Discours de Francis Kalifat à la cérémonie du Yizkor 2017

Le Président du Crif, Francis Kalifat, était présent à la cérémonie du souvenir Yizkor 2017, dimanche 24 septembre.
 

Discours de Francis Kalifat

Chers amis,

C’est avec une émotion chaque année renouvelée, que je me retrouve à vos côtés au cimetière Parisien de Bagneux, lieu de mémoire s’il en est,  pour témoigner de notre fidélité mémorielle à tous ceux qui ont disparu, victimes de la barbarie nazie, 6 millions de femmes, d’hommes et d’enfants privés de sépulture et dont cette stèle érigée par la mairie de Paris et dévoilée l’an dernier à la même période demeure le témoin pour les générations futures.

Emotion d’être ici devant ce monument sous lequel reposent soixante-six soldats Juifs choisis symboliquement parmi des milliers d’autres victimes, érigé à la gloire de ces combattants tombés au champ d’honneur pour la liberté et l’amour d’un pays qu’ils avaient fait leur : la France.

Si nous sommes ici aujourd’hui c’est bien sûr pour nous nous souvenir.

Se souvenir pour rester vigilants.

Se souvenir  pour combattre toutes les résurgences de l’antisémitisme, qu’elles viennent de l’extrême droite, de l’extrême gauche sous couvert d’antisionisme, ou de l’islam radical.

Cher Henry, cher Fernand et chers amis du FARBAND vous avez fait de cet évènement un moment incontournable de notre mémoire collective.

Ce matin, nous nous souvenons que notre existence a été mise en péril au point qu’un pan entier du judaïsme européen a été englouti.

Comment concevoir, demain, la mémoire de la Shoah sans témoins vivants ? Comment faire alors pour que la Mémoire ne se réduise pas simplement à l’Histoire.

Comment allons-nous à présent relever le défi qui nous est donné, être les témoins des survivants, être les témoins des témoins disparus ?

C’est cet immense défi auquel nous renvoient les disparitions progressives des derniers témoins.

Après la disparition d’Elie Wiesel, Samuel Pisar et Charles Baron l’an dernier, l’année qui vient de s’écouler aura été marquée par la perte d’hommes et de femmes eux aussi véritables symboles de cette mémoire : Simone Veil, Claude Hampel, et Henri Minczeles.

Ils étaient tous des survivants directs de la Shoah. Ils nous laissent un avenir qu’il nous appartient d’écrire et c’est en nous souvenant de leurs enseignements que nous pourrons transmettre cette mémoire pour laquelle ils se sont tant engagés.

Mais la mémoire ne suffit pas. Comment passer sous silence ici la dimension criminogène de l’antisémitisme ? Certes, l’antisémitisme qui conduisit à la Shoah était un antisémitisme d’Etat, c’est-à-dire un antisémitisme dont l’Etat était à la fois le moteur idéologique et l’agent opérationnel.

Aujourd’hui, au contraire, l’Etat constitue le rempart le plus solide face à l’antisémitisme.

Mais, il a fallu attendre de nombreuses années pour qu’enfin l’on reconnaisse que les actes et violences que subissent les français juifs ne sont pas de la violence ordinaire mais bien l'expression violente d'un antisémitisme nouveau.

De délinquants ordinaires en loups solitaires ou malades psychiatriques tout a été tenté pour ne pas reconnaitre qu’à nouveau en France des juifs étaient agressés et même tués uniquement parce qu’ils étaient juifs.

Tout a été fait pour refuser de voir cette nouvelle réalité de la société française : les préjugés antisémites et l’antisémitisme sont devenus un marqueur chez une partie de nos concitoyens.

Notre société peine à affronter cette nouvelle réalité et à reconnaître l’évidence de nommer le mal lorsqu’il s’agit d’une victime juive.

Nous devons faire face à certains silences qui entourent certains crimes… Je pense évidemment à l’odieux assassinat de Sarah Halimi.

Nous demandions depuis le premier jour, que toute la vérité soit publiquement révélée  sur cet assassinat sordide et surtout que le caractère antisémite de l’acte soit reconnu. C’est enfin chose faite aujourd’hui, et nous nous en réjouissons même s’il nous a fallu mener un combat difficile pour obtenir ce qui pour nous était une évidence dès le premier jour : 

Sarah Attal-Halimi n’a pas été assassinée parce qu’elle se trouvait par hasard sur le chemin du tueur ni parce qu’elle habitait cet immeuble ni parce qu’elle était directrice de crèche, ou parce qu’elle aurait eu de l’argent. Non Sarah Attal-Halimi a été massacrée parce qu’elle était juive et pour cette seule et unique raison.

Le caractère antisémite de ce meurtre inscrit à présent au dossier fera du procès à venir non seulement le procès d’un assassin mais aussi celui de l’antisémitisme qui tue, aujourd’hui, en France.

Si nous ne sommes pas capables d’appréhender la réalité dans sa complexité, il ne restera pour nos enfants qu’un monde d’injustice et d’incompréhension.

L’histoire que nous avons vécue nous oblige à soulever le voile opaque derrière lequel demeure la vérité : c’est notre responsabilité.

Mesdames et messieurs, j’ai confiance en l’avenir.

Le CRIF a été créé en 1943, dans des circonstances dramatiques mais avec un objectif précis : préparer le lendemain.

Si, en 1943, des hommes dans la tourmente ont envisagé le futur alors qu’ils risquaient une fin tragique à chaque instant, nous qui vivons dans des temps tout de même moins difficiles, nous avons l’obligation de réussir.

Nous devons, en quelque sorte, actualiser le passé en suivant le sens de l’histoire que nous guettons toujours avec vigilance.

Je vous remercie.