Editorial du président
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Publié le 23 Novembre 2012

Cessez-le-feu a Gaza

Nous devons nous féliciter sans ambiguïté du cessez-le feu qu’Israël vient de signer. D’abord parce qu’il y a une certaine indécence à jouer au pousse en guerre alors qu’on vit calmement en France et qu’on ne connaît que des bribes sur la situation militaire réelle. Ensuite, parce qu’il faut faire confiance à un gouvernement israélien démocratiquement élu et qui prend des décisions difficiles en toute responsabilité devant sa population.

Richard Prasquier

Finalement l’antisionisme, à quoi cela sert-il, sinon à cimenter toutes les alliances improbables ?

La guerre n’est pas un jeu virtuel : elle fait des morts et nous devons les déplorer de quelque côté qu’ils se trouvent. Le Hamas commet un crime contre l’humanité en plantant ses installations militaires au milieu de la population et en utilisant des civils comme boucliers. Il cherche à stigmatiser Israël sans reculer devant les mensonges et les fabrications d’images (plusieurs exemples caricaturaux lors de cette opération, Al Dura a fait des émules…), mais la mort d’un enfant reste la mort d’un enfant et si un cessez-le feu peut l’éviter, tant mieux.

 

Le cessez-le feu n’est qu’une trêve, trêve fragile, car les tirs peuvent reprendre d’un jour à l’autre, et trêve temporaire car nul ne se fait d’illusions : sauf changement politique drastique et malheureusement inconcevable actuellement, ceux qui exercent l’autorité à Gaza essaieront par tous les moyens de reconstituer un arsenal militaire et Israël ne fera pas reposer son avenir sur les vicissitudes d’un document de papier.

 

Ce n’est donc, au mieux, qu’un moyen de gagner du temps. Et cela engendre un sentiment d’exaspération compréhensible de la part des habitants du sud d’Israël qui rêveraient une annihilation des potentialités militaires du Hamas. Malheureusement, cette recherche de solution définitive relève du fantasme comme d’ailleurs relèvent du fantasme tous les projets visant à régler des problèmes « une fois pour toutes ». Et ses conséquences pratiques (occupation militaire de Gaza par Israël) seraient les prémices d’autres drames.

 

Il faut s’y faire : être une démocratie respectueuse de la vie impose des contraintes qui ne freinent pas des régimes comme ceux d’Assad ou du Hamas. Celui-ci en assassinant dans des conditions abjectes des hommes suspects de collaboration avec Israël a confirmé sa férocité implacable. Rappelons par contraste que les Israéliens ont annulé certaines opérations en raison de leur coût humain, quel qu’en fût le coût militaire.

 

Mais dans l’analyse de ce cessez-le feu, il ne faut pas s’arrêter aux déclarations pavloviennes du Hamas clamant sa victoire. Tout indique que les objectifs militaires israéliens majeurs ont été atteints, à savoir la destruction de la part la plus sophistiquée et la plus dangereuse de l’arsenal militaire du Hamas, obérant pendant assez longtemps ses capacités réactionnelles. Par ailleurs, les améliorations apportées au Dôme d’Acier semblent être un extraordinaire succès technique laissant l’espoir d’un bouclier protecteur de grande efficacité.

 

Il y a quelques conséquences géopolitiques de ces événements qui méritent réflexion et inquiétude.

 

La première, on l’a beaucoup signalé, est la faiblesse de l’Autorité Palestinienne, totalement absente de Gaza et de plus en plus faible en Cisjordanie. M. Abbas  pense que sous peine d’être considéré comme insignifiant il doit pousser la reconnaissance par l’Assemblée Générale du statut de la Palestine comme Etat non-membre. Le Hamas s’est déjà moqué de cette initiative, que certains pays européens sont tentés de soutenir, et la France probablement parmi eux, si on analyse les récentes déclarations de M. Laurent Fabius. Je comprends qu’il s’agit d’aider le soldat Abbas, dont François Hollande avait cependant regretté qu’il prenne la route de l’ONU plutôt que celle des négociations bilatérales.

 

Mais quel est le territoire que contrôle Mahmoud Abbas ? Sans parler du fait qu’un territoire sans frontière n’est pas un pays, faudrait-il désormais rendre M. Abbas, dirigeant d’un Etat non-membre, responsable d’une éventuelle violation de l’accord de cessez-le feu signé par le Hamas sur Gaza, Gaza où il ne peut même pas mettre les pieds ? Logiquement, oui….Est-il si urgent pour l’ONU de mettre le doigt sur de telles contradictions logiques ?

 

La seconde, adjacente, est que le Hamas apparaît aujourd’hui comme un partenaire recherché, voire incontournable, qui a reçu maintes visites officielles de soutien : émir du Qatar, Premier ministre égyptien, Ministre des Affaires Etrangères de Turquie et bien d’autres. Ces visites confirment d’ailleurs que Gaza n’est en blocus que dans la mesure où l’Egypte le veut bien. Or le Hamas n’a pas cessé d’être ce qu’il a toujours été : une organisation terroriste dont la charte devrait être une lecture obligatoire pour les droits de l’hommistes naïfs. Ce renforcement officieux de statut du Hamas est plus inquiétant peut-être que celui, officiel, de la Palestine elle-même à l’ONU.

 

La troisième est que l’intermédiaire dans ces négociations, l’Egypte, est exactement sur la même ligne que le Hamas. M. Morsi est habile et sait qu’il ne peut pas se passer de l’aide américaine, mais ses pensées profondes ne doivent pas être loin de celles de l’imam qu’il approuvait il y a peu à la mosquée quand celui-ci demandait la destruction de l’Etat d’Israël, destruction encore exigée ces jours-ci par le chef spirituel des Frères Musulmans, Mohammed Badié, critiquant le cessez-le feu récent.

 

La quatrième enfin, est que Gaza est le point de confluence entre l’islamisme sunnite des Frères et le chiisme messianique des mollahs. Gaza, où l’armement sophistiqué reste iranien, représente un lieu où pourrait se reforger l’alliance des ennemis d’Israël au-delà de leurs haines et conflits réciproques.

 

Finalement l’antisionisme, à quoi cela sert-il, sinon à cimenter toutes les alliances improbables ?

 

Richard Prasquier

Président du CRIF

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