Lu dans la presse
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Publié le 23 Octobre 2020

France - L'ultimatum de Marlène Schiappa aux réseaux sociaux

La ministre déléguée à la Citoyenneté a sévèrement sermonné les plateformes, jugées trop passives dans la lutte contre le cyberislamisme.

Publié le 23 octobre dans Le Point

« Vous ne vous rendez pas compte ! C'est un sujet à prendre au sérieux ! » Un silence glacial parcourt la pièce. Ce mardi 20 octobre, Place Beauvau, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa a convoqué le gratin français des représentants de plusieurs plateformes de réseaux sociaux. Facebook, Instagram, Twitter, YouTube, TikTok, Wikipédia, Le Pot commun, Pinterest… S'ils sont tous là, c'est officiellement pour améliorer la lutte contre le « cyberislamisme » et mesurer « l'enjeu de sécurité nationale ». Officieusement ? Ils sont venus se faire remonter les bretelles. « C'est leur passivité dans cette lutte qui est pointée du doigt », n'hésite pas à accuser un autre membre du gouvernement.

Tous les sachems des réseaux sociaux n'ont pas daigné répondre à la convocation de Marlène Schiappa, à commencer par Twitter France, qui a préféré envoyer un second couteau autour de la table. De quoi agacer au ministère de l'Intérieur, tant le rôle de Twitter dans l'attentat de Conflans-Saint-Honorine et l'assassinat de Samuel Paty interroge. Selon Mediapart, le terroriste avait déjà publié une photo de décapitation le 30 août dernier sur son compte Twitter. Un mois plus tôt, fin juillet, il avait en outre fait l'objet d'un signalement pour « apologie de la violence, incitation à la haine, homophobie et racisme » à Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. « Vous mettez trop de temps à réagir, à répondre à Pharos, voire vous ne leur répondez même pas », a protesté Marlène Schiappa avant de tonner, martiale : « Mais vous pensez que c'est qui, Pharos ? C'est la police, c'est le renseignement. » Pour la ministre, « l'État prend ses responsabilités », mais « il faut qu'il y ait le même niveau d'investissement de la part des plateformes ».

Ultimatum

Car celles-ci ont une « fâcheuse tendance à se reposer sur les forces de l'ordre », s'agace-t-on Place Beauvau. Récemment, une ministre victime d'une campagne de cyberharcèlement à base d'insultes et autres menaces sur ses enfants décide de déposer plainte et contacte directement un représentant de Twitter pour réagir au plus vite. En guise de réponse, un simple SMS de deux lignes avec un lien URL vers une page de signalement : « Les forces de l'ordre connaissent le process. » Du côté de la ministre, on fulmine : « Les policiers et gendarmes ne sont pas les community managers de Twitter ! »

Mardi, c'est une convocation aux airs d'ultimatum qui a été donnée par le gouvernement aux réseaux sociaux. « C'était aussi cordial que comminatoire », résume un participant, qui concède : « Twitter ne joue pas le jeu. Ils sont les moins coopératifs, là où Facebook agit vraiment. » Outre la nécessité d'automatiser les signalements entre les plateformes et Pharos et de fluidifier leurs échanges, le gouvernement a ressuscité le « groupe de contact permanent » mis en place par Bernard Cazeneuve après les attentats de 2015 et afin d'assurer « une réactivité opérationnelle » lors des signalements. De nouvelles réunions doivent se tenir dans les semaines à venir et il a été demandé aux plateformes d'y venir avec « des propositions opérationnelles ».

À l'Assemblée, c'est un petit groupe de députés marcheurs qui s'active en catimini pour remettre de l'ordre dans la loi Avia, retoquée car jugée anticonstitutionnelle en juin dernier. « On va la reprendre, la nettoyer, la renforcer… On ne peut pas passer à côté, il nous faut un nouvel arsenal juridique », abonde un parlementaire, qui rappelle les mots du Premier ministre Jean Castex mardi à l'Assemblée nationale : « C'est parce qu'il a été nommément désigné par les réseaux sociaux que Samuel Paty a été assassiné. » « Par » et pas « sur », certains y ont vu une erreur de langage et d'autres une nuance bavarde.

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