Editorial du président
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Publié le 22 Octobre 2012

Pourquoi Gaza et pas Lattaquié?

Le 20 octobre 2012, la marine israélienne a arraisonné le bateau finlandais Estelle, affrété par un mouvement suédois "Bateau pour Gaza Suède". L'arraisonnement a été qualifié "d'attaque" par la représente de ce mouvement (quelques journaux ont repris sa phraséologie), et de "piraterie" et de "crime contre l'humanité" par le porte-parole du Hamas, jamais en retard d'une énormité. Il semble s'être déroulé sans violence, mais probablement pas sans fermeté. On rappelle que l'ONU elle-même avait déclaré le blocus légal en 2011. Les 30 passagers (parmi eux trois Israéliens et cinq députés européens) ont été contrôlés à Gaza. Ils seront expulsés, ou l'ont déjà été. Les fournitures scolaires qu'ils apportaient seront envoyées à Gaza, où parviennent chaque semaine plus de 50 000 tonnes de produits par le terminal de Keren Shalom, une quantité non négligeable pour un territoire censé vivre dans la détresse d'un blocus inhumain…

Richard Prasquier

S'ils étaient vraiment responsables et courageux, ces braves gens auraient pu continuer leur voyage sur la côte Est de la Méditerranée

La vie à Gaza est difficile, mais pas pour tout le monde, comme en témoignent les ilots spectaculaires de luxe qui y sont de plus en plus visibles. On ne l'avait pas expliqué aux humanitaires suédois, mais le commerce est plutôt florissant et le Qatar vient de promettre la bagatelle de 250 millions de $ pour "améliorer l'infrastructure".

 

On ne peut que conclure à l'échec assez ridicule de cette longue expédition maritime, mais il faut souligner aussi son caractère fantasmatique et timoré. Les humanitaires prétendaient recréer la saga des "voyages de la liberté" ("freedom rides"), ces voyages en bus qui ont contraint les États du sud des USA à respecter la loi fédérale et à en finir avec  la ségrégation raciale. Mais il est moins risqué, quand on est un vrai humanitaire (je ne parle pas des fanatiques du Mavi Marmara), d'affronter la marine israélienne plutôt que les hordes homicides du Ku Klux Klan.

 

S'ils étaient vraiment  responsables et courageux, ces braves gens auraient pu continuer leur voyage sur la côte Est de la Méditerranée. Très vite, après Israël, après le Liban, ils auraient rencontré le grand port syrien de Lattaquié, et ils auraient pu y accoster pour manifester leur soutien à ceux qui se révoltent contre un régime bestial responsable de 30 000 morts et d'innommables tortures.

 

Mais Lattaquié présente un double problème:

1° Ce n'est pas médiatiquement porteur puisqu'il n'y a pas d'Israéliens.

2° C'est vraiment dangereux.

 

Au contraire, Gaza est sans risque, et comme chacun sait, c'est le paradis des indignés. Le choix est vite fait, mais de là à prendre ces gens pour des héros…

 

Richard Prasquier, président du CRIF