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Publié le 11 Mars 2020

France/Terrorisme - Yaël Braun-Pivet: "Le dispositif antiterroriste mérite d’être musclé"

La présidente LREM de la commission des lois à l’Assemblée estime que le suivi judiciaire des détenus terroristes qui sortiront de prison dans les mois à venir doit être consolidé.

Publié le 10 mars dans Le Figaro

La présidente LREM de la commission des lois à l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, expose les raisons qui la poussent à défendre, avec son collègue de Saône-et-Loire, Raphaël Gauvain, une proposition de loi instaurant un régime de sûreté pour les terroristes condamnés sortant de prison.

LE FIGARO. - Le système antiterroriste n’a-t-il pas été assez remanié depuis 2012?

Yaël BRAUN-PIVET. -Le dispositif antiterroriste mérite d’être musclé. Un long travail a déjà été effectué, c’est vrai, pour renforcer les services de renseignement, réformer les fichiers, prévenir la radicalisation, faciliter la coopération entre services. Mais le suivi judiciaire des détenus terroristes qui sortiront de prison dans les mois à venir doit être consolidé.

Quel est le danger?

Plus de 530 détenus purgent une peine en France pour terrorisme. Une quarantaine sera libérée en 2020, une soixantaine en 2021, et plus de 45 en 2022. Or certains profils peuvent présenter, à leur sortie, de sérieux risques de réitération ou de passage à l’acte. Ils seront suivis, certes, mais l’état de notre droit ne garantit pas qu’ils puissent l’être d’une façon adaptée à leur dangerosité potentielle.

Il y aurait donc un vide législatif?

Oui. L’effet pervers de certaines dispositions votées ces dernières années, c’est que les sortants de prison condamnés pour terrorisme font l’objet, la plupart du temps, de sorties sèches. Ils ne peuvent pas bénéficier d’un suivi judiciaire adapté dans le cadre de mesures d’accompagnement comme la semi-liberté ou la libération conditionnelle, parce que la loi de 2016 les en exclut de facto.

Mais les services les surveillent…

Ils font bien sûr un travail de suivi très fin. Il existe de surcroît un suivi administratif, à travers les mesures individuelles de contrôle et de surveillance (Micas), adoptées en 2017. Celles-ci fixent des obligations de pointage, de résidence, des interdictions de paraître ou de rencontrer certaines personnes. Mais elles ne permettent pas un suivi dans la durée. Il est déjà compliqué d’obtenir leur renouvellement au bout de six mois, et, de toute façon, elles ne peuvent être ordonnées pour une durée qui excéderait un an.

Et qu’apporteraient des mesures judiciaires?

Elles permettraient un suivi plus étroit et sur le long terme. Dans notre texte, nous introduisons un régime ad hoc de sûreté. Ces mesures seraient ordonnées pour un an et pourraient être renouvelées par le tribunal de l’application des peines pour la même durée, sans pouvoir excéder dix années d’application au total. Toutefois, la limite serait portée à vingt ans lorsque les faits commis par le condamné constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Il y aurait, durant tout ce processus contradictoire, intervention d’un juge, du procureur, des avocats.

Mais de là à agir jusqu’à vingt ans après la prison…

Ne soyons ni naïfs ni caricaturaux. Ce serait une application au cas par cas avec des possibilités de réexamen. Aujourd’hui, il y a des profils bien particuliers dont on sait qu’ils n’ont pas été sujets à un désengagement en détention. Ceux-là présentent un potentiel de risque pour la société. Il faut agir. Notre dispositif serait opérationnel immédiatement.

À droite, certains, comme Éric Ciotti, proposent plutôt des peines de sûreté…

Cette formule se heurterait à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’oppose à ce que de nouvelles peines, surtout quand elles sont trop restrictives de liberté, s’appliquent à des faits commis antérieurement au vote de la loi. Il ne pourrait donc y avoir de rétroactivité. On pourrait bien sûr imaginer de revoir la Constitution, mais ce n’est guère aisé et nous toucherions à un principe fondateur de notre État de droit. Raphaël Gauvain et moi-même proposons donc un dispositif qui ne touche pas aux peines et à Constitution constante. Il impose maintes obligations qui exposent celui qui les viole à trois ans de prison et 45.000 euros d’amende. Ces mesures vont jusqu’à la pose de bracelet électronique.

Mais un bracelet n’empêche pas d’agir. N’est-ce pas de la fermeté en trompe-l’œil?

Je ne crois pas à la possibilité d’annihiler le risque terroriste à 100 %. Nous ne sommes pas dans la démagogie mais dans la protection effective des Français.

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