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Publié le 23 Avril 2020

France - Coronavirus : plus de 60 000 morts évités en France grâce au confinement, selon une étude

Une étude inédite donne un aperçu de ce qui se serait passé si l’épidémie de Covid-19 avait suivi son cours. Avec plus de 100 000 lits de réanimation nécessaires, les hôpitaux auraient été submergés.

Publié le 23 avril dans Le Monde

C’est une véritable hécatombe à laquelle la France a échappé grâce au confinement. Destinée à freiner l’épidémie de Covid-19, cette mesure a permis d’éviter plus de 60 000 morts dans les hôpitaux, selon une étude publiée mercredi 22 avril par des épidémiologistes de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). « Nous avons été les premiers surpris par l’ampleur de ce chiffre », indique Pascal Crépey, qui l’a coordonnée. « Dans notre modèle, le nombre de décès quotidien double tous les quatre à cinq jours à partir du 19 mars, et atteint 10 000 morts le 19 avril », précise-t-il.

Si le virus avait suivi son cours, 23 % de la population aurait été infectée pendant cette période, occasionnant une vague de cas graves impossible à absorber par les établissements de santé. Près de 670 000 patients auraient eu besoin d’être hospitalisés, et au moins 140 000 cas graves auraient dû être pris en charge, nécessitant plus de 100 000 lits de réanimation. Rien qu’en Ile-de-France, plus de 30 000 lits auraient été nécessaires. En comparaison, les 7 148 patients hospitalisés en réanimation le 8 avril – au pic – font figure de goutte d’eau.

Scénario catastrophe

« Ces résultats enterrent définitivement l’idée qu’on aurait pu laisser le virus se propager, en se disant : une fois qu’on l’aura tous eu, on sera débarrassé », souligne Pascal Crépey. « Ce qu’on a observé dans le Grand-Est ou en Ile-de-France, où il a fallu transférer d’urgence des patients dans d’autres régions, nous donne un aperçu de ce qui aurait pu se passer », ajoute le chercheur en précisant qu’un confinement mis en place quelques jours plus tôt aurait peut-être évité ce débordement.

Ile-de-France et Grand-Est

Selon la modélisation de l’EHESP, 73 900 personnes seraient décédées à l’hôpital entre le 19 mars et le 19 avril si aucune mesure de distanciation sociale n’avait été prise, contre un peu plus de 12 200 décès observés. Sur ces 61 700 vies « épargnées », environ 15 000 l’ont été en Ile-de-France et 7 700 dans le Grand-Est, les deux régions les plus touchées par l’épidémie de Covid-19.

« Ces chiffres sont un minimum », indique Pascal Crépey, « Ils ne tiennent pas compte de tous les patients qui seraient morts faute de soins si les hôpitaux avaient été débordés », explique-t-il. Les décès en maisons de retraite et à domicile n’ont pas non plus été inclus car ces données de mortalité sont encore trop parcellaires. « Le bilan quotidien est sous-estimé, car le Covid, comme la grippe, a une influence sur la mortalité générale », estime l’épidémiologiste.

250 000 morts potentielles

Selon une étude de l’Institut Pasteur, publiée mardi 21 avril, le taux de létalité de la maladie – c’est-à-dire le nombre de décès rapporté au nombre de personnes infectées – s’élève à 0,5 % en moyenne en France. Si l’on prend pour hypothèse, qu’en l’absence de vaccin, le virus cessera de circuler lorsque 70 % des 67 millions de Français auront été infectés, cela signifie que, potentiellement, 250 000 personnes pourraient, in fine, succomber au Covid-19.

Et l’histoire pourrait ne pas s’arrêter là, « car l’immunité n’est peut-être pas acquise à vie », avance Henrik Salje, épidémiologiste à l’Institut Pasteur. Quatre coronavirus circulent en France et sont le plus souvent à l’origine d’un simple rhume. « La quasi-totalité des enfants sont immunisés contre ces virus vers l’âge de 6-7 ans, et pourtant il est possible de tomber malade à tout âge », rappelle le chercheur.

« Gagner du temps »

La mise au point d’un vaccin ou la découverte d’un médicament qui réduirait la létalité du Covid-19, changerait la donne. « Le confinement sert d’abord à gagner du temps, avec l’espoir d’avoir de nouvelles armes dans six ou douze mois », rappelle Pascal Crépey. La date du 11 mai pour le déconfinement lui apparaît « encore réaliste, au rythme actuel de la décrue de l’épidémie, pourvu qu’il n’y ait pas de relâchement d’ici là ». Pour permettre une surveillance et une détection des cas comparables à ce qui se faisait au début de l’épidémie, un bon indicateur au « baromètre » des épidémiologistes est le nombre d’hospitalisations : « Pas plus de quelques centaines de nouvelles hospitalisations par jour », estime le scientifique.