Editorial du président
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Publié le 18 Mai 2012

Le seul combat qui vaille est celui pour la vérité, sans lequel il n’y a pas de combat pour la paix

En tant que citoyens français dont l’émancipation fut la pierre angulaire de la pluralité républicaine, en tant que Juifs sensibles à une laïcité ouverte, en tant qu’amis de l’État d’Israël et partisans de la paix au Moyen-Orient, nous souhaitons à M. François Hollande, Président de la République, au Premier Ministre Jean-Marc Ayrault et au gouvernement un plein succès dans la haute et difficile mission qui est la leur. Ils devront œuvrer à la prospérité de notre pays, favoriser la justice sociale, ouvrir l’avenir à la jeunesse, renforcer la coopération européenne, et porter haut contre les régimes d’oppression la voix de la liberté et de l’égalité. Ils devront développer à l’intérieur de notre société les thèmes de vérité, d’équité et de respect de l’autre sans lesquelles la démocratie n’est qu’un paravent. Nous assurons le Président de la République de notre confiance et de notre engagement autour de ces valeurs dans le respect desquelles la petite communauté juive a dans l’histoire souvent servi, et parfois à son détriment, d’indicateur avancé. 

Richard Prasquier

Israël est la victime d’un dévoiement de vocabulaire qui, s’insinuant dans l’esprit jusqu’à s’y imposer naturellement, véhicule la délégitimation qu’on organise contre lui

La situation économique ? L’angoisse de vivre une situation de crise analogue à celle de la Grèce étreint aujourd’hui plusieurs pays européens. Invité hier à un colloque à Rome, je l’ai entendue de nos amis italiens. Et les Juifs savent que la crise appelle des boucs émissaires et fait resurgir le spectre de Weimar.

 

 Voici qu’est entré en Grèce au Parlement grec un parti ouvertement néonazi et négationniste. En Hongrie, le Jobbik, admirateur des Croix Fléchées, puissant dans les petites villes, est le plus caricatural de ces partis européens d’extrême droite, de plus en plus nombreux, populistes et xénophobes, qui surfent sur la  vague de ressentiment provoqué par la crise, comme le fait chez nous le Front National.

Répétons encore ce que nous n’avons pas arrêté de dire et d’écrire: haine contre les musulmans,  haine contre les Roms ou haine contre les Juifs, il n’y a pas à choisir, elles sont toutes ignobles. Nous avons toujours essayé de créer des ponts et nous continuerons de le faire parce que nous ne concevons pas le judaïsme autrement.

 

A l’intérieur de la société, le respect qui transcende et parfois enrichit les différences, ce qu’on appelle aujourd’hui le « vivre-ensemble », d’un terme qui ne doit pas devenir un cliché, ne s’accommode pas du mensonge. Aujourd’hui, nous sommes cernés de mots mensongers qui organisent les pensées et stimulent les haines, et nous sommes par ailleurs recouverts d’un voile de silence, mensonge par omission, quand le politiquement correct conduit à esquiver les réalités qui fâchent. La vérité passe par le vocabulaire. Après les crimes de Mohamed Merah, nous aurions dû entendre le mot antisémitisme, mais le mot « racisme », passe mieux la rampe, car il enlève aux Juifs ce fameux « privilège » victimaire dont ils se passeraient d’ailleurs tellement bien. On doit s’élever avec force contre la mise en accusation de la communauté musulmane ou de l’Islam lui-même, être solidaire de ses membres, qui sont souvent victimes d’amalgames. On ne doit pas pour cela occulter que le fait que l’Islam radical djihadiste est criminel et que des clercs ne peuvent pas être modérés quand ils comparent les Juifs à des singes ou des porcs, ce qui est un langage nazi. Les exemples sont innombrables. Ils résument une grande part de l’antisémitisme d’aujourd’hui.

 

Israël est la victime d’un dévoiement de vocabulaire qui, s’insinuant dans l’esprit jusqu’à s’y imposer naturellement, véhicule la délégitimation qu’on organise contre lui. Rendre ses ennemis, comme le Hamas, respectables (mouvement de libération… ) pour rendre Israël diabolique, ou diaboliser Israël (le « génocide » de Gaza, l’apartheid…) en édulcorant les crimes de ses ennemis, les mots sont à la pointe du combat. Mais le seul combat qui vaille est celui pour la vérité sans lequel il n’y a pas de combat pour la paix.

 

Ces mots mensongers, qui remontent à loin, ces amalgames et ces généralisations, qui dépassent tant le niveau des critiques légitimes qu’on peut faire à la politique d’un pays, ne doivent pas installer par leur banalisation, une sensation d’étrangement qui toucherait beaucoup de Juifs qui pensent qu’Israël est injustement décrié, alors qu’il fait face à dangers gravissimes (cf les révélations récentes si inquiétantes sur le développement nucléaire iranien) et au rejet persistant de ses voisins. C’est là une question d’éducation au dialogue. Rétablir les mots dans leur vérité est ainsi un des enjeux, trop peu souligné nous semble-t-il, du renforcement de l’harmonie nationale et du sentiment d’unité que François Hollande, président de la République a, à juste titre,  prôné dans son discours d’investiture.

 

Richard Prasquier

Président du CRIF