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Publié le 26 Mai 2020

Europe - Déconfinement : petit tour d'Europe du retour à l'école

Après plusieurs semaines de confinement en Europe, les élèves retrouvent progressivement le chemin de l'école. À chaque pays, sa méthode, ou presque.

Publié le 25 mai dans Le Point

Les petits Français ne sont pas les seuls à avoir repris le chemin de l'école. À l'instar des 1,6 million d'écoliers et de collégiens français des départements verts qui, depuis le 11 mai, sont retournés en cours, les pays européens rouvrent progressivement leurs salles de classe.

En Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Islande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal, en Suède ou encore en Suisse, les élèvent assistent de nouveau à des cours délivrés par des enseignants en face à face. À chaque pays, ses aménagements. Petit tour d'horizon de l'organisation mise en place chez quatre de nos voisins.

En Allemagne, les grands montrent le chemin

Favorable à un déconfinement limité, Angela Merkel a dû céder du terrain aux 16 Länder chargés de l'éducation, impatients d'accélérer notamment la réouverture des établissements scolaires. Depuis le 4 mai (et parfois plus tôt), la plupart des régions ont organisé le retour des élèves, en commençant par les grandes classes des écoles ou lycées, suivies par les crèches.

C'est le cas de l'école européenne située à Berlin dans laquelle Nathalie, institutrice française, est détachée depuis plusieurs mois. Après les sixième – dernière année de primaire dans le système allemand –, revenus progressivement à partir du 4 mai, les CM2 et les CP ont repris depuis le 11 et les CM1 sont à leur tour allés s'asseoir sur les bancs de la classe le 18. Chaque jour, des demi-groupes différents retrouvent leurs professeurs jusqu'à 12 h 30. « Avant le 29 mai, tous les élèves devront être retournés à l'école au moins une fois », précise l'enseignante.

Port du masque obligatoire pour les adultes et pour les élèves, sauf une fois qu'ils sont assis à leur place à distance de leurs camarades, lavage des mains après la récréation et la cantine, queues filtrées : le protocole est strictement respecté. Chaque semaine, une réunion de crise est organisée pour évaluer la situation et décider d'éventuels changements. « Je trouve les élèves calmes, studieux, autonomes dans la gestion de leurs devoirs, estime l'institutrice. Mais certains enseignants, ceux des CP notamment, rappellent combien le niveau est devenu disparate : certains ont avancé mais n'ont pas ancré leurs connaissances, et il faut régulièrement revenir sur les notions. Et on sent que les enfants, fatigués de la situation, ont besoin de parler à d'autres adultes que leurs parents, et de retrouver leurs copains, même s'ils doivent jouer sans se toucher. »

En Autriche, l'école à la carte

Comme la France, l'Autriche a misé sur un retour à l'école progressif et fondé sur le volontariat des parents. Premiers à revenir en classe le 4 mai, les terminale sont rejoints petit à petit par les autres élèves, depuis 18 mai et jusqu'au 3 juin. Excepté pour les enfants de soignants, tous prioritaires, aucune sélection n'a été imposée et tous ceux qui le souhaitent peuvent aller en cours. Les parents peuvent choisir de garder leurs enfants chez eux, de les envoyer à l'école toute la semaine, où ils alternent entre classe et garderie dans des salles aménagées pour l'occasion, ou de recourir à un système mixte, avec présence à l'école la moitié de la semaine.

Environ 10 % des parents ont fait le choix de laisser leurs enfants à la maison. Pour les autres, chaque petit Autrichien ne suit donc des cours que trois jours au maximum, toujours en demi-groupe. Tandis que les écoliers sont présents de 8 à 12 heures, les élèves du secondaire viennent entre 8 et 13 heures. Hormis le sport, toutes les matières sont dispensées.

Dès l'arrivée, le protocole sanitaire se met en place. Pour éviter les attroupements, l'entrée dans les établissements se fait de façon échelonnée, et par différentes portes lorsque la configuration le permet. Des policiers sont postés devant chaque école pour aider à la circulation des élèves et vérifier que la distanciation et le port du masque sont respectés. Un seul élève par table au lieu de deux habituellement, port du masque obligatoire dès qu'on quitte sa chaise, utilisation de gants pour partager les livres, lavages de mains réguliers, les règles de protection continuent une fois en classe. Pendant la récréation, seules les écoles avec un jardin ouvert dispensent leurs élèves de porter un masque. Pas de changement pour la cantine : comme auparavant, les petits Autrichiens apportent leur propre repas.

Une organisation qui semble bien vécue par les enfants de Guillaume. « Les enfants étaient très impatients de revenir à l'école et de revoir les copains et leur classe. Ce premier lundi était comme une deuxième rentrée des classes ! raconte le père de trois enfants en primaire et au collège. La façon efficace dont l'Autriche a géré la crise, le confinement et sa sortie plaide en faveur des actions mises en place. Il est d'autant plus facile de faire appliquer une politique que les résultats sont bons ! Nous sommes donc plutôt confiants, et très contents de vivre dans un environnement comme celui-ci. »

En Suisse, des règles souples

Entre le 11 et le 22 mai, tous les écoliers suisses ont repris progressivement le chemin de l'école à temps partiel, sans sélection ni ordre de priorité. Le demi-groupe du matin, composé de 10 à 12 élèves, qui suivait les cours de 9 heures à 11 h 30 était jusqu'à présent relayé par celui de l'après-midi, de 13 h 30 à 16 heures. Le reste du temps, les parents pouvaient disposer d'un service de garderie à partir de 8 heures. Mais, à partir d'aujourd'hui, la classe devrait reprendre à temps complet. Et les collégiens retrouver eux aussi leurs établissements, mais seulement à mi-temps, en demi-groupe, en alternance le matin ou l'après-midi une semaine sur deux.

Chez le voisin helvétique, les règles sanitaires sont plus souples. Ainsi, pas de masque ni de prise de température matinale pour les jeunes Suisses. Les parents ont même accès à l'école en cas de nécessité, et peuvent accompagner notamment les plus jeunes dans l'enceinte de l'établissement, à condition de respecter les distances. À la cantine, les enfants peuvent s'asseoir à la même table en gardant une distance raisonnable. Mais plusieurs obligations sont tout de même mises en place. Dans les classes, un seul enfant s'assoit désormais sur chaque banc. Un lavage de mains a lieu avant et après la récréation, lesquelles sont échelonnées pour limiter à deux le nombre de classes dans la cour. Pour le reste, les règles les plus strictes – port du masque pour tous et de gants pour le personnel de cantine – sont appliquées par les adultes.

Père de deux enfants, Alejandro apprécie cette organisation mesurée. « Selon moi, la Suisse a fait le choix du pragmatisme en favorisant le retour progressif à la normale, considère le père de Luciana, 12 ans, et Matias, 9 ans. Le Conseil fédéral suisse a estimé que, les enfants étant peu porteurs et peu transmetteurs de la maladie, fermer les écoles pendant de longs mois ferait plus de mal que de bien. Même si mes enfants se sont bien adaptés à l'école à distance, elle ne pourra jamais remplacer l'enseignement présentiel. Les enfants ont besoin d'aller en classe pour apprendre et développer des relations sociales. On a pu mesurer l'importance de l'école et le rôle central de l'enseignant pour favoriser les apprentissages, car, franchement, s'improviser prof, en plus du télétravail, n'est pas une tâche facile ! »

Au Portugal, les cours à temps partiel

Au Portugal, les élèves de première et de terminale ont repris leurs cartables depuis le 18 mai. Les crèches sont elles aussi rouvertes. Alors que les maternelles devraient les suivre le 1er juin, les autres élèves devront attendre le mois de septembre pour reprendre le chemin de l'école. Même pour les plus grands, les cours seront limités : seules les matières pour lesquelles ils doivent passer des examens seront étudiées en face à face, à raison d'une discipline par jour. Les autres matières continuent à être vues à la maison.

« Une super vidéo a été faite par des élèves pour expliquer les nouvelles règles sanitaires aux autres élèves », raconte Violette, mère d'une lycéenne en première. Sans surprise, l'accompagnement par les parents est fortement déconseillé le matin. Avant de partir, chaque lycéen doit prendre sa température. À leur arrivée, les élèves reçoivent un masque et du gel hydroalcoolique. Dans le lycée, toutes les portes restent ouvertes et des distributeurs de gel sont postés devant chacune d'entre elles. Une fois en classe, les lycéens sont séparés de leurs camarades par une distance de 1,5 m. Les enseignants officient également masqués. Si les cours ont repris, pas de cantine ni de récréation pour les élèves.

« Réticente à reprendre les cours, ma fille est revenue dès le premier soir avec un grand sourire. Même si se désinfecter les mains et porter un masque ne l'ont pas mise à l'aise, cela lui a fait du bien de revoir certains amis, les profs et même les surveillants, qui se sont tous enquis de leur moral. Mais imposer des règles sanitaires et des emplois du temps à temps partiel à des jeunes de 16 à 18 ans est assez facile. Ce sera évidemment beaucoup plus compliqué quand il s'agira de faire rentrer les enfants les plus jeunes », juge celle qui est aussi maman de deux petites filles.