Lu dans la presse
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Publié le 20 Janvier 2021

France - Haine en ligne : des obligations de transparence pour les réseaux sociaux

Le gouvernement a saisi l’occasion du projet de loi « confortant les principes de la République » pour proposer un amendement qui vise à soumettre les plates-formes à des règles en matière de modération.

Publié le 18 janvier dans Le Monde

Comment réguler les réseaux sociaux après la sèche censure par le Conseil constitutionnel de la loi Avia sur les contenus haineux sur Internet, en juin 2020 ? Comment imposer des règles en France à Facebook, Twitter ou YouTube, alors qu’est discuté depuis mi-décembre un projet de régulation au niveau européen ? Face à ce double défi, le gouvernement a choisi de saisir l’opportunité du projet de loi « confortant les principes de la République » : il y a introduit, vendredi 15 janvier, un amendement soumettant les plates-formes numériques à des obligations en matière de modération des contenus haineux en ligne.

« La seule urgence, c’est celle de l’efficacité contre la haine en ligne, qui explose dans toutes les démocraties », justifie Cédric O, le secrétaire d’Etat au numérique. Le gouvernement a voulu « apporter une réponse » après l’affaire Samuel Paty, cet enseignant décapité le 16 octobre. D’où l’idée de légiférer avant le vote du texte européen Digital Services Act, pas attendu avant 2022.

Le nouvel amendement gouvernemental cherche-t-il à ressusciter la controversée Avia ? Pas vraiment. « La différence, c’est l’absence d’objectif de résultat imposant un retrait dans un certain délai », reconnaît Cédric O. On a écarté la disposition la plus polémique : l’injonction faite aux réseaux sociaux de supprimer sous vingt-quatre heures les contenus haineux manifestement illicites. Car celle-ci aurait poussé les plates-formes à censurer de nombreux contenus légaux, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel.

Moins répressive et moins clivante, la nouvelle proposition « colle au futur texte européen », note le secrétaire d’Etat. En effet, l’amendement vise surtout à imposer aux réseaux sociaux « des obligations de moyens et de transparence ». Ceux-ci seront tenus de décrire leur politique de modération des contenus haineux : combien de contenus retirés, dans quel délai, pour quel motif, etc.

« Impunité »

Les plates-formes devront y consacrer des « moyens humains et technologiques proportionnés ». Et respecter certains points de procédure, comme la possibilité pour l’utilisateur de déposer un recours, notamment pour les cas les plus graves, comme la résiliation d’un compte.

Enfin, les plates-formes devront améliorer leur coopération avec la justice, en répondant aux demandes d’identification d’auteurs de propos haineux et en conservant temporairement les contenus retirés « aux fins de les mettre à disposition de l’autorité judiciaire ». Il s’agit de lutter contre l’« impunité » des auteurs, estime la députée LRM Laetitia Avia.

La supervision de ces obligations est confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui était déjà chargé de la surveillance des plates-formes dans d’autres textes, dont la loi de lutte contre la manipulation de l’information, dite « fake news », de fin 2018. Dans son premier rapport d’application, le CSA avait, toutefois, regretté que les réseaux sociaux ne soient pas assez transparents, notamment sur leurs algorithmes de modération automatisée. Désormais, le régulateur pourra prononcer des sanctions allant jusqu’à « 6 % du chiffre d’affaires mondial de la plate-forme ».