Lu dans la presse
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Publié le 9 Septembre 2020

France - Emmanuel Macron durcit le ton face au séparatisme islamiste

Le président compte s’appuyer sur Matignon et sur Beauvau pour tenter de rétablir l’ordre républicain avant 2022.

Publié le 9 septembre dans Le Figaro

Commandé par l’Élysée, annoncé par Matignon et porté par Beauvau. Le projet de loi contre les séparatismes, qui doit être présenté cet automne et adopté début 2021, constituera à la fois le premier et le dernier test grandeur nature en matière de régalien pour l’exécutif. Très attendus sur ce volet depuis le début du quinquennat, le président de la République, le chef du gouvernement et les ministres de l’Intérieur et de la Citoyenneté savent qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur. Ils ont d’ailleurs eux-mêmes placé la barre assez haut, en se fixant des objectifs particulièrement ambitieux. «Le texte a vocation à faire le lien entre l’insécurité liée au terrorisme et l’insécurité du quotidien. Ne pas répondre à cette demande sociale qui s’exprime, ce serait une erreur politique», esquisse un conseiller de l’exécutif.

Quitte à prendre le risque de mélanger les concepts et de brouiller le message final? «La priorité, c’est la lutte contre l’islamisme et contre l’islam politique», rectifie Marlène Schiappa. La ministre déléguée cite notamment les récents événements de Dijon (Côte-d’Or), où les affrontements entre communautés tchétchène et maghrébine ont «particulièrement marqué» l’opinion publique. «Quel échec pour la République de voir que la situation s’est réglée à la mosquée! L’ordre des clans, c’est l’inverse de l’ordre républicain», martèle-t-elle.

Après un été marqué par la multiplication des agressions et de la violence gratuite, les macronistes craignent en effet d’être débordés sur leur droite par Les Républicains et le Rassemblement national. D’autant que, pour ne rien arranger, le gouvernement a publiquement étalé ses divisions, faisant apparaître une ligne de fracture entre deux camps: celui des pourfendeurs de l’«ensauvagement» de la société, emmenés par Gérald Darmanin ; et celui des avocats d’un prétendu «sentiment d’insécurité», conduits par Éric Dupond-Moretti.

Un ton martial

Il a finalement fallu attendre un sondage Ifop, paru lundi, pour que les Français tranchent massivement en faveur du premier flic de France (70 %), aux dépens de son collègue garde des Sceaux. Mardi, enfin, c’est Emmanuel Macron qui est à son tour monté au créneau, pour tenter de siffler la fin de la récréation en marge d’un déplacement à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Passablement agacé par le débat sémantique qui sature l’espace politico-médiatique depuis plusieurs semaines, le chef de l’État a dénoncé «le Kama-sutra de l’ensauvagement» auquel se livrent selon lui les commentateurs. «Ce qui m’importe, c’est le réel. (…) Et nous, on est là pour régler les problèmes (des Français)», a-t-il encore affirmé.

Pour y parvenir, le président de la République a longuement consulté. Ses ministres, d’abord. Mais pas seulement. Cela fait près d’un an que le dossier traîne sur son bureau. À l’époque, Emmanuel Macron entendait d’ailleurs aborder les sujets de manière distincte, pour éviter de tomber dans ce qu’il appelle «le piège de l’amalgame» ou de la «stigmatisation». C’est ainsi que le chef de l’État a envisagé, dans un premier temps, de désarticuler la lutte contre la radicalisation, la lutte contre le communautarisme et la structuration de l’islam de France. Les conclusions de ses premiers travaux l’ont finalement convaincu qu’il faisait fausse route. Que le sujet est tel qu’il faut le traiter dans son ensemble.

En ce sens, la crise du coronavirus pourrait presque apparaître comme une chance pour le président de la République. Certes, elle a brutalement interrompu le calendrier qu’il s’était fixé. Mais cette pause forcée lui a aussi permis de mûrir le sujet. De se forger une conviction claire. Et, surtout, de prendre conscience que tout ne se règle pas, comme il a semblé le croire en 2017, par le seul prisme de la réforme économique et sociale.

Désormais, Emmanuel Macron entend donc installer une «séquence» uniquement axée sur le régalien. Il s’y est employé dès la semaine dernière, lors de son discours au Panthéon pour commémorer le 150e anniversaire de la proclamation de la République. Fustigeant «ceux qui, souvent au nom d’un Dieu, parfois avec l’aide de puissances étrangères, entendent imposer la loi d’un groupe»il a affirmé que «la République, parce qu’elle est indivisible, n’admet aucune aventure séparatiste». Un ton martial qu’il entend poursuivre dans les prochains jours et les prochaines semaines, lors de ses futurs déplacements et prises de parole.

D’ici là, le chef de l’État va surveiller l’élection à la présidence du groupe LREM à l’Assemblée, prévue cette semaine. Notamment parce que la désignation de l’un des deux favoris, Aurore Bergé ou Christophe Castaner, pourrait exacerber les tensions avec une majorité solidement ancrée à gauche… Et pas vraiment en pointe sur les questions relatives à l’islam et à la laïcité.