Le CRIF en action
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Publié le 17 Septembre 2014

« Au CRIF, la thématique du « vivre ensemble » est une préoccupation de chaque instant »

Propos recueillis par Katja Epelbaum, interview de Marc Knobel, Directeur des Études du CRIF, publiée dans Hamodia le 17 septembre 2014

Comment cette thématique s’est-elle imposée à vous ?

Au CRIF, la thématique du « vivre ensemble » est une préoccupation de chaque instant, à travers l’action et les échanges avec l’ensemble des corps constitués de la société civile. Nous avons toujours voulu exprimer notre opinion à différents interlocuteurs quelque soit le sujet, nous avons toujours cherché à expliquer, notamment quand la situation devenait conflictuelle ou menaçait la communauté juive, afin d’instaurer un dialogue et de pacifier.

Ne pensez-vous pas que les institutions juives sont les seules à prendre ce type de problématique au sérieux ?

Non je ne le pense pas. Bon nombre d’associations s’y intéressent, il existe des ateliers du « vivre ensemble et de la fraternité » dans nos régions et départements qui cherchent à dialoguer autour des problèmes, à panser des plaies, brassant beaucoup d’initiatives, chacun selon ses compétences et ses sensibilités. Il est vrai qu’il n’y a pas à l’heure actuelle de débat d’ampleur, avant tout parce que notre société est traversée par des crises multiples, aussi bien économique, sociale que politique avec le discrédit que subissent ses représentants. Alors la tendance est à la médiatisation des conflits et non pas à la mise en valeur des initiatives positives.

Alors, concrètement comment apaiser la société ?

Est-ce que la recette consisterait à respecter un certain nombre de règles et de valeurs ? Faut-il seulement engager un dialogue et espérer pouvoir vivre dans une société apaiser ? Parler de fraternité a-t-il encore un sens ? C’est ce type de réflexions que nous entendons mener lors du colloque qui vise à la rencontre de représentants de la société civile, comme, par exemple, François Dagnaud, maire du 19e arrondissement de Paris, Anne Rebeyrol, chargée de mission laïcité au Rectorat de Créteil ou encore Fatima Messaoudi, rectrice de la mosquée d’Antony. Le colloque est un premier pas qui donne à voir les pratiques et les acteurs qui, ayant vécu des tensions, ont réussi à panser les plaies. Leurs expériences nous interpellent afin de pouvoir remédier à la fracture actuelle de la société.

À qui revient la responsabilité d’apaiser la société ?

À tout le monde. Il faut arrêter de croire que seuls les politiques ont des solutions. Notre société souffre du manque de respect, du manque de civisme, de l’individualisation de la société, de l’abandon par les parents du principe d’éducation, des situations de désespérance, de tensions… C’est pourquoi nous devons apprendre de ce qui a été fait et entendre ceux qui ont trouvé des solutions. Nous ne pouvons pas en rester là, immobiles comme les trois singes, sans voir, sans entendre et sans dialoguer. Le CRIF comprend très bien ce qu’il en est de la situation, nous la mesurons chaque jour et tentons d’éveiller et de prévenir nos interlocuteurs, aussi parce que ce ne sont pas que les Juifs qui sont menacés, mais toute la France. Il nous faut continuer à pointer du doigt, même si notre travail est compliqué et difficile. Nous devons garder le sens des responsabilités.

N’est-ce pas déjà trop tard ? Ne sommes-nous pas déjà dépasser par le mouvement qui est en marche ?

Ce que nous vivons depuis deux mois à débuter en octobre 2000. Je l’ai écrit dans mon livre « Haine et violences antisémites » paru en 2013. Il est vrai que nous ne voyons pas forcément le bout du bout de cette situation, mais je ne dirai pas que la France est antisémite, comme certains qui comparent la situation aux années 30. Il existe un antisémitisme conjoncturel qui fait face à celui exprimé à certains endroits de la société, chez ces jeunes élevés avec des stéréotypes, qui posent sur la société un regard empli de frustrations et qui emploient des alibis pour exprimer leur haine. Pour cet antisémitisme structurel, il n’y a pas de recette, il dépasse l’entendement. En 1980, je n’aurai jamais pu imaginer voir des synagogues agressées, des enfants assassinés dans une école. Nous sommes confrontés à une réalité qui prouve que l’antisémitisme sait se recycler, dénominateur commun à tous les frustrés. Lutter contre lui est extrêmement difficile. Les Juifs ne sont que la partie visible de l’iceberg, alors que la République, la France et même l’ensemble du monde occidental sont en danger. Je regrette qu’il n’y ait pas suffisamment de solidarité et de compréhension autour de ces violences. Après Carpentras, 1 million de personnes sont descendues dans la rue ; après la mort d’Ilan Halimi, 200 personnes étaient rassemblées à Bagneux… cela pose un problème pour notre société…

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