Lu dans la presse
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Publié le 18 Juin 2019

Haine sur Internet - Nicole Belloubet s'interroge : "faut-il retirer l'injure et la diffamation de la loi de 1881?"

La ministre de la Justice Nicole Belloubet veut lutter contre la cyberhaine en lançant un groupe de travail sur la réforme de la loi-symbole sur la liberté de la presse (loi de 1881).

Publié le 15 juin dans Le journal du dimanche

Le sujet mis sur la table par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, est audacieux : pour mieux réprimer la haine sur Internet, faut-il retirer l'injure et la diffamation de la loi de 1881 sur la liberté de la presse afin que ces délits relèvent du droit commun? "La difficulté majeure pour apporter une réponse à ces actes inacceptables est qu'ils s'inscrivent dans la loi de 1881. Des voix s'élèvent, d'associations, de magistrats, disant qu'il faut sortir l'injure et la diffamation de cette loi, pour aller vers le droit pénal commun. Ainsi la réponse s'accélérerait par exemple pour juger en comparution immédiate les auteurs récidivistes d'injures ou de diffamation." Nicole Belloubet, qui a demandé l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, va constituer un groupe de travail composé de parlementaires, de magistrats ou d'avocats qui rendra sa copie à l'automne. Objectif : garantir qu'une telle réforme ne menace pas la liberté de la presse. 

La proposition de loi Avia sur la haine sur Internet, que vous soutenez avec ferveur, doit être présentée à l’Assemblée nationale début juillet. Les mesures prévues sont-elles suffisantes pour contenir le flot nauséabond des réseaux sociaux?

Sur Internet, les propos racistes, antisémites, homophobes se multiplient. Nous avons prévu dans la loi de réforme de la Justice que j’ai portée des dispositifs plus efficaces pour lutter contre cette prolifération en créant un cadre juridique pour déposer plainte en ligne et en permettant de juger plus rapidement les auteurs de messages d’incitation à la haine grâce à des ordonnances pénales. Il est aussi possible d’agir par la voie civile, en référé afin de solliciter la fermeture rapide des sites en cause. Mais le Parlement examinera prochainement la proposition de loi de la députée LREM Laëtitia Avia qui donnera encore plus de force à la réponse à ces actes odieux. Les réseaux sociaux seront tenus de retirer sous 24 heures les contenus haineux sous peine de lourdes amendes. Et nous allons spécialiser un parquet pour répondre aux actes les plus graves tels que les raids numériques.

Certains pensent qu’il faudrait aller plus loin car la sanction de la plupart de ces actes relèvent de la loi sur la liberté de la presse de 1881. Ces personnes ou ces associations – pensent qu’il faudrait sortir l’injure et la diffamation de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour l’inscrire dans le droit pénal commun, pour donner plus de pouvoir aux magistrats et accélérer la réponse. C’est un débat, complexe et délicat. Je pense qu’il doit s’accompagner d’une réflexion approfondie sur la liberté d’expression sur les réseaux sociaux et la responsabilité de ces derniers. Ce débat ne peut se faire à l’occasion de l’examen d’amendements dans le cadre de cette proposition de loi. 

De quelle manière comptez-vous mettre ce sujet sur la table?

Je souhaite solliciter l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) qui regroupe toute une série d’acteurs de la société civile d’associations des droits de l’homme et de liberté.. Cette réflexion pourra éclairer le travail plus technique qui sera conduit ensuite sur les implications juridiques d’une évolution de la procédure. Je souhaite que la CNCDH ait un temps suffisant pour réfléchir à ces sujets. On pourrait avoir la restitution de ces travaux à l’automne.

À titre personnel, vous pencheriez plutôt vers une sortie de la loi de 1881…

On ne peut modifier un tel texte que d'une main tremblante et après mûre réflexion. Je comprends bien qu’il pourrait être intéressant de sortir de la loi de 1881, par exemple pour juger en comparution immédiate, les auteurs récidivistes d’injures. Le problème ce sont les limites : à partir de quel moment va-t-on considérer qu’un acte relève d’une agression raciste, homophobe, antisémite?

En détricotant la loi sur la liberté de la presse, ne touchez-vous pas à un symbole?

Cette loi cardinale donne à la liberté d’expression toute sa noblesse et toute sa protection. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs fait de la liberté d’expression un principe fondamental de notre démocratie. J’y suis profondément attachée. Le propos ici n’est pas du tout de remettre en cause cela. La question qui se pose est de savoir comment concilier liberté d’expression et efficacité de la répression de la haine en ligne. C’est tout l’enjeu de la réflexion que je souhaite ouvrir.

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