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Publié le 3 Mars 2021

France - Une majorité de lycéens favorables aux signes religieux à l’école

Dans un sondage que nous dévoilons, les 15-18 ans se montrent proches de la conception anglo-saxonne de la laïcité. Pour eux, la religion ne doit pas forcément être cantonnée à la sphère privée.

Publié le 3 mars dans Le Parisien

Une laïcité plus tolérante : c'est ce que réclament, en substance, les lycéens de France, selon une étude de l'Ifop que nous dévoilons en exclusivité. Alors que la sphère politique se déchire sur un prétendu islamo-gauchisme ancré à l'université, et que le Parlement vient d'adopter la loi Séparatisme en première lecture, ce sondage dévoile un fossé entre la conception des ados et celle leurs aînés au sujet de la place de la religion dans la sphère scolaire. Cette étude, qui a sondé 1 006 jeunes suivant la méthode des quotas (sexe, âge, type d'enseignement, filière et niveau, secteur, académie, affiliation religieuse), a été commandée par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et la revue universaliste le Droit de vivre (DDV).

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Une majorité de lycéens favorables aux signes religieux à l’école

Quels en sont les principaux enseignements ? D'abord, les lycéens sont majoritairement favorables au port de signes religieux ostensibles dans le milieu scolaire, notamment pour les parents d'élèves accompagnant les sorties scolaires (57 % contre 25 % de l'ensemble de la population française), dans les lycées eux-mêmes (52 % contre 25 %), les collèges (50 % contre 25 %), ou pour les agents des services publics (50 % contre 25 %). Dans un autre registre, ils sont 49 % à estimer que les journaux ont eu raison de publier les caricatures de Mahomet - contre 59 % de l'ensemble des Français.

Mais ils sont 61 % à déclarer que Samuel Paty, professeur d'histoire assassiné par un terroriste en octobre 2020, « a eu raison » de montrer ces caricatures en cours, 17 % d'entre eux estimant qu'il a eu « tort ». Autre indicateur : 52 % de lycéens ne sont « pas favorables » au droit au blasphème. Un chiffre en accord avec le reste des Français (50 %). Enfin, 37 % des sondés estiment que les lois « laïques », comme celles de 2004 interdisant le port de signes religieux à l'école, ou de 2010, contre le voile intégral dans l'espace public, sont « discriminatoires » à l'égard des musulmans.

«Une vision inclusive»

Comment interpréter ces résultats? « Globalement, il en ressort que la jeunesse scolarisée au lycée a une vision inclusive de la laïcité. Il n'y a pas, pour elle, de dimension anticléricale visant à renvoyer la religion au privé. C'est plutôt un concept qui doit mettre les religions à égalité, soit une vision anglo-saxonne », analyse François Kraus, directeur du pôle politique-actualité à l'Ifop. Ainsi, séparer la sphère religieuse de la sphère publique n'est « pas ancré » chez les lycéens, là où leurs aînés auraient plutôt tendance à vouloir rendre invisible le religieux hors du domicile ou du temple.

Pour Bernard Ravet, ex-principal de collège à Marseille (Bouches-du-Rhône) et expert éducation pour la Licra, ces résultats sont « dramatiques ». L'auteur de « Principal de collège ou imam de la République ? », paru en 2017 aux éditions Kéro, y voit un « échec » en matière de transmission des « valeurs de la République ». Il insiste : « Ce n'est pas une histoire de programme scolaire. Mais les professeurs sont-ils formés, voire convaincus, de l'intérêt de dispenser ces valeurs ? » interroge-t-il, appelant aussi à « la formation des parents » en matière de laïcité.

«Dans la vraie vie, la laïcité, personne n'en parle au lycée»

Chez les concernés, qu'en dit-on ? Marwan, 16 ans, lycéen à Marseille, ne sait pas trop quoi répondre quand on lui parle laïcité. « Honnêtement, c'est plus un sujet de chaîne d'info. Dans la vraie vie, personne n'en parle au lycée. Moi, je vais à la mosquée dès que possible, mais je ne vois pas le rapport avec l'école », explique-t-il.

Contactés, plusieurs profs soupirent à l'idée d'évoquer la laïcité. « Ce n'est pas une priorité : au lycée, la laïcité est encadrée par la loi, que nous respectons à tous les niveaux », balaie une enseignante en zone d'éducation prioritaire, qui avait défilé, avec ses élèves dont certaines voilées, en hommage à Charlie Hebdo en janvier 2015.

Les ados ont «une passion effrénée pour l'égalité»

Son de cloche similaire chez Catherine Robert, professeure de philosophie à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Pour elle, la laïcité telle qu'elle se pratique à l'école n'est « pas remise en cause par les élèves ». « En 20 ans de Seine-Saint-Denis, je n'ai jamais connu la volonté de mettre en cause systématiquement le contenu des cours, ou la laïcité en tant que telle », assure-t-elle. Indiquant aussi qu'à part « des gâteaux de semoule offerts par certains élèves pour le Ramadan, la religion est invisible », dans son lycée de zone prioritaire.

Dans ce cas, comment décrypter certains des résultats de l'enquête, notamment ceux en faveur du port des signes religieux dans les lycées ou la contestation du droit au blasphème ? « Ce sont des ados ! répond-elle. Ils ont une passion effrénée pour l'égalité. Demandez-leur si l'interdiction du voile est une discrimination, ils répondent oui sans hésiter, parce que, quelque part, on enlève une liberté. Ils trouvent cela injuste, cela ne va pas plus loin. Sans compter qu'ils sont allergiques à l'obligation. »

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