Dossier
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Publié le 20 Avril 2012

"Je ne crois pas à une disparition des chrétiens au Moyen-Orient"

Mgr Gollnisch, directeur de l’Oeuvre d’Orient, a accordé un entretien à l’hebdomadaire catholique La Vie dans lequel il expose les difficultés des chrétiens d’Orient dans le cadre du "Printemps arabe" mais exprime aussi ses espoirs.

Je ne crois pas à une disparition des chrétiens au Moyen-Orient

- La Vie : Quelle est la situation des minorités chrétiennes au Moyen-Orient ?

 

Pascal Gollnisch : La situation est mitigée. D’une part, nous constatons des forces et des joies dont il faut se féliciter. Les Églises montrent un réel dynamisme pastoral et social, et ce, en dépit de moyens faibles. Au Liban, par exemple ces communautés sont importantes au niveau de l’éducation et de la santé. Dans certains domaines, comme les maladies mentales, elles sont les seules à agir. D’autre part, les chrétiens du Moyen-Orient font face à diverses problématiques propres à chaque pays.

 

- Quelles sont ces problématiques ?

 

En Irak, trois communautés principales s’affrontent à coups de bombes. Les chrétiens, minoritaires, se trouvent fragilisés par ce conflit. Et cette fragilité est amplifiée par l’effacement des structures de l’État. Au Liban, touché par le conflit israélo-palestinien, l’équilibre permettant au pays de fonctionner demeure fragile en raison de la tension qui oppose les dirigeants. Un rien peut le déstabiliser. La situation des pays voisins est dès lors une question préoccupante. En Syrie, des violences atroces sont constatées, et le régime peut être renversé. Reste à savoir qui en profitera. Il n’est pas certain, hélas, que les remplaçants soient pacifiques ni qu’une guerre civile longue, dont les chrétiens souffriraient, puisse être évitée. L’Égypte, enfin, fait face à des tensions internes au monde sunnite. La question qui se pose dans ce pays est de savoir si l’équilibre entre les quatre forces en présence est possible ou, à l’inverse, si un conflit ne va pas servir les fondamentalistes.

 

- Comment ces menaces peuvent-elles être enrayées ?

 

Tout ira bien si chacun comprend l’importance de l’équilibre et de la reconnaissance mutuelle. Sans présence chrétienne au Moyen-Orient, la situation opposerait un Sud islamique et un Nord libéral et démocratique. Nous irions droit au conflit régional. La confrontation serait inévitable et nous n’en sortirions pas. Pour l’éviter, il convient de redonner à chaque communauté une pleine citoyenneté : la minorité numérique d’une communauté, en l’occurrence des chrétiens, ne signifie pas qu’elle est incapable juridiquement. Au-delà des chrétiens, c’est d’ailleurs l’enjeu de toute minorité qui se pose. Localement, chaque pays présente des spécificités : en Irak, c’est la restauration d’un État fort et de ses structures qui permettra d’éviter la disparition des chrétiens.

 

- Dans ce contexte, craignez-vous la disparition de toute présence chrétienne dans la région ?

 

Je ne crois pas à une disparition des chrétiens au Moyen-Orient. Certes, il y a des inquiétudes, et je me demande si chaque pays saura accepter la citoyenneté des communautés chrétiennes. Mais à long terme, il y a beaucoup d’espoir. L’évolution politique peut être un progrès, et les chrétiens ne doivent pas s’inquiéter de la chute d’une dictature. Dans cette région, ils disposent d’une grande richesse sur le plan de l’œcuménisme ou du dialogue interreligieux. Ils sont révélateurs pour les droits de l’Homme. Et sont aussi à même de construire une laïcité qui soit un exemple pour la nôtre. En outre leur double culture orientale et occidentale peut prendre la forme d’un pont qui soit celui de la paix.

 

Source : Romain Rivière, La Vie, 5/4/2012

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