Editorial du président
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Publié le 9 Novembre 2012

Réflexions sur l’islamophobie

Je connais le détail de tous les actes antisémites survenus en France cette année, et je sais comment ils ont été répertoriés. Je sais ce que risque un enfant juif se promenant seul avec une kippa dans certains de nos territoires perdus de la République. Je ne connais pas la méthodologie utilisée pour l’identification des actes islamophobes, mais je n’ai pas entendu dire qu’un jeune musulman portant une tenue identifiable coure des risques dans aucun de nos quartiers.  

Richard Prasquier

La meilleure façon de lutter contre l’islamophobie est de lutter tous ensemble pour la sauvegarde des traditions démocratiques de laïcité ouverte qui sont celles de notre pays

En tous cas, je n’ai entendu parler d’aucune manifestation où on voue les musulmans à l’enfer, je n’ai pas entendu parler de brimades exercées contre des musulmans à l’école, je n’ai pas entendu parler de livres comparant les musulmans à des fils d’animaux, je n’ai pas entendu parler de réseau de branquignols haineux effectuant des attentats contre des lieux liés à l’Islam. J’espère être préservé toute ma vie d’une histoire aussi horrible que celle de Ilan Halimi ou celle de Ozar Hathora exercée contre des musulmans en France.

 

Peut-être mon information est-elle insuffisante. Peut-être est-elle unilatérale. Peut-être est-elle borgne. Je vais la vérifier, la compléter et la rectifier publiquement si besoin.

 

Je hais la haine qui essentialise les individus. Je hais la haine contre les musulmans, comme je hais la haine contre les tsiganes, contre les Noirs, contre les homosexuels, contre les femmes (la plus ancienne des haines) et contre tous les boucs émissaires. Je hais l’antisémitisme et je hais l’islamophobie. Mais j’essaie de ne pas tout mélanger.

 

Dans notre pays, à compétence égale, Mohamed devrait trouver aussi facilement (ou aussi difficilement) du travail que Jacob. Ce n’est pas le cas. Les discriminations contre les musulmans sont une sombre réalité de notre société ; les discriminations contre les Juifs ont à peu près disparu.

 

Dans notre pays, l’Islam a droit au même respect que les autres religions. Je ne crois pas que cela soit le cas et nous devons lutter pour que cela le devienne. Mais dans notre pays c’est la loi civile qui s’applique, et pas la loi religieuse, quelque importance qu’on accorde à celle-ci dans la sphère privée. C’est-à-dire que dans notre pays les droits de l’Islam ne pourront jamais être les droits de l’Islamisme, entendu comme la volonté de transposer la loi religieuse de la sphère privée à la sphère publique.

 

Je pense qu’il est normal pour notre société de se prévenir contre les tentatives d’imposer par la force, ou même par des menaces d’exclusion sociale, la pratique de traditions religieuses aussi respectables soient-elles par ailleurs. Ce n’est pas là de l’islamophobie. Il y a de vrais islamophobes dans notre société, mais ceux que j’appelle les islamistes radicaux en sont un sous-groupe particulièrement dangereux, tant l’image qu’ils essaient de donner à l’Islam est inacceptable par un individu doué de sens commun.

 

Nous avons en commun à affronter l’intolérance, mais il ne faut pas tomber dans la naïveté. La facilité mimétique est tentante, mais trompeuse, car l’islamophobie n’est pas un doublon de l’antisémitisme. La meilleure façon de lutter contre l’islamophobie est de lutter tous ensemble pour la sauvegarde des traditions démocratiques de laïcité ouverte qui sont celles de notre pays.

 

Richard Prasquier

Président du CRIF