Lu dans la presse
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Publié le 13 Mai 2020

Haine en ligne - Coronavirus: Pourquoi tant de haine sur les réseaux sociaux pendant le confinement ?

Depuis le début de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus, le nombre d’utilisateurs a augmenté sur les réseaux sociaux, tout comme les messages haineux en ligne

Publié le 3 mai dans 20 Minutes

  • Depuis le début du confinement, les messages haineux et discriminatoires sont en hausse sur les réseaux sociaux.

  • Cyberharcèlement, revenge porn et autres comportements malveillants en ligne sont également en augmentation depuis la mi-mars.

  • Afin d’améliorer la modération des contenus en ligne, Marlène Schiappa, a réuni en urgence la semaine dernière plusieurs plateformes (Twitter, Facebook, Google) et réfléchit à mettre en place un « Observatoire de la haine en ligne ».

Depuis le début du confinement, les Français ne peuvent plus sortir de chez eux, mais ont toujours la liberté de pouvoir se balader sur les réseaux sociaux. Pour beaucoup, c’est l’un des seuls moyens de garder un lien avec le monde extérieur. Mais comme l’a fait remarquer Edouard Philippe lors de son discours à l’Assemblée, avec la hausse du nombre d’utilisateurs, les réseaux sociaux ne sont aujourd’hui « plus très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse ». Les comportements en ligne ont évolué durant cette période, et les trolls ou autres internautes malveillants sont désormais plus nombreux, et surtout plus visibles.

Le confinement n’a donc pas fait taire la haine en ligne, bien au contraire… Depuis le début de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus, les messages haineux et discriminatoires sont en hausse sur les réseaux sociaux. Selon le baromètre de Netino, société spécialisée dans l’étude des réseaux sociaux, 14 % des messages en ligne, en partie liés au confinement, pouvaient être qualifiés de contenu haineux au mois de mars. Un chiffre en hausse par rapport aux mois précédents, qui préoccupe de nombreuses associations de lutte contre le racisme et contre les discriminations.

Propos haineux, cyberharcèlement, revenge porn…

Selon le panorama de la haine en ligne réalisé par Netino, les messages haineux postés sur Twitter et Facebook, en particulier sur les pages des grands médias français, ont augmenté de manière significative. « Quand on regarde le dernier trimestre, et que l’on analyse les données mois par mois, on constate clairement une recrudescence des contenus haineux sur le mois de mars, notamment après le début du confinement », explique Jean-Marc Royer, fondateur de Netino. Dans le détail, les insultes entre internautes (33 % des contenus haineux) sont les plus courantes, devant les attaques contre les personnalités politiques (26 %). Fait nouveau, « on note l’apparition de messages haineux à l’encontre des comportements non civiques liés au confinement (7 %) », précise le fondateur de Netino.

Le cyberharcèlement, autre forme de haine en ligne, est également en hausse depuis le début du confinement. Certains médecins, comme la professeure Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, en ont fait les frais. « J’ai décidé de quitter complètement les réseaux sociaux, où j’essayais de faire passer de l’information objective, mais qui finalement était noyée par le flot de jugements à l’emporte-pièce (…) J’ai reçu des mails extrêmement désagréables, des menaces physiques, des injures », explique la médecin, devenue l’un des visages de la lutte contre le coronavirus en France.

« Les appels et les signalements pour cause de cyberharcèlement ont fortement augmenté », confirme l’association e-Enfance qui gère la plateforme d’aide aux victimes de cyberharcèlement Net Ecoute. « Les appels ont bondi de 20 % depuis le début du confinement, soit environ 350 par semaine », détaille Justine Atlan, la présidente de l’association. Le revenge porn, via les comptes ficha [se taper l’affiche en verlan], a également explosé durant le confinement. « Malheureusement, quand les gens s’ennuient, ça les occupe beaucoup de nuire aux autres ».

« Des soucis de modération » pour les grandes plateformes

Face à ce constat, SOS Racisme a décidé de lancer début avril une campagne de sensibilisation baptisée #EnsembleSurInternet avec un collectif d’associations et de personnalités. « On en a eu marre de voir passer des torrents de haine sur Internet. On a eu l’idée de créer une vidéo virale pour inciter les plateformes à réagir plus vite face aux signalements et à améliorer leur politique de modération », explique le collectif. Car une grande partie du problème actuel réside aussi dans le fait que la modération réalisée par les grandes plateformes, en cette période de surutilisation des réseaux sociaux, est insuffisante.

« Avec la pandémie et le confinement, les modérateurs des grandes plateformes ne peuvent pas faire leur travail puisqu’ils ne peuvent plus se rendre dans les moderation centers. Ils ne peuvent plus avoir accès à tous leurs outils et à la technologie nécessaire. Et du coup, la modération en prend un coup, ce qui dans une période comme celle que l’on vit actuellement, est très préoccupant », explique Noémie Madar, présidente de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). « Si vous allez sur Facebook et que vous voulez signaler un contenu, vous recevrez automatiquement un message qui explique que la modération est plus lente en ce moment », détaille la présidente de l’UEJF.

YouTube, Facebook ou encore Twitter ont effet dû adapter leur politique de modération durant le confinement, expliquant qu’ils avaient dû davantage s’appuyer « sur des outils de modération automatisés, gérés par des intelligences artificielles », moins efficaces que la modération humaine. La plateforme Twitter a ainsi décidé « de pas supprimer automatiquement les comptes » repérés comme étant dangereux par l’intelligence artificielle, et réfléchit à instaurer « une sorte de gare de triage » des contenus problématiques, afin de les classer en fonction de l’urgence à les traiter.

Bientôt un observatoire de la haine en ligne ?

Afin d’améliorer la modération des contenus en ligne, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a réuni en urgence la semaine dernière plusieurs plateformes (Twitter, Facebook, Google) et des associations de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie. « L’Etat est engagé, et il est présent pour réaffirmer que les plateformes doivent prendre leurs responsabilités et ne pas relâcher leurs efforts particulièrement en période de confinement », a indiqué à 20 Minutes le cabinet de Marlène Schiappa.

« Les réunions vont se poursuivre afin de faire un point d’étape avec les plateformes et réfléchir ensemble aux meilleurs moyens de sensibiliser les internautes. La proposition de loi contre la Cyberhaine permettra d’aller plus loin pour protéger les victimes », a ajouté le secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, qui a également précisé à 20 Minutes que « la création d’un Observatoire de la haine en ligne » avait été évoquée lors de cette réunion. Un rapport détaillé des usages en ligne a par ailleurs été commandé par le gouvernement pour vérifier si la hausse des contenus haineux se confirmait sur la durée du confinement, afin de la mettre en perspective avec le taux d’engagement sur Internet.

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