Le CRIF en action
|
Publié le 17 Juin 2013

Discours de remerciement de Boualem Sansal pour la Médaille d’honneur du CRIF Marseille Provence

C’est réellement un immense honneur que le CRIF me fait en me décernant sa médaille « La paix entre les peuples », en présence de cette magnifique et impressionnante assemblée. 

Je l’en remercie du fond du cœur, à travers vous madame la présidente du CRIF Marseille-Provence, chère Madame Teboul. Je profite de l’occasion pour faire un salut particulier à M. Prasquier qui le 15 juin 2012 m’a fait le geste amical de venir au pied levé, malgré ses lourdes charges, assister à la petite cérémonie que mon éditeur Gallimard a organisée pour permettre au jury du Prix du Roman arabe de me remettre symboliquement ce prix que le Conseil des ambassadeurs arabes à Paris m’avait retiré pour des motifs d’autant plus exécrables qu’ils ne sont pas avoués, ceux-là mêmes que nous combattons de toutes nos forces et qui sont la raison d’être du CRIF : le racisme, l’antisémitisme et la haine d’Israël.

 

Je vous avoue, mesdames et messieurs, que je suis fier de moi, fier d’être un homme juste et courageux, du moins j’essaie de l’être, chaque jour, je ne réussis pas toujours hélas, la plupart du temps je suis obligé de faire profil bas et de raser les murs. Je dois tenir compte de la folie des choses, ceux que je dérange par mes écrits et mes démarches ne sont pas n’importe qui, ce sont des gouvernements hyper dangereux, des partis politiques super haineux, ce sont des groupes terroristes qui ne reculent devant rien, c’est en bout de chaîne des Merrah, des tueurs erratiques, capables de tout, trucider de petits enfants et louer Allah dans le même temps.

 

Ces gens me reprochent quoi au juste ?

 

Ils me reprochent d’avoir écrit sur la Shoah, ce qui revient, disent-ils, à propager les mensonges d’Israël, l’ennemi juré. Et pourtant la Shoah est une peine faite à l’humanité entière et pour toujours. Et Israël est légitime devant les hommes et les nations dans le monde entier.

 

Ils me reprochent d’être allé en Israël, c’est la trahison suprême envers la Palestine, la nation arabe, l’islam, les martyrs. C’est ridicule, avoir de la sympathie pour Israël et le visiter en amitié est au contraire un pas vers la paix, c’est participer de cette dynamique de dialogue initiée il y a longtemps par des gens de bonne volonté de toutes nationalités et que je poursuis pour ma petite part avec l’espoir que les intellectuels arabes se libèrent de la peur et prennent le dessus sur ces hommes de haine qui les gouvernent et les terrorisent. Je suis allé en Israël en homme libre, mais aussi en Algérien, fier de son pays, et en ami des Palestiniens que je soutiens à fond, et j’espère vraiment les voir un jour réaliser leur rêve, avoir un État, la Palestine, à côté d’Israël et en paix avec lui. Des organisations comme le Hamas, des ambassadeurs comme ceux qui m’ont sanctionné à Paris, sommé en quelque sorte de me renier, n’ont pas le droit de décider en notre nom. Je le refuse et j’espère que nous serons bientôt nombreux à le proclamer et à nous rendre en masse en Israël et en Cisjordanie pour leur montrer aux Palestiniens et aux Israéliens notre détermination à les soutenir de notre amitié. Le temps de la guerre et de l’embrigadement d’office est terminé.

 

Ils disent que mes livres sont dangereux pour la cause arabe et l’islam. En fait, ils les révulsent parce que je les dénonce eux, et parce que j’exprime librement et clairement mes sentiments de sympathie pour les juifs et d’admiration pour Israël. Quoi de plus naturel, quand on sait l’histoire extraordinaire de ce peuple et les réussites scientifiques, techniques, culturelles et artistiques admirables de ce pays. Et puis en vertu de quoi, aimer et soutenir la cause arabe et l’islam implique-t-il de haïr les Juifs et dénigrer Israël ? Ça je ne le comprends pas. Si les pays arabes sont si mal et si l’islam fait peur dans beaucoup de pays, en quoi Israël est-il responsable ?

 

Ils me reprochent enfin de m’être associé à un Israélien, David Grossman, un homme d’une qualité rare et un écrivain admirable, pour lancer un appel aux écrivains du monde entier pour se mobiliser avec nous et mettre leur talent au service de la paix. Dans leur culture de haine, c’est une lâcheté d’appeler à la paix, qui plus est avec un Israélien. L’honneur est d’appeler au djihad et au sacrifice suprême.

 

Tout cela est effrayant et montre que ces gens ne veulent pas la paix. Ils ne veulent pas non plus la guerre, ils savent qu’ils la perdront, ils veulent entretenir un climat de terreur et de haine, pour diviser, intimider, subjuguer, pourrir la vie des gens, et prendre le pouvoir à l’usure comme ils l’ont fait dans les pays arabes, et entendent le faire partout.

 

Ces gens ne veulent pas le bien des Palestiniens, ils ont besoin de leur souffrance pour se poser en vengeurs. L’avenir des Palestiniens est dans la paix, pas dans la guerre, ils ont assez souffert, il est temps pour eux de s’émanciper par rapport à ceux qui se sont si longtemps servis d’eux, qui les ont divisés et enfermés dans une terrible impasse. C’est cela le vrai printemps arabe pour eux.

 

Aujourd’hui il paraît difficile de croire à la paix, mais elle est plus que jamais possible, il faut vaincre la haine et la peur, et le reste viendra de lui-même. Ces deux peuples, Israéliens et Palestiniens ont l’extraordinaire chance d’habiter un lieu unique au monde, le lieu de toutes les promesses, de toutes les espérances. Un lieu qui a pu offrir trois grandes religions à Dieu est un lieu qui peut offrir aux hommes tout ce qu’ils peuvent désirer ici-bas. Shalom, Salut, Salam.

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance