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Publié le 30 Octobre 2019

Etats-Unis - Le génocide arménien reconnu par la Chambre des représentants américaine

La Turquie a convoqué, mercredi, l’ambassadeur des Etats-Unis à Ankara pour protester contre une « décision dépourvue de fondement juridique ».

Publié le 29 octobre dans Le Monde

La Turquie a convoqué, mercredi 30 octobre, l’ambassadeur des Etats-Unis à Ankara, pour protester contre la reconnaissance du « génocide arménien » par la Chambre des représentants. Une « décision dépourvue de fondement juridique », selon les autorités turques. La veille, la Chambre basse du Congrès américain s’est prononcée à son immense majorité pour la reconnaissance formelle du « génocide arménien ».

C’est la première fois qu’une telle résolution était soumise à un vote en séance plénière aux Etats-Unis. Appelant à « commémorer le génocide arménien », à « rejeter les tentatives (…) d’associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien » et à éduquer sur ces faits, ce texte non contraignant a été adopté par 405 voix (sur 435), avec une rare union des démocrates et des républicains, 11 voix contre et 19 abstentions.

Le résultat du vote a été accueilli par des applaudissements dans l’hémicycle. Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays et la communauté des historiens.

Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens ont été tués pendant la première guerre mondiale par les troupes de l’Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l’Autriche-Hongrie.

« Un pas audacieux vers la vérité »

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a « salué le vote historique du Congrès américain reconnaissant le génocide arménien », jugeant que cette résolution « est un pas audacieux vers la vérité et la justice historique qui offre également un réconfort à des millions de descendants des survivants du génocide arménien ».

Il a également fait part de son « admiration pour des générations d’Arméniens et d’Américains d’origine arménienne, dont l’activisme désintéressé et la persévérance ont été le moteur et l’inspiration derrière le vote historique d’aujourd’hui ». « #Jamais plus ! », a encore tweeté M. Pachinian.

De son côté, la Turquie a réagi immédiatement par la voie de son ministère des affaires étrangères en « condamnant fortement » un « acte politique dénué de sens », ayant pour « seuls destinataires le lobby arménien et les groupes anti-turcs ».

En avril 2017, peu après son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait qualifié le massacre des Arméniens en 1915 d’« une des pires atrocités de masse du XXe siècle », tout en se gardant d’employer le terme « génocide ». Ankara avait alors exprimé sa colère, dénonçant la « désinformation » et les « mauvaises définitions » du président américain.

La Turquie refuse l’utilisation du terme « génocide », évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.

Avant d’être élu en 2008, son prédécesseur, Barack Obama, s’était, lui, engagé à reconnaître le génocide – un terme qu’il n’a cependant jamais employé en tant que président.

Un vote en pleine crise entre les Etats-Unis et la Turquie

Ce vote survient alors que les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, alliés au sein de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), viennent de traverser une nouvelle zone de fortes turbulences. Le président Trump a laissé le champ libre à une offensive turque en Syrie contre les combattants kurdes, pourtant également alliés de Washington, en retirant les forces américaines du nord du pays au début d’octobre.

Cette décision a suscité un tollé au sein de la classe politique américaine, jusque dans le camp républicain du locataire de la Maison Blanche, dont des élus ont menacé d’imposer des sanctions « infernales » à la Turquie et à ses dirigeants. Face à la pression, le gouvernement américain a lui-même annoncé des mesures punitives, plus modestes, avant de les lever à la faveur d’un cessez-le-feu négocié avec Ankara.

Dans la foulée du vote sur le génocide arménien, la Chambre des représentants a aussi adopté mardi soir à la quasi-unanimité un texte prévoyant des sanctions contre des responsables turcs en lien avec l’offensive en Syrie. Mais il doit encore être approuvé par le Sénat pour devenir effectif.

En 1975 et en 1984, la Chambre des représentants avait pris des résolutions commémoratives en utilisant le terme « génocide » et fait du 24 avril un jour de commémorations, rappelle le Wall Street Journal. Et en 1981, le président Ronald Reagan avait utilisé le terme de génocide. Mais ces marques de reconnaissance ne se sont jamais transcrites en actes politiques.