Le CRIF en action
|
Publié le 14 Avril 2015

L’antisémitisme des jeunes musulmans : complexité d’un sujet, début d’une étude

« Si tous les musulmans sont loin d’être antisémites, il y a un niveau élevé de préjugés antisémites chez beaucoup de musulmans. »

Photo D.R

C’est avec la prudence du chercheur que Gunther Jikeli a abordé dans le cadre d’un séminaire du CNRS l’objet de sa thèse et son livre « European Muslim Antisemitism. Why Young Urban Males Say they Don’t Like Jews ».

 

La population se disant musulmane en Europe, évaluée de 15 à 20 millions d’habitants, majoritairement concentrée dans trois pays, la France, l’Allemagne et l’Angleterre, présente les visages multiples d’un Islam très diversifié. Pourtant, dans ces pays, les sondages (Pew, Fondapol, WZD…) montrent en constance un niveau de préjugé de 2 à 5 fois plus élevé dans la population musulmane que dans le reste de la population. Ces niveaux seraient également corrélés à la religiosité et au fondamentalisme. Egalement, les actes antisémites commis par des personnes se réclamant de l’Islam seraient de plus de 50% en France, tandis que « seulement » de 30 à 35% en Angleterre et moins encore en Allemagne. Convergence d’un niveau plus élevé de préjugés chez les jeunes musulmans, différences dans le volume de ces préjugés et les passages à l’acte selon les pays européens: des phénomènes dont les causes mériteraient de continuer à faire l’objet d’étude.

 

D’où viennent alors les préjugés antisémites chez les musulmans?

 

Gunther Jikeli identifie quatre types de préjugés antisémites chez les musulmans : des préjugés classiques (théorie du complot), des opinions négatives révélées par le conflit israélo-palestinien mais s’appuyant sur des préjugés antérieurs (les juifs tuent des enfants), des préjugés directement liés à l’identité musulmane (« les juifs sont nos ennemis ») et enfin, encore plus grave, une haine ne faisant pas l’objet de rationalisation, inscrite parfois même dans la langue, où le mot « juif » est une insulte.

 

Note positive, Gunther Jikeli a également découvert dans son étude une autre partie de la population musulmane,  les « anti-antisémites », qui s’opposent à l’antisémitisme de leur coreligionnaire. Là aussi les causes de cet « anti-antisémitisme » sont diversifiées : propension à la critique des identités collectives, défense intellectualisée des droits de l’homme ou simplement conscience que « tout mettre sur le dos des juifs, c’est facile ou ringard », voire liens personnels avec des juifs qui amènent à la contestation. On se souviendra par exemple du témoignage d’Abdelghani Merah le frère de Mohammed Merah dans l’opposition aux préjugés antisémites dans sa propre famille.

 

De nombreuses questions nécessitant plus d’études ont été abordées dans ce séminaire, notamment sur l’aspect générationnel de cet antisémitisme. Est-il devenu une norme, voire une norme linguistique, qui n’existait pas une génération avant ? Une discussion a eu lieu également sur le caractère « européen » des préjugés antisémites portés aujourd’hui par de jeunes musulmans. L’accusation selon laquelle les juifs tuent des enfants, devenue « les juifs tuent les enfants palestiniens » s’inscrit en effet dans la filiation d’un préjugé chrétien.

 

Complexité d’un sujet, première étude à lire, par Gunther Jikeli : “Muslim Antisemitism in France and Western Europe”  "European Muslim Antisemitism" (Indiana University Press)http://www.iupress.indiana.edu/product_info.php?products_id=807417

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance