Etudes du CRIF
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Publié le 14 Décembre 2018

Crif - Etude du Crif n°50 : Le sang et la science, par Johann Chapoutot

"On pensait tout savoir, tout avoir lu, sur la Shoah et voilà que grâce à Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, spécialiste du nazisme, on découvre avec stupeur, le mécanisme mental dévoyé et pseudo-scientifique qui a conduit à la catastrophe, à la Shoah." Jean-Pierre Allali

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Le sang et la science - l'organisation Ahnenerbe "Héritage des ancêtre", les "Germains" et les Juifs (1935-1945)

Une étude de Johann Chapoutot*

C’est un numéro vraiment remarquable des Études du Crif, numéro rond et symbolique de 50, que nous offre le dynamique Marc Knobel, directeur de la publication. On pensait tout savoir, tout avoir lu, sur la Shoah et voilà que grâce à Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, spécialiste du nazisme, on découvre avec stupeur, le mécanisme mental dévoyé et pseudo-scientifique qui a conduit à la catastrophe, à la Shoah.

À la base, une idée émise dans le sillage de la débâcle de la Grande Guerre,  qui peut paraître simple mais qui s’avérera meurtrière : le corps du peuple allemand, si durement amputé, devra être reconstitué par la science et la technique biomédicale, « de la même manière que la chirurgie esthétique se développe à l’époque pour réparer les traumas des gueules cassées ». Une « philosophie » prend corps peu à peu qui considère que la « race blanche » est infiniment supérieure aux autres et, notamment qu’un « cerveau juif ne peut accéder à la compréhension du réel déployée par les grands génies de la race nordique » ou qu’une « sensibilité nègre ne peut apprécier la musique parfaitement ordonnée et mathématisée d’un Jean-Sébastien Bach ». Dès lors, les tenants de cette vision des choses n’hésitent pas à annexer les grands esprits à leur entreprise : Bach, donc, mais aussi De Vinci, Platon ou encore Raphaël. Car, pour eux, « toute civilisation est l’œuvre du génie germanique ».

Dès 1931, Himmler crée un Office central de la race et de la colonisation et, en 1935, naît le « Deutsches Ahnenerbe » qui sera dirigé par le Dr Hermann Wirth. Installé au début à Berlin, l’organisme se développe rapidement pour générer 45 instituts disséminés sur le « Grand Reich ». En 1937, c’est un universitaire reconnu qui est nommé à la tête de l’Ahnenerbe, le Pr Dr Walther Wüst. L’Ahnenerbe connaît un grand succès d’autant plus que les donateurs sont nombreux. Parmi eux, des firmes connues comme Mercedes-Benz  ou BMW.

Des expéditions lointaines sont mises sur pied, au Tibet, en Bolivie ou encore en Islande : on mesure des  crânes, on moule des têtes, toujours avec le même objectif : prouver « scientifiquement » la supériorité des Germains. Parallèlement, le Reich a des visées territoriales  sur des ensembles considérés comme faisant partie de l’aire germanique : Crimée, Pologne, Ukraine…Dans cet esprit, les « savants » allemands n’hésitent pas à piller, à détruire, à falsifier.

Après la Guerre et la défaite allemande, contrairement à toute attente, nombre de responsables et collaborateurs de l’Ahnenerbe poursuivront, comme si de rien n’était, leur carrière. Seul, le directeur exécutif, Wolfram Sievers eut à répondre de ses responsabilités dans des expérimentations médicales. Il fut condamné à mort et pendu.

Une étude magistrale qu’il faut absolument découvrir.

Jean-Pierre Allali

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*Johann Chapoutot est professeur d'Histoire contemporaine à la Sorbonne, spécialiste du nazisme.

La collection des Etudes du Crif est dirigée par Marc Knobel.

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