

Dans son manifeste "Le Grand remplacement", l'auteur de l'attaque de Christchurch consacre quelques lignes à cette théorie. A l'époque, le terroriste australien appelait d'ailleurs à voter pour les partis pro-immigration afin de favoriser la création d'une confrontation. "Plutôt que de freiner l'immigration et le terrorisme, les accélérationnistes veulent essayer de voir dans quelle mesure ils peuvent en tirer profit pour favoriser l'affrontement", reprend Jean-Yves Camus. Ce mardi, l'interpellation des deux hommes est intervenue dans le cadre d'une enquête préliminaire du Parquet national antiterroriste ouverte pour "association de malfaiteurs terroriste et provocation directe par un moyen de communication en ligne à un acte de terrorisme", selon une source judiciaire.

Une mouvance qui reste marginale en France

Dans ce cas précis, les cibles et le degré de préparation de ces individus restent encore très opaques. Lors des perquisitions menées chez les deux hommes interpellés, "plusieurs dizaines d'armes de toutes sortes (des armes longues, courtes, des munitions etc), ainsi que du matériel entrant dans la composition d'explosifs" ont été découverts, d'après une source policière. "Il y a un culte de la violence, des armes et de l'attentat terroriste", commente le spécialiste. L'autre spécificité du mouvement réside dans son organisation : les "accélérationnistes" se répartissent en "petites cellules cloisonnées" qui communiquent via des messageries cryptées. D'ailleurs, les deux hommes interpellés dans le sud de la France ont été repérés, selon des sources judiciaire et policière, par des échanges sur Telegram.

"Il ne faut pas imaginer des militants qui brandissent des banderoles, des drapeaux... Ça, c'est la manière ancienne de militer", indique Jean-Yves Camus. Les activistes d'ultradroite agissent en sous-marin via des réseaux sociaux protégés ce qui les rend plus difficilement détectables pour les services de renseignement. En témoigne l'homme interpellé à Montauban, un employé municipal de cette ville âgé de 46 ans, que personne ne soupçonnait. "Apparemment, la nouvelle de son arrestation a beaucoup surpris. La mairie est tombée des nues", rapporte le spécialiste. Malgré une dizaine de cas isolés, le poids "l'accélérationnisme" en France reste très marginal. "Les militants d'ultradroite qui ont adhéré à cette mouvance ne croient plus en la possibilité de régler leurs 'maux' par la voie politique ", reprend-il.

Cependant, la dangerosité de ces individus pousse les autorités à rester vigilante. "Face à l'extrémité des moyens qu'ils entendent mettre en oeuvre, un individu qui agit seul est un individu de trop", souligne Jean-Yves Camus en rappelant dans la foulée le cas d'Anders Breivik, auteur des attentats d'Oslo et d'Utoya. Si l'ampleur de la mouvance venue d'outre-Atlantique est faible dans l'Hexagone, elle apparaît dans un contexte délétère. En effet, le spécialiste note que depuis le début du mandat d'Emmanuel Macron, les violences imputables à l'ultradroite se sont accélérées. "Cette mouvance ultradroite existe et s'est sans doute radicalisée à la faveur de la crise sanitaire, reprend le spécialiste, avant de conclure : Les services prêtent une attention soutenue à l'ultradroite en général, car ils sentent une cocotte-minute qui peut déborder."

 

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance