Lu dans la presse
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Publié le 20 Octobre 2020

France - BarakaCity, cette ONG "humanitaire" proche des milieux salafistes

Populaire dans les quartiers, ultraprésente sur les réseaux sociaux, BarakaCity mobilise les musulmans sur des causes communautaires.

Publié le 20 octobre dans Le Figaro

Sur le site internet de BarakaCity, des visages d’enfants africains accompagnés d’appels aux dons pour l’accès à l’eau et à l’éducation. Officiellement, l’association créée en 2010 et installée à Courcouronnes (Essonne), est une ONG. «L’islam, au service de l’humanitaire», explique-t-elle. Populaire dans les quartiers, ultraprésente sur les réseaux sociaux, BarakaCity mobilise les musulmans sur des causes communautaires. En Birmanie pour les Rohingyas, ces musulmans persécutés par les extrémistes bouddhistes, en Irak, en Syrie, à Gaza… Aujourd’hui, elle est nommément dans le viseur du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avec le CCIF. Deux «associations ennemies de la République», estime-t-il, qu’il va proposer de dissoudre en Conseil des ministres.

Dans un communiqué publié dans la soirée du 19 octobre, les avocats de l’association ont immédiatement annonçé qu’ils contesteraient en justice une telle mesure. Me Vincent Brengarth et William Bourdon expliquent avoir également saisi préventivement la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.

Voilà des années que BarakaCity est dans le collimateur des autorités en raison de ses liens avec la mouvance islamiste radicale et des sorties de son président, Idriss Sihamedi. Fiché S, cet ancien gérant d’une agence de communication est proche des milieux salafistes. Même s’il préfère le terme «orthodoxe». Ce qui explique qu’il refuse de serrer la main à une femme. «Comme certains rabbins», précisait-il en 2016, sur le plateau de Canal+. Ce 24 janvier, lorsqu’on lui demande s’il condamne Daech, il répond qu’il «n’est pas équitable, pas juste de poser la question à un musulman». Avant ce coup de projecteur, Idriss Sihamedi avait créé plusieurs polémiques sur Twitter. «Je pense que la musique peut être dangereuse, la polygamie une alternative contre l’adultère et le voile un signe de pudeur. Suis-je fou?», écrivait-il en septembre 2015.

Le 4 décembre prochain, l’homme est attendu au tribunal correctionnel d’Évry, où il sera jugé pour «harcèlement au moyen d’un support numérique ou électronique». Placé en garde à vue le 14 octobre, libéré sous contrôle judiciaire le lendemain, il est accusé de harcèlement par Zohra Bitan, la chroniqueuse de RMC. Laquelle, dans sa plainte, fait état de 120 tweets diffamatoires et de la création d’un hashtag dénonçant sa personne. Suffisant pour dissoudre BarakaCity? Une association peut être administrativement dissoute en Conseil des ministres dans des cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, ou d’agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme. «Étant donné la campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux et l’invitation à beaucoup de gens à participer à cela, il y a des billes contre BarakaCity, estime Gilles Clavreul, cofondateur du Printemps républicain. Jusqu’à présent, l’exécutif était très prudent car il sait que le Conseil d’État privilégie toujours la liberté d’association. Il semble y avoir aujourd’hui une vraie volonté politique.»

«Allah, lui, a son plan!»

Sur les vingt dernières années, seules une trentaine d’associations ont ainsi été fermées, pour les trois quarts à l’extrême droite. «Avec son message suivant lequel la France mènerait une guerre contre les musulmans, BarakaCity réalise un véritable travail de sape culturel», ajoute Gilles Clavreul. En 2016, l’association était visée par une enquête pour «financement du terrorisme» et «association de malfaiteurs terroriste», les investigations portant sur des transferts de dons à l’étranger. Une affaire finalement classée sans suite par le parquet de Paris en 2019. De quoi alimenter le discours victimaire d’Idriss Sihamedi, qui ne perd jamais une occasion de dénoncer l’acharnement de l’État. Sur les réseaux sociaux, l’homme qui se présente comme un «journaliste» et un «lanceur d’alerte» bénéficie de solides relais.

Vous le voyez pas, ne le sentez pas, mais derrière toute cette répression nous vivons un chapitre magnifique de notre vie

Sur Twitter, BarakaCity compte près de 62 000 abonnés. Le 14 octobre, jour de la perquisition chez lui et dans les locaux de l’association, plusieurs vidéos de soutien ont été publiées sur les réseaux sociaux. «Il y a dans ce pays une liberté d’expression qui appartient à une communauté et qui est interdite à une autre», explique l’une d’elles, sur YouTube.

Dans la journée du 19 octobre, après les annonces de Gérald Darmanin, Idriss Sihamedi a quant à lui multiplié les tweets. «Vous le voyez pas, ne le sentez pas, mais derrière toute cette répression nous vivons un chapitre magnifique de notre vie. Le début du changement. Darmanin a son plan? Allah, lui, a son plan!», a-t-il écrit.