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Publié le 21 Décembre 2020

France - Attentat de la rue des Rosiers : un couac dans l’extradition du suspect

Il manque la signature de l’interprète dans le procès-verbal d’extradition de Norvège de Walid Abdulrahman Abou Zaye, le tireur présumé de l’attentat de 1982 à Paris. La chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris est saisie.

Publié le 20 décembre dans Le Parisien


Une claque de plus pour les familles des victimes de l'attentat de la rue des Rosiers, à Paris, déjà sonnées par les révélations de l'ancien patron du renseignement français. Ce dernier a reconnu devant un juge avoir négocié juste après cette tuerie un « pacte de non-agression en échange d'abandon des poursuites » avec le groupe palestinien d'Abou Nibal pour éviter de nouvelles attaques sur le sol français.


Les proches et enfants des 6 défunts et 22 blessés du 9 août 1982 se raccrochaient donc à l'espoir de voir enfin s'ouvrir un procès 40 ans après le drame. En effet, après de longues tractations, l'un des tireurs présumés, Walid Abdulrahman Abou Zayed, 62 ans, a été extradé de Norvège début décembre. A son arrivée sur le sol français, il a été mis en examen pour assassinats et tentatives d'assassinats puis écroué à la Santé.


Mais dans le procès-verbal établi en France à son arrivée par la direction centrale de la police aux frontières, le 4 décembre, notifiant le placement en rétention judiciaire du suspect, il manque la signature de l'interprète en langue arabe.


Un couac administratif constaté par le juge qui n'a eu d'autre choix que de « saisir d'office la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, aux fins d'appréciation de la régularité de la procédure », comme l'indique son courrier. Le magistrat instructeur préférant prendre les devants, plutôt que de laisser Me Gendrin et Me Ruiz, les avocats du suspect, exploiter cette faille procédurale qui pourrait permettre de renvoyer leur client en Norvège.


«Je suis stupéfait qu'on puisse commettre une telle erreur»


« C'est surréaliste, s'étrangle Me. Zerbib avocat de la petite-fille de Jo Goldenberg, le gérant du restaurant cible de cette attaque antisémite. Je suis stupéfait qu'on puisse commettre une telle erreur de débutant dans une affaire de cette importance. C'est un affront aux parties civiles. L'absence d'une signature peut entraîner la nullité du procès-verbal. »


Il existe de nombreux cas où des gardes à vue ont été levées ou des auditions ont été rayées de dossiers pour ce genre d'erreur. Mais dans une affaire d'extradition, d'autant plus dans une affaire terroriste, c'est inédit. « Je pense que cette erreur est couverte par l'ensemble des autres pièces de la procédure, car il existe d'autres documents attestant qu'on a fait appel à un interprète, estime une source judiciaire qui se veut rassurante. Malgré tout, rien n'est jamais certain. Et il existe un risque réel que la procédure soit annulée. »


Dans ce cas, en théorie, il ne resterait plus à la France qu'à redemander l'extradition de Walid Abdulrahman Abou Zayed. Mais il a déjà fallu attendre cinq ans avant que la Norvège ne livre celui qui avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt international dès 2015 par le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic qui a pu relancer l'enquête puisque Abou Nidal est mort en 2002 à Damas, en Syrie, rendant l'accord entre les services secrets français et l'organisation terroriste caduque.


«Le laisser repartir représente un risque supplémentaire»


Depuis 1991, Abou Zayed s'était installé dans une petite ville au sud d'Oslo. Il s'est marié et a obtenu en 1997 la nationalité de son pays d'accueil sous un autre nom, celui de Souhaïl Othman. Et la Norvège ne livrait pas ses ressortissants jusqu'à l'accord passé en 2019 entre l'Union européenne et le royaume scandinave. Arrêté en septembre 2020, Abou Zayed, père de quatre enfants, a toujours nié avoir été présent à Paris le 9 août 1982, lorsqu'un commando a lancé une grenade et tiré en rafale dans le restaurant de gastronomie juive tenu par Jo Goldenberg rue des Rosiers à Paris. Malgré tout, l'extradition du suspect a été validée par le roi, le 27 novembre. Une décision qui avait dix jours seulement pour être exécutée. 


« Il faut rappeler que la Norvège a permis à cet homme entré sous fausse identité de séjourner sur son territoire puis l'a naturalisé, malgré les soupçons qui pesaient sur lui, reprend Me Zerbib. Le laisser repartir représente donc un risque supplémentaire de le voir échapper à la justice française. » Contactés Me. Gendrin et Me. Ruiz représentants du tireur présumé de cet attentat, « n'ont pas souhaité commenter cette affaire complexe. »

 

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