Lu dans la presse
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Publié le 16 Mars 2020

Israël - Benny Gantz désigné pour former un gouvernement

Le candidat du parti Bleu Blanc dispose d’une fragile majorité pour succéder à Benyamin Nétanyahou.

Photo : Benny Gantz, le dirigeant de la formation Bleu Blanc, le 2 mars, à Rosh Ha’ayin (Israël). NIR ELIAS/REUTERS

Publié le 16 mars 2020 dans Le Monde

Le général Benny Gantz devait se voir confier, lundi 16 mars dans la journée, la tâche ardue de former un gouvernement en Israël, ce qui mettrait fin à plus de dix ans de mandats du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Une courte majorité des parlementaires élus le 2 mars avait recommandé, dimanche, au président Réouven Rivlin de le désigner. Celui-ci a annoncé dans un communiqué son intention de le faire.

Dans un geste historique, les quinze députés arabes de la Knesset se sont joints à cette alliance d’opportunité, en faveur du chef de la formation Bleu Blanc. Cela n’allait pas de soi : en entrant en politique, voilà un an, cet ancien chef d’état-major de l’armée s’était lourdement vanté d’avoir renvoyé « une partie de Gaza à l’âge de pierre » à l’été 2014, durant le dernier conflit d’envergure dans l’enclave palestinienne. La semaine dernière, le meneur de la liste unie, Ayman Odeh, estimait encore auprès du Monde que M. Gantz avait mené une campagne « raciste » pour les législatives du 2 mars. Il avait coupé tout contact lorsque le général s’était lancé dans une surenchère nationaliste afin d’attirer, sans succès, des électeurs de droite qu’il espérait lassés de M. Nétanyahou.

Les leaders de Bleu Blanc avaient promis de ne s’appuyer que sur une « majorité juive » ou « sioniste » pour former un gouvernement, mais M. Gantz n’avait pas de majorité sans les Arabes. Arrivé en tête des législatives, avec 36 sièges sur 120, M. Nétanyahou a multiplié contre eux des attaques d’une violence inouïe ces derniers jours.

Chaudron politique israélien

En ce dimanche, le chaudron politique israélien a produit une seconde alliance jusqu’alors inconnue : Avidgor Lieberman, patron de la petite formation ultranationaliste Israël Beitenou (six sièges), s’est résolu à recommander à son tour M. Gantz, en se rangeant aux côtés de la gauche et des députés arabes – ses « ennemis », a-t-il rappelé au président Rivlin. « Le plus important était d’éviter une quatrième élection », estime-t-il, après les scrutins d’avril et septembre 2019, qui n’ont pas permis de dégager une majorité.

Celle qui a émergé dimanche est cependant instable. M. Gantz sera bien en peine de la faire tenir dans la nouvelle phase de négociations qui s’ouvre. Il est exclu que ces partis siègent ensemble au gouvernement : seule leur opposition à M. Nétanyahou les rassemble. M. Gantz n’est pas même assuré de tenir en ordre de marche son propre mouvement, Bleu Blanc, jusqu’à un vote de confiance indispensable à la Knesset.

Un premier test aura lieu lundi, lorsque l’opposition cherchera à remplacer le président du Parlement, Yuli Edelstein

Deux députés de son aile droite, anciens proches collaborateurs de M. Nétanyahou, éconduits et humiliés par ce dernier, ont d’ores et déjà refusé de s’associer à un pouvoir soutenu par les partis arabes. La fondatrice du petit parti Gesher, ancienne alliée de M. Nétanyahou, qui s’était associée à la gauche le 2 mars et a obtenu un unique siège, manifeste des réticences similaires. Elle n’a pas recommandé M. Gantz dimanche.

Un premier test aura lieu lundi, lorsque l’opposition cherchera à remplacer le président du parlement, Yuli Edelstein. Cet allié du premier ministre a affirmé qu’il n’autoriserait pas un tel vote, estimant qu’il nuirait à la formation d’un large gouvernement d’union qui inclurait la droite au pouvoir. Cela revient à privilégier le pur rapport de force à la rigueur institutionnelle, mais dans le cycle infini de négociations où Israël s’est enlisé depuis le scrutin d’avril 2019, un tel geste ne surprend plus.

A son poste, M. Edelstein peut encore empêcher le vote d’un projet de loi, prévu sur mesure par l’opposition pour interdire à M. Nétanyahou, inculpé pour corruption, fraude et abus de confiance, de demeurer premier ministre.

Un gouvernement « d’urgence nationale »

Le président Rivlin lui-même n’a pas abandonné l’espoir de favoriser la formation « le plus tôt possible » d’un gouvernement d’union par les deux principaux partis. Il prend ainsi acte d’un dangereux effritement des institutions, alors qu’un gouvernement de transition multiplie les mesures radicales pour contenir la propagation du nouveau coronavirus en Israël. Dimanche, les services de renseignement ont ainsi été autorisés à user d’outils de surveillance de masse réservés à l’action antiterroriste, notamment pour informer les citoyens qui se sont trouvés à proximité d’une personne infectée durant les deux semaines avant son diagnostic.

En recommandant M. Gantz, le président peut espérer atténuer la force de résistance de M. Nétanyahou dans les négociations à venir. Dimanche soir, le président a convoqué les deux hommes dans sa résidence « pour une conversation urgente ». Le premier ministre propose déjà à son rival, depuis jeudi, de former un gouvernement « d’urgence nationale », capable de lutter durant six mois contre l’épidémie, et qui inclurait tous les partis, à l’exclusion des députés arabes.

A défaut, il lui propose un gouvernement « d’unité nationale » de quatre ans, dont il lui confierait la direction à mi-course. Dans les deux cas, M. Nétanyahou demeurerait au pouvoir. M. Gantz n’y voit qu’une manœuvre de diversion. Dimanche, il accusait le premier ministre d’avoir pris prétexte des mesures de confinement décrétées contre l’épidémie pour faire demander par son ministre de la justice, dans la nuit, un report de son procès. Une première audience de pure forme devait avoir lieu le 17 mars. Le ministère de la santé n’avait pourtant pas recommandé la fermeture des tribunaux. Les trois juges de M. Nétanyahou, peu suspects de complaisance vis-à-vis du pouvoir exécutif, ont acté eux-mêmes ce report au 24 mai.

Ce matin, le président Reuven Rivlin a remis le mandat à Benny Gantz (i24news)