Le CRIF en action
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Publié le 8 Avril 2013

Imams israéliens en France : retour sur une visite historique

 

Une délégation d'imams israéliens a entrepris une visite en France, qui devait la mener du 3 au 10 avril successivement à Paris, en Seine Saint-Denis, à Toulouse et enfin à Marseille. Une visite que l'on peut vraiment qualifier d'historique, car c'était la première fois que venaient dans notre pays des représentants officiels de l'importante minorité arabe d'Israël, soit 20 % de la population. Ces citoyens israéliens venaient, naturellement, sous l'égide de leur ministère des Affaires étrangères. Ils ont été, bien sûr, reçus à l'Ambassade, et j'y reviendrai. Mais ils étaient aussi invités à l'initiative de Hassen Chalghoumi et de la "Conférence des imams de France" qu'il préside : en effet, ces mêmes responsables du culte musulman en Israël avaient reçu sa propre délégation, lors d'une autre visite historique en novembre dernier, visite fortement médiatisée à l'époque. Reçu un mois après par la Commission pour les relations avec les Musulmans du CRIF, le dynamique imam de Drancy nous avait déjà parlé de ce projet de voyage en France, et il faut admirer la rapidité de sa réalisation ! Soulignons aussi que, pour l'une comme pour l'autre visite officielle, le Quai d'Orsay a officiellement apporté son soutien, recevant les imams israéliens le 4 avril, après que - comme on s'en souvient - l'Ambassadeur de France ait chaleureusement accueilli les imams français à Tel-Aviv.

 

 

Avant de vous apporter mon témoignage personnel sur notre rencontre avec ces imams, quelques mots sur l'importance de ces relations nouées entre Musulmans français et israéliens; comme devait le dire l'Ambassade d'Israël en France dans un communiqué : "Historique et symbolique, cette visite s'inscrit dans une volonté de rapprochement entre les communautés et cette délégation se veut être le témoin d'une coexistence qu'ils souhaitent pacifique." Disons déjà que, aux deux extrémités représentant les opinions les plus bruyantes, on ne doit pas apprécier ce genre de rapprochement. Pour ceux qui cherchent systématiquement à délégitimer l'État d'Israël en dénonçant un soi-disant "apartheid", les témoignages sur des imams heureux dans un état à majorité juive ne méritent pas d'être diffusés. Pour ceux qui proclament dans notre communauté - et hélas, avec de moins en moins de complexes - que le conflit israélo-palestinien est une guerre de religions, ce genre de rapprochement est à nier ou à mépriser. Ajoutons enfin que, alors que les plus radicaux des militants pro-palestiniens cherchent à importer le conflit en France - et ont "pourri l'ambiance" avec les innombrables agressions antisémites qu'a connu notre pays -, la plus belle des réponses était, justement, dans les paroles de paix qu'ont prononcé des dignitaires musulmans, successivement sur les deux rives de la Méditerranée.

 

Mais revenons à cette délégation. Elle était composée de cinq imams : Cheikh Slimane Saad Satel (mosquée Al Nuzha, Jaffa), Cheikh Rashad Abou Alhija (mosquée Jarini, Haïfa), Cheikh Djamal Al-Oubra (mosquée Al-Nour, Rahat), Cheikh Omar Kial (mosquée Bilal, Jdeida, nord d’Israël) et Cheik Mohamad Halil Kiwan (mosquée de Majd El Kouroum, nord d’Israël). Ils ont été reçus par notre commission au CRIF, le mercredi 3 avril, et ils ont été rejoints par l'imam Chalghoumi et plusieurs Musulmans français, membres de son association et d'origines les plus diverses - africains, mauricien, maghrébins et même afghan ! Au-delà des paroles entendues, le simple fait de réunir autour de la table tant de responsables des deux communautés avait quelque chose de magique, comme l'était le fait d'entendre - avant leur traduction - les propos des uns et des autres, en hébreu puis en arabe.

 

Tous les membres de la délégation israélienne ont parlé de la localité dont ils étaient originaires, et de la parfaite liberté de culte dont bénéficient les citoyens musulmans du pays.

 

Cheikh Mohamed Ali Kiwan a évoqué la dimension plurielle de son travail, puisqu'il est un conférencier, diplômé en dialogue inter religieux. Le Cheikh Al-Oubra a évoqué sa ville de Rahat - où vivent 60000 Bédouins -, et les 120 mosquées du sud du pays. Le Cheikh Kayal a évoqué son travail avec la direction des cultes au sein du gouvernement israélien, qui a permis d'améliorer la condition des imams.

 

Habitant des villes "mixtes" où vivent des Israéliens de différentes religions, Cheikh Slimane Saad Satel de Jaffa et Cheikh Rashad Abou Alhija de Haïfa, ont dit combien la coexistence entre communautés était une chose tout à fait naturelle chez eux. Ainsi, par exemple, à Haïfa où vivent 200.000 Juifs, 15.000 Chrétiens et 15.000 Musulmans, le Ramadan est l'occasion de recevoir Prêtres et Rabbins. À Jaffa vivent 20.000 Arabes (sont 5.000 chrétiens) et 40.000 Juifs : et il y a des écoles religieuses, privées, ou mixtes où se retrouvent tous les enfants. Un groupe dédié au dialogue a été créé, il organise des manifestations pour rapprocher les différentes communautés.

 

Mais les témoignages les plus étonnants ont peut-être été ceux des deux fonctionnaires qui accompagnaient la délégation. Yaakob Salamee est le directeur des affaires cultuelles pour toutes les minorités du pays. Il a donc autorité sur 400 agents de l'État; dont 340 employés musulmans - des imams donc, payés par l'état d'Israël, alors que comme on le sait en France l'état ne reconnait ni ne finance aucune religion. 55 employés s'occupent du culte druze. Mais la surprise fut justement de découvrir que ce haut fonctionnaire était... druze lui-même, comme 126.000 citoyens israéliens et habitants du Plateau du Golan.

 

Autre Druze, responsable lui au ministère des Affaires étrangères; Bahig Mansur. Il a prononcé des paroles très fortes, disant que les Druzes étaient le "ciment de l'État d'Israël". Il a rendu hommage à Richard Prasquier, Président du CRIF, pour tous les échanges amicaux déjà noués entre Druzes et Juifs de France. Un hommage a aussi été rendu à l'American Jewish Committee et au Rabbin David Rosen, pour le développement -encore à ses débuts - d'un dialogue inter religieux dans le pays. Parmi les actions évoquées, les efforts pour calmer les esprits après les actions racistes d'une minorité d'extrémistes contre les édifices religieux (le tristement connu "Price tag") ; et la mise en place d'un "Comité des Chefs religieux", qui se réunit régulièrement.

 

Quelques paroles fortes entendues, dites par les différents membres de cette délégation : "nous disons aux extrémistes, vous ne gagnerez jamais" ; "chez nous, les femmes musulmanes s'habillent comme elles veulent" ; "il y a des Musulmans qui ont des positions importantes dans tous les ministères" ; "dans le Coran, il est dit que tous les hommes sont fils d'Adam".

 

M. Salamee devait trouver le meilleur mot de la fin pour notre réunion : "il faut faire le choix idéologique de l'optimisme, et donc il faut voir le verre d'eau à moitié plein" ...

 

Comme image finale, revenons sur l'accueil de la délégation à l'Ambassade d'Israël à Paris : le sympathique (et lui aussi optimiste) site "Israël cool" nous propose un petit reportage, où l'on voit des membres de la délégation faire une prière, dans une des pièces de la Résidence, en compagnie de l'imam Chalghoumi.

 

Voir sur ce lien.

 

Jean Corcos

Président de la Commission pour les relations avec les Musulmans

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