Cérémonie du Vel d'Hiv 19 Juillet 2015 : discours du Président du CRIF Roger Cukierman

Tous les ans le CRIF organise la cérémonie du Vel d'Hiv
 

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités militaires, civiles et religieuses,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs

 

 Cette cérémonie  nous rappelle une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité.

C’était il y a 73 ans. 1942, le début du grand massacre des Juifs d’Europe.

Les générations se succèdent. L’oubli menace. Un oubli qu’il faut combattre. Peu à peu les survivants disparaissent. Dans vingt ans  qui viendra aux commémorations ? Elles ne doivent pas se transformer en rituel sans âme. Comment  ne pas rendre hommage aux déportés survivants qui nous guident dans le devoir de mémoire !

 

 

 13.152 juifs raflés les 16 et 17 juillet 1942, et conduits au Vel d’Hiv proche du lieu de cette cérémonie. Cette rafle intervenait  deux ans après le statut des Juifs les transformant en gibier. Une rafle commise par des Français. En uniforme.

 

 Et parmi ces Juifs tant d’enfants dont l’humanité pouvait attendre des savants, ou des artistes, ou plus vraisemblablement des gens ordinaires. Ces  enfants de la rafle du Vel d’Hiv, tous, sans exception, partis dans les chambres à gaz. Pas un seul survivant  parmi ces 4.051 enfants. On a volé leur avenir. Ils sont morts sans qu’ils puissent fonder un foyer et avoir à leur tour des enfants.

 

-          Serge Klarsfeld et son Association des Fils et Filles de Déportés ont su retrouver des photos bouleversantes. Nous les avons vues dans le hall de l’assemblée nationale, dans les expositions des gares de la SNCF. Ces enfants posaient, tirés à quatre épingles, pour cet événement que représentait à cette époque une séance de photographie.

 

-          Et ces enfants, comme leurs parents, ont subi des conditions d’hygiène honteuses, au Vel d’Hiv. Et puis, ils ont été livrés, à l ‘ennemi, dans des wagons à bestiaux. Et à l’arrivée, des chiens, des soldats, et cette invention des cerveaux nazis : la chambre à gaz.

 

-         Ce que ces êtres humains ont subi était inhumain. C’était  le silence du monde. C’était la souffrance morale d’être avili.

 

Leur sacrifice nous fait  mesurer le prix de notre liberté,

 

                                               XXXXX

 

Les responsables de la Shoah ne furent pas les seuls nazis. Les indifférents ont leur part de responsabilité, ceux qui n’ont rien fait, ceux qui n’ont rien dit. Car le choix existait.

 

Si les deux tiers des juifs de France ont  échappé aux  nazis, c’est que de nombreux Français  refusèrent la collaboration.

 

 Qu’est-ce qui distinguait les Justes des indifférents? Ni la condition sociale, ni l’éducation, mais la conscience,  mais l’humanité,  mais le respect d’autrui.

 

Ces voix isolées venant d’horizons souvent  modestes,  ont osé alors rappeler que les Juifs sont des êtres humains. Ils prenaient, ce faisant, le contre-pied des grands corps de l’Etat, le plus souvent unis derrière la politique de collaboration de Vichy.

 

Je n’oublierai jamais les bonnes sœurs qui ont caché l’enfant que j’étais, ou les employés de la clinique qui ont caché mes parents. Les justes de France, distingués par Yad Vashem, nous ont sauvé la vie, au risque de la leur. Ils montraient la voie de la dignité.

Pendant ce temps le reste de ma famille resté en Pologne, grands-parents, oncles, tantes, cousins, étaient gazés et brûlés à Treblinka.

 

                                            XXXXXXX

 

Les dirigeants de notre pays ont pris conscience du danger que représente l’antisémitisme pour la sauvegarde des principes qui régissent la République française. Le discours historique du Président de la République du 16 Juillet 1995,  reconnaissant la responsabilité de la République dans les agissements de Vichy fut un grand moment de vérité et d’honneur. Aujourd’hui  la  classe politique démocratique, de gauche comme de droite, s’inscrit dans la même volonté. 

 

Que  nous aimons cette France, celle de la  rigueur dans la défense des valeurs républicaines ! 

Nous, citoyens français  juifs, nous témoignons, aujourd’hui, de la générosité de cette France profonde.

 

XXXXXXXX

 

Nous aurions aimé que cette commémoration  se passât dans un climat paisible.  Mais de lourds  nuages planent.

 

Comment ne pas évoquer les dangers auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. En cette année 2015 des Juifs ont été tués dans notre pays parce que Juifs. Mais aussi des policiers, des militaires, mais aussi des journalistes.

 En cette année 2015, nos écoles et nos synagogues sont devenues des forteresses gardées par des militaires le doigt sur la gâchette. Nous qui savons que certains de nos ancêtres vivaient en Gaule il y a 2000 ans, nous qui savons que la pleine citoyenneté française avait été accordée aux Juifs dès 1791, nous qui avons tant contribué à la grandeur de notre pays, nous vivons sous la menace, comme si nous étions des citoyens de seconde zone parce que quelques fanatiques nous menacent.

 Certes nous sommes  protégés par le gouvernement et le soutien de la population. Mais être Juif en France en 2015, porter une kippa, une étoile de David autour du cou c’est prendre des risques c’est se marquer soi-même d’une étoile jaune.

La barbarie moyenâgeuse est revenue. Elle gaze en Syrie, elle coupe des têtes, elle lapide des femmes, elle tue des enfants à bout portant, elle veut anéantir Israël et à travers Israël le monde libre et démocratique. Le monde est fou.

L’occident ne veut pas voir la réalité. Le monde moderne qui envoie des satellites sur la lune ou sur mars a du mal à combattre les fous de Dieu qui au nom d’Allah veulent détruire des siècles de progrès scientifique, d’émancipation, de culture, et  de liberté. Ils utilisent la démocratie pour mieux la combattre.

Au nom de nos martyrs, résistons au massacre de nos valeurs. Ne restons pas repliés sur notre petit périmètre en espérant que le prochain attentat tombera à côté.

Réveillons-nous !

Pour éviter le pire, sachons tirer les leçons de l’Histoire !

Nous le devons à la voie tracée par les Justes.

Nous le devons au souvenir de nos martyrs !