Lu dans la presse
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Publié le 7 Janvier 2019

Europe - Le procès du terroriste de l’attentat contre le Musée juif de Bruxelles s’ouvre aujourd'hui

En 82 secondes, quatre personnes avaient été tuées, le 24 mai 2014. Le suspect avait été interpellé à Marseille quelques jours plus tard.

Publié le 7 janvier dans Le Monde

Les douze membres du jury populaire appelés à juger Mehdi Nemmouche, l’auteur présumé de l’attentat contre le Musée juif de Belgique, à Bruxelles, qui a fait quatre morts le 24 mai 2014, devaient être désignés lundi 7 janvier. Le procès, qui se déroulera durant plusieurs semaines devant la Cour d’assises de la capitale belge, ne démarrera toutefois véritablement que jeudi 10 janvier, avec la lecture du long acte d’accusation pour « assassinat terroriste », puis les premiers assauts de la défense.

Les avocats plaideront l’innocence du Roubaisien de 33 ans et de son coaccusé, Nacer Bendrer, 30 ans. Ce délinquant marseillais, ex-compagnon de détention de Nemmouche à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), lui aurait livré des armes à Molenbeek, quelques semaines avant l’attentat. Les deux hommes encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Les images de l’attaque contre le Musée, filmées par des caméras de surveillance de la rue des Minimes, ont tourné en boucle au fil de la longue enquête de la justice. Elles montrent un homme porteur d’un sac, casquette et lunettes noires, mini-caméra attachée sur un blouson, qui arrive dans ce lieu très symbolique et ressort 82 secondes plus tard, avant de s’éloigner calmement. Dans l’intervalle, il a abattu Myriam et Emmanuel Riva, deux touristes israéliens âgés de 53 et 54 ans, Dominique Sabrier, 66 ans, une bénévole française passionnée par la culture juive, et blessé Alexandre Strens, un jeune Belge de confession musulmane. Employé du musée, il décédera quelques jours plus tard. Sa dépouille a été inhumée au Maroc.

Drap frappé du sigle de l’EI et message de revendication

Qui est l’homme, armé d’un revolver de calibre 38 et d’un fusil d’assaut, qui a commis de sang-froid ce quadruple assassinat ? La question sera posée durant six jours, jusqu’à l’arrestation par des douaniers, à la gare routière de Marseille, de Mehdi Nemmouche. Appréhendé le 30 mai à la sortie d’un autocar, il est porteur d’un bagage qui contient une kalachnikov enveloppée dans un drap frappé du sigle du groupe Etat islamique, des munitions, une casquette, un blouson et une caméra semblables à ceux du tueur, ainsi que des coupures de journaux belges relatant les faits. Interrogé, le suspect affirme toutefois qu’il a volé ces affaires dans une voiture à Bruxelles et clame son innocence. Transféré en Belgique en juin 2014, il va se cantonner à cette version avant de se murer dans le silence.

Lors d’une audience préliminaire de la cour d’assises, le 20 décembre 2018, l’accusé a cependant pris la parole. Pour tenter d’empêcher le témoignage de certains de ses proches, dont sa grand-mère, tandis que ses avocats défendaient la thèse de l’innocence de leur client. Habitués des procès pour terrorisme islamiste et anciens défenseurs de Dieudonné, dont un spectacle fut interdit à Bruxelles en 2012 et qui les a honorés d’une « quenelle d’or », Mes Sébastien Courtoy et Henri Laquay ont dévoilé leur stratégie : elle consistera à évoquer un prétendu complot des services secrets israéliens.

Pour la conforter, ils ont tenté, en vain, d’obtenir le témoignage de plusieurs personnalités israéliennes, dont d’anciens dirigeants du Mossad et des ambassadeurs. La thèse complotiste, lancée par des réseaux d’extrême droite, avait prospéré sur les réseaux sociaux au lendemain de l’attentat, évoquant l’idée d’un règlement de comptes qui aurait visé le couple Riva.

« Je ne pensais pas, au cours de ma vie d’avocate, assister à une telle manœuvre : l’idée d’un complot juif pour induire un jury populaire en erreur », déplore MeMichèle Hirsch, qui représentera au procès le Comité de coordination des organisations juives de Belgique. Pour les avocats des parties civiles et du musée, pas de doute possible non plus : la culpabilité de Mehdi Nemmouche est évidente.

Les enquêteurs ont aussi retrouvé une demi-douzaine de versions d’un message de revendication enregistré à Molenbeek, annonçant que l’action contre le Musée juif ne serait que la première d’une longue série. La justice a aussi acquis la conviction qu’un homme qui s’était présenté au Musée juif la veille des faits était Mehdi Nemmouche, vêtu d’un costume identique à celui qu’il portait lors de son arrestation à Marseille.

Risque de « procès dans le procès »

D’autres témoignages pèseront très lourd. Comme ceux des journalistes Nicolas Hénin, Didier François, Edouard Elias et Pierre Torrès qui ont déjà entraîné, en France, la mise en examen de Mehdi Nemmouche pour enlèvement et séquestration en relation avec une entreprise terroriste. La défense belge du djihadiste dénonce le risque de « procès dans le procès » que va, selon eux, entraîner l’audition de ces témoins.

Il reste que la parole des quatre anciens otages de l’organisation Etat islamique à Alep résonnera sans doute très fort, puisqu’ils ont rapidement décrit Mehdi Nemmouche comme l’un de leurs geôliers, tortionnaire de prisonniers syriens, personnage brutal et vantard, grand admirateur de Mohammed Merah, le terroriste franco-algérien, auteur des tueries de Toulouse et Montauban, qui ont fait sept victimes, dont trois enfants juifs, en 2012.

Le procès de Bruxelles retiendra d’autant plus l’attention qu’au fil des années, les liens de Mehdi Nemmouche avec des djihadistes impliqués dans d’autres attentats majeurs ont été illustrés. Revenu de Syrie en mars 2014, à l’issue d’un périple qui l’a mené de la Turquie à Francfort via quatre pays asiatiques, l’accusé était en relation directe avec Abdelhamid Abaaoud, le commandant opérationnel des attentats du 13 novembre 2015 en France, tué cinq jours plus tard lors de l’assaut de la police dans sa planque de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Mehdi Nemmouche connaissait aussi très bien Najim Laachraoui, l’un des deux kamikazes qui se sont fait exploser à l’aéroport de Zaventem, le 22 mars 2016, avant qu’un autre attentat frappe, un peu plus tard, la station de métro Maelbeek (32 morts au total). Ensemble, les deux hommes avaient gardé les otages d’Alep.