Editorial du président
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Publié le 7 Novembre 2012

Démocratie et terrorisme

La présidentielle américaine, dont les résultats seront connus lorsque cette tribune sera publiée, est un événement qui emporte toute l’actualité avec lui. Or, l’avenir de la planète dépend partiellement du choix de quelques électeurs indécis de l’Ohio, comme il a dépendu, il y a douze ans, dans un scrutin disputé et discuté, de quelques centaines d’électeurs en Floride qui ont donné la victoire au fils Bush, minoritaire au suffrage universel.

Richard Prasquier

Le devoir nous incombe de vaincre les endoctrineurs de haine et de mort et d’imposer dans tous les esprits, la valeur de l’imparfaite démocratie qui est un des titres de gloire de notre civilisation

Ce contraste entre les conséquences mondiales d’un scrutin et le nombre restreint  des électeurs qui en décideront, a de quoi de rendre sceptique sur nos démocraties. Il est fascinant de voir comment les États-Unis, pays dont la capacité à évoluer, à innover, à changer est exceptionnelle, s’accrochent dans les procédures électorales à des traditions datant de l’âge de la diligence.

 

En réalité, rien ne traduit mieux le respect profond des Américains pour la stabilité de leurs institutions politiques : ce pays qui n’a jamais changé de constitution  a toujours élu ses présidents, avec une régularité d’horloge, depuis Washington jusqu’au vainqueur du 6 novembre 2012. Le vote a toujours eu lieu un mardi, mercredi étant jour de marché, dimanche jour de repos et lundi étant trop tôt pour certains citoyens éloignés qui avaient du mal à chevaucher jusqu’au chef-lieu de dépouillement des votes.

 

La religion civile de la constitution est la plus partagée parmi les citoyens américains. C’est pourquoi nos étonnements se heurtent à un mur d’incompréhension : on ne touche pas au Premier Amendement, même s’il fait des États-Unis un refuge pour ceux qui veulent diffuser leur haine sur Internet.

 

Les États-Unis ont gardé une vision profondément optimiste, certains diront naïve, de la rationalité dans les rapports humains. Dans le marché public des idées, ils pensent que les meilleures devraient spontanément s’imposer. Malheureusement, il n’en est pas ainsi et les années de la Terreur révolutionnaire ont déjà montré que l’homme endoctriné s’abandonnait à la passion meurtrière, bien que le culte de la déesse Raison eût remplacé alors les traditions religieuses immémoriales.

 

Grandeur et misère de la démocratie, elle est le pire des systèmes politiques à l’exception de tous les autres. Invention de l’Europe des Lumières, elle implique l’autorité explicite de la loi des hommes. Dans l’espace public, elle ne doit pas s’effacer devant des lois réputées divines, ces lois dont les circulaires d’application sont à l’évidence contradictoires d’une école religieuse à une autre. Elle implique l’égalité des individus, le respect des minoritaires et limite la violence légitime aux fonctions régaliennes de la société.

 

On ne doit pas idéaliser les États-Unis où les imperfections de la démocratie réelle sont aisément détectables. Mais force est de constater que, en ce qui concerne l’intériorisation et l’admiration des valeurs de base de la démocratie représentative, nous sommes aujourd’hui en France assez loin du compte. La perte de sens qui résulte de ces défaillances rejette certains jeunes vers des narrations où la passion religieuse, fût-elle bestialement meurtrière, devient un viatique de félicité éternelle. Le devoir nous incombe de vaincre les endoctrineurs de haine et de mort et d’imposer dans tous les esprits, la valeur de l’imparfaite démocratie qui est un des titres de gloire de notre civilisation.

 

Lutte pour la démocratie signifie lutte contre la haine antisémite et lutte contre le terrorisme. C’est le sens profond de  l’inoubliable rencontre à Toulouse entre François Hollande et Benjamin Netanyahu.

 

Richard Prasquier

Président du CRIF

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