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Publié le 21 Octobre 2020

France - Fermeture de la mosquée de Pantin : 4 questions sur une procédure sensible

Le ministre de l’Intérieur a décidé de faire fermer la mosquée de Pantin, à qui il reproche notamment le partage d’une vidéo dénonçant le cours de Samuel Paty, assassiné vendredi. Décryptage.

Publié le 20 octobre dans Le Parisien

L'attentat contre la vie de Samuel Paty, professeur d'histoire, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), vendredi dernier, secoue la société française en profondeur. L'enquête en cours a ainsi révélé l'implication de personnalités islamistes et notamment de la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis) dans ce drame, à qui l'on reproche le partage sur sa page Facebook d'une vidéo dénonçant le cours de l'enseignant.


En réponse, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, a donc décidé de faire fermer la mosquée. L'imam du lieu de culte, qui a reconnu une « maladresse » au sujet de la publication de la vidéo et s'estime « jeté en pâture », n'a pas encore annoncé s'il exerçait un recours contre la décision du ministre. Il a encore quelques heures pour faire son choix. Explications.


Qui décide de la fermeture d'une mosquée ?


En temps normal, la décision de fermeture d'un lieu de culte appartient d'abord aux préfets dans les départements et au préfet de police à Paris. Cette disposition a été intégrée à la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, plus connue sous le nom de loi SILT. Une loi qui précise donc qu'« aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de tels actes ».


L'article L227-1 précise toutefois que « la durée (de fermeture) doit être proportionnée aux circonstances qui l'ont motivée et ne peut excéder six mois ».


Dans quel délai la mosquée doit-elle fermer ?


Concrètement, la fermeture est prononcée par arrêté « motivé et précédée d'une procédure contradictoire ». L'arrêté de fermeture n'est exécutoire qu'à l'issue d'un délai minimal de quarante-huit heures, à l'expiration duquel « la mesure peut faire l'objet d'une exécution d'office », précise bien la loi. La mosquée de Pantin, conformément à cette règle de droit, pourra donc être fermée dès mercredi soir, a indiqué le ministère de l'Intérieur.


Peut-on s'y opposer ?


Il existe des possibilités juridiques pour s'y opposer ou au moins ralentir l'exécution. « Si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d'office avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d'une audience publique en application du deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du même code ou, si les parties ont été informées d'une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande », précise la loi SILT. Des organisations musulmanes comme le CCIF ou ADM (Action droits des musulmans) s'y sont ainsi vigoureusement opposées ces dernières années, publiant même un rapport intitulé « Punition collective ». Les auteurs du rapport pointent du doigt des mesures « discriminatoires ». « Aucune des mosquées fermées n'a fait l'objet d'une ouverture d'instruction judiciaire en lien avec du terrorisme. Les outils de la lutte antiterroriste sont déviés et servent de punition collective sur une communauté pour un acte commis par une tierce personne, en violation avec la liberté religieuse. Elles privent des milliers de musulmans de lieu de culte et se révèlent être des mesures discriminatoires et disproportionnées », souligne le rapport dans sa synthèse.


Combien de mosquées ont été fermées ces dernières années ?


Depuis la mise en place de la loi SILT, sept mosquées ont fait l'objet de fermeture pour une durée de six mois, comme le rappelle le rapport du gouvernement devant l'Assemblée nationale de février 2020. En 2019, la mosquée « As-Sunnah » à Hautmont (Nord) a été fermée par arrêté du préfet du 13 décembre 2018, arrivé à échéance le 15 juin 2019. Le lieu de culte n'a pas rouvert à l'expiration de la mesure. Autre cas de figure : la mosquée « Al-Kawthar » à Grenoble (38), fermée par arrêté du préfet de l'Isère du 4 février 2019, arrivé à échéance le 7 août 2019. Cette fois, le lieu de culte a rouvert le 11 août 2019. L'arrêté préfectoral prononçant la fermeture de la mosquée « Al-Kawthar » de Grenoble était essentiellement motivé par les propos tenus par l'imam (qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 12 juillet 2019 et a depuis quitté le territoire) ainsi que par la diffusion de ces propos sur Internet.


Auparavant, entre la fin de l'état d'urgence et le 1er janvier 2019, cinq autres mosquées avaient été fermées sur le territoire hexagonal : la mosquée de Sartrouville (Yvelines), la mosquée Dar es Salam d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), la mosquée Sunna de Marseille (Bouches-du-Rhône), la mosquée de Gigean (Hérault) et la mosquée Zahra à Grande-Synthe (Nord).


Dans le cadre de l'état d'urgence instauré en France du 14 novembre 2015 au 31 octobre 2017, 29 « lieux de réunion » dont une vingtaine de mosquées ont été fermés de manière provisoire, selon un rapport parlementaire.

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