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Publié le 14 Mai 2020

France/Haine en ligne - Ce que contient la proposition de loi définitivement adoptée ce mercredi

Le Parlement a définitivement adopté ce mercredi, via un ultime vote de l'Assemblée nationale, la proposition de loi visant à "mettre fin à l'impunité" de la haine en ligne. Voici les principales mesures qu'elle contient.

Publié le 13 mai dans France Bleu

Les députés ont définitivement adopté, ce mercredi, la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet. Au terme d'un long débat, ce vote entérine un certain nombre de mesures pour lutter contre "l'impunité" dénoncée par la députée LREM Laetitia Avia, auteure du texte.

Voici les principales mesures que contient la loi.

 

Retrait sous 24 heures des contenus illicites

Quel que soit leur pays d'établissement, les opérateurs de plateforme en ligne (Facebook, Youtube...) et moteurs de recherche (Google, Qwant...) dont l'activité sur le territoire français dépassera des seuils déterminés par décret, seront tenus de retirer ou déréférencer dans un délai de vingt-quatre heures tout contenu "manifestement" illicite, après signalement par une ou plusieurs personnes.

Les messages, vidéos ou images concernés sont ceux constituant des provocations à des actes de terrorisme, faisant l'apologie de tels actes ainsi que des crimes contre l'humanité, ou comportant une incitation à la haine, la violence, la discrimination. Les injures envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou non-appartenance à une race, religion, ethnie, nationalité, à raison de leur sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou de leur handicap, seront également bannis. Même chose pour les contenus constitutifs de harcèlement sexuel ou, s'il sont susceptibles d'être vus par un mineur, ceux à caractère pornographique.  

Le retrait devra même être fait en une heure - et non plus 24 heures comme actuellement - pour les contenus terroristes ou pédopornographiques, en cas de notification par les autorités publiques.

Création d'un délit de refus de suppression

A la place de ces contenus, les opérateurs feront figurer un message indiquant le retrait. Un délit de refus de retrait sera créé : la justice pourra prononcer des amendes jusqu'à 1,25 million d'euros envers les opérateurs.

A l'inverse, les éventuels signalements abusifs par les utilisateurs de plateforme seront eux passibles d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.

Un parquet et une juridiction seront spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne.

Un bouton unique de signalement et un suivi obligatoire des réclamations

Pour faciliter les signalements d'utilisateurs, les plateformes vont devoir mettre en place un dispositif de notification "directement accessible" à partir du contenu litigieux, et "uniforme". D'un réseau social à un moteur de recherche, il sera ainsi facilement reconnaissable.

Les utilisateurs devront être tenus informés des suites données à leur notification. Les mineurs victimes d'un contenu abusif pourront saisir des associations de protection, qui agiront pour eux.

Les plateformes contraintes à coopérer pour empêcher qu'un contenu illicite devienne viral

Les plateformes, tels que les réseaux sociaux, devront mettre en oeuvre "les procédures et les moyens humains" ainsi que "technologiques proportionnés permettant de garantir le traitement dans les meilleurs délais des notifications reçues", sans effectuer de retraits injustifiés. 

Les plateformes devront aussi rendre compte publiquement des "actions et moyens" mis en oeuvre dans la lutte contre les contenus haineux, ainsi que des "résultats obtenus". Elles auront aussi l'obligation d'informer "promptement" les autorités des activités haineuses, et d'avoir un représentant légal chargé de répondre aux demandes de la justice.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) veillera au respect du devoir de coopération des opérateurs, et pourra, en cas de manquement persistant, prononcer une sanction sans excéder 20 millions d'euros ou 4% du chiffre d'affaires annuel mondial. Le CSA publiera un bilan annuel et pourra publier les mises en demeure et sanctions.

Des mesures d'éducation pour les plus jeunes

La loi prévoit aussi d'éduquer les plus jeunes utilisateurs de ces plateformes. La lutte contre la diffusion de messages haineux en ligne devra faire partie du programme scolaire, et la formation des enseignants sera renforcée.

Les opérateurs seront tenus, lors de la première utilisation de leurs services par un mineur âgé de moins de quinze ans, de sensibiliser le mineur et ses parents à une "utilisation civique et responsable", et de les informer des risques juridiques en cas de diffusion par le mineur de contenus haineux.

Un "observatoire de la haine en ligne" sera créé pour assurer "le suivi et l'analyse de l'évolution des contenus" haineux, en lien avec opérateurs, associations et chercheurs.

L'obligation de retrait des contenus au coeur du débat

La proposition de loi avait entamé son parcours parlementaire en avril 2019, puis été assez largement remaniée, au gré des critiques ou observations, jusqu'à la Commission européenne qui demandait un meilleur ciblage des contenus incriminés.

Dans un dernier assaut, les députés Insoumis ont défendu mercredi une motion de rejet. L'extrême gauche, ainsi que l'extrême droite, se sont élevées contre un risque de "censure automatique". "Même en pleine crise sanitaire et économique, la macronie poursuit ses projets liberticides", a fustigé dans un communiqué l'eurodéputé RN Jordan Bardella.

Pas question de confier la police de notre liberté d'expression aux GAFA - Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR

Le Sénat dominé par l'opposition de droite s'était lui opposé à la mesure phare du retrait des contenus. "Pas question de confier la police de notre liberté d'expression aux GAFA" (Google, Amazon, Facebook et Apple), avait dénoncé le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau.  

La proposition de loi a suscité de nombreuses réserves, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique. Le secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O a de son côté estimé être parvenu à point d'équilibre entre liberté d'expression et "efficacité".

Les grandes entreprises du numérique affichent leur soutien au renforcement de la lutte contre la haine en ligne, mais l'obligation de retrait les inquiète aussi. Car elle obligera les plateformes à décider très rapidement, au risque d'une cascade de polémiques et conflits juridiques.

 

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