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Publié le 16 Juin 2021

Interview Crif - Rencontre avec Jonathan Kreutner, Secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites

Alors que la Suisse vient d'adopter la définition de l'antisémitisme de l'IHRA, nous nous sommes entretenus avec Jonathan Kreutner, le Secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites. Direction la Suisse !

Propos recueillis par Marie-Sarah Seeberger

Le Crif - Vous êtes Secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI). Quelles sont les principales missions de votre institution ?

Jonathan Kreutner - Nous représentons la communauté juive auprès du monde politique, du grand public et des médias, ce qui constitue la tâche la plus importante de la FSCI.

Par ailleurs, nous apportons un soutien complémentaire et de coordination aux communautés juives, en particulier dans le domaine de la culture, de la sécurité, de la religion et de la jeunesse.

Plus concrètement, ces dernières années, nous nous avons donné la priorité à la surveillance et à la lutte contre l’antisémitisme, ainsi qu’à nos interventions auprès de l’État pour que soient subventionnées les mesures de sécurité prises par les communautés juives. De plus, nous défendons sans relâche la liberté de religion.

Nous travaillons régulièrement avec les autres communautés juives du monde, parmi lesquelles le Crif. La FSCI est membre du Congrès juif européen et du Congrès juif mondial. 

 

Le Crif - La Suisse vient de reprendre à son compte la définition de l’antisémitisme de l’IHRA. Est-ce que cela a déclenché des discussions dans le public et le monde politique ? Quel était l’enjeu d’une telle décision ?

Jonathan Kreutner - Il n’y a pas eu de large débat public sur cette question. Le débat a surtout été conduit au niveau politique.

La difficulté a certainement été que la « Jerusalem Declaration on Antisemitism » a été publiée au moment où le Conseil fédéral suisse examinait cette question. Pendant un court moment, nous avons craint que ne soient de nouveau analysées toutes les possibilités et que nous ne soyons renvoyés au point de départ. Fort heureusement, le Conseil fédéral suisse a clairement reconnu la valeur et la pertinence pratique de la définition de l’IHRA et qu’il n’y avait donc pas lieu d’adopter une nouvelle définition ou de mener de nouvelles discussions.

 

Le Crif - La communauté juive de Suisse compte 18 000 membres. Parlez-nous un peu de cette communauté, de sa composition et de son organisation.

Jonathan Kreutner - La communauté juive de Suisse est très hétérogène et multilinguale. Il ne faut pas oublier qu'il y a des juifs germanophones et des juifs francophones. 

En Suisse alémanique, la communauté juive se compose principalement de juifs ashkénazes, en Suisse romande de juifs sépharades. Les juifs ashkénazes de Suisse alémanique descendent en partie de familles juives vivant en Suisse depuis des siècles et en partie d’ancêtres émigrés d’Alsace. Mais nombre d’entre eux ont des ancêtres originaires d’Europe de l’Est.

Sur les 18 000 juifs officiellement dénombrés, 15 000 sont organisés dans les 22 communautés juives de Suisse, dont 16 sont affiliées à la FSCI et 3 à la Plateforme des Juifs Libéraux de Suisse avec laquelle la FSCI travaille étroitement. Les 3 communautés restantes ne sont pas affiliées, toutefois nous entretenons de fréquents échanges avec elles.

La FSCI existe depuis 1904, date à laquelle elle a été créée pour fédérer les communautés juives afin de s’opposer à l’interdiction de l’abattage rituel. À la différence de la France, la Suisse s’est dotée d’une organisation fédérale. La plupart des compétences, surtout dans les domaines de l’éducation, de la sécurité et d’autres, relèvent des cantons, les États, et non du pouvoir central.

 

Le Crif - En 2020, l’antisémitisme a connu une certaine recrudescence en Suisse, même s’il y est moins présent que dans d’autres pays européens. D’où vient cet antisémitisme et comment se manifeste-t-il ? Le gouvernement a-t-il pris des mesures spécifiques ?

Jonathan Kreutner - Nous avons en effet fait face à une légère augmentation des incidents en 2020 et à 5 incidents graves, en particulier au début de 2021.

En Suisse, l’antisémitisme a diverses origines : il est le fait de groupes extrémistes de droite et de gauche, du mouvement islamiste, mais aussi de ce qu’on appelle le « centre de la société ». A la suite de la pandémie de la Covid-19, nous avons aussi assisté à un accroissement des théories complotistes antisémites.

Autrement, les profanations de synagogues, comme celles que nous avons subies à Bienne, Genève et Lausanne en début d’année, et les voies de fait envers des personnes juives sont plutôt rares en Suisse. Au-delà de ce peut se passer en ligne, l’antisémitisme prend ici la forme de déclarations, d’insultes et de graffitis.

En Suisse, la police et la sécurité dépendent des cantons, il n’existe donc pas de dispositif unifié national pour ce qui est de la surveillance des synagogues et des bâtiments des communautés. Dans la plupart des villes, des patrouilles de police assurent néanmoins une surveillance accrue lors des cultes et des grandes fêtes. L’année dernière, elles ont été renforcées.

 

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