Lu dans la presse
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Publié le 23 Juillet 2020

Europe - Un ex-gardien de camp nazi condamné à deux ans de prison avec sursis en Allemagne

L’accusé Bruno Dey, 17 ans au moment des faits, a été « reconnu coupable de complicité dans 5 232 cas de meurtres et tentatives de meurtres » par le tribunal de Hambourg.

Publié le 23 juillet dans Le Monde

Le tribunal de Hambourg a condamné, jeudi 23 juillet, à deux ans de prison avec sursis un ancien garde de camp de concentration nazi de 93 ans pour complicité dans des milliers de meurtres perpétrés à Stutthof, en Pologne, entre 1944 et 1945. L’accusé Bruno Dey, 17 ans au moment des faits, « est reconnu coupable de complicité dans 5 232 cas de meurtres et tentatives de meurtres », a déclaré la présidente du tribunal, Anne Meier-Göring, à l’issue d’un procès, probablement l’un des derniers, portant sur les atrocités commises sous le IIIe Reich.

Pour le parquet, le nonagénaire, apparu tout au long des audiences en fauteuil roulant et accompagné par ses proches, a soutenu la machine d’extermination nazie. Le parquet avait demandé une peine de trois ans de prison, sur la base de la législation pour mineurs car il avait entre 17 et 18 ans au moment des faits. Stefan Waterkamp, son avocat, avait plaidé pour un non-lieu.

Lundi, l’accusé a présenté des excuses « auprès de ceux qui sont passés par cet enfer de folie », disant avoir réellement pris conscience, au fil des neufs mois de procès et de la quarantaine de témoignages, de « toute l’ampleur de la cruauté » des actes commis à Stutthof. Quelque 65 000 personnes, essentiellement des juifs des pays baltes et de Pologne, y sont mortes, abattues d’une balle dans la nuque, gazées au Zyklon B, pendues. Ou bien elles ont succombé au froid, aux épidémies et au travail forcé.

Posté sur l’un des miradors

Ce camp, le premier établi hors d’Allemagne en 1939, a progressivement été intégré au système d’extermination des juifs. L’accusé, posté sur l’un des miradors le surplombant, avait pour devoir d’empêcher toute révolte ou fuite. Cela fait-il de lui un coupable ? Il affirme que non. Jamais il n’a « directement [fait] de mal à quelqu’un ». Jamais il ne s’est « porté volontaire pour entrer dans la SS [la Schutzstaffel] ou servir dans un camp de la mort », mais n’a pas eu d’autre choix que d’accepter son affectation, dit-il.

Confronté à de tels crimes, « il ne suffit plus de détourner les yeux et attendre que cela s’arrête », a rétorqué le procureur général, Lars Mahnke, dans son réquisitoire. Il aurait ainsi pu demander à être réintégré dans l’armée. Ce qui aurait toutefois sans doute signifié pour lui être envoyé sur le front est.

Difficile d’attendre qu’un adolescent ose « se démarquer de la sorte » dans le contexte d’obéissance absolue exigée à l’époque, a de son côté avancé son avocat. Il faut prendre en compte le fait que « servir dans un camp de concentration n’était à l’époque pas considéré comme un crime », a-t-il aussi argumenté. Brièvement prisonnier de guerre après 1945, Bruno Dey n’a pas été inquiété par la suite. Il a fait sa vie à Hambourg, fut boulanger, chauffeur de camion et concierge, a fondé une famille.

Une trentaine de procédures en cours

Soixante-quinze ans après la fin de la seconde guerre mondiale, ce procès pourrait bien être le dernier du genre en raison du grand âge des accusés. La semaine dernière, le tribunal de Wuppertal (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) avait annoncé la mise en accusation d’un autre ancien gardien de Stutthof de 95 ans, là aussi pour « complicité de meurtres ». La tenue d’un procès est loin d’être assurée. Une trentaine de procédures sont encore en cours, selon des médias allemands.

Ces dernières années, l’Allemagne a jugé et condamné plusieurs anciens membres de la SS et élargi aux gardiens de camps le chef d’accusation de complicité de meurtres, illustrant la sévérité accrue, quoique jugée très tardive par les victimes, de sa justice.

Le cas le plus emblématique a été la condamnation à cinq ans de prison de l’ancien gardien du camp d’extermination de Sobibor John Demjanjuk en 2011. Il est mort l’année suivante. Il est peu probable que Bruno Dey soit envoyé en prison. Mais, pour l’accusation, il est primordial que sa culpabilité soit reconnue. « Que ce soit indirectement ou directement, il a participé à un meurtre. C’est un criminel », a jugé Marek Dunin-Wasowicz, un survivant et coplaignant dans un entretien à l’AFP.

 

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