Tribune
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Publié le 23 Octobre 2012

« Ici repose un grand homme »

Un hommage à Michel Darmon (Z''L) par Charles-Étienne Nephtali

 

Comme le temps passe vite ! Il y a un mois déjà, avec une très grande émotion et une particulière tristesse, j’apprenais le décès à 87 ans de Monsieur Michel Darmon (Z"L), je devrais même écrire, sans fanfaronnade aucune, de « mon Ami Michel Darmon » car il était pour moi devenu un véritable Ami que je connaissais depuis plus d’une vingtaine d’années. Oui, comme le temps passe vite ! 

Quelle chance et quel honneur ai-je eus de rencontrer un tel homme ! Mon Ami Michel Darmon nous a quittés alors que nous, Juifs, célébrions Rosh HaChana, le Nouvel An juif. C’est un privilège des Juifs, comme nous l’enseignent nos Rabbins tout comme c’est une bénédiction, comme le faisait remarquer au cimetière M. le Grand Rabbin Alain Goldmann, qu’un défunt soit porté en sa dernière demeure un vendredi, juste avant l’entrée du Chabbat, d’autant plus que, dans le cas présent, ce Chabbat était le premier de l’année hébraïque 5773.

 

Auparavant, le Président de la Communauté de Versailles, M. Samuel Sandler, père de Jonathan (Z’’L), 30 ans et grand-père de Gabriel (Z’’L), 4 ans et Arieh (Z’’L), 5 ans, assassinés à Toulouse le 19 mars 2012 en même temps que la petite Myriam Monsonego (Z’’L), 7 ans, rappela les ascendances de Mme et M. Michel Darmon.

 

J’ai rencontré pour la dernière fois mon Ami Michel Darmon le 24 juin 2012 lors d'une manifestation devant l'UNESCO (nous étions peu nombreux, malheureusement), manifestation organisée par Europe-Israël en réaction à une stupéfiante et scandaleuse découverte sur le site « The World Project » de l’UNESCO : le caractère du lieu de plus saint du Judaïsme, le KOTEL, avait purement et simplement été supprimé. Il devenait un « simple mur de séparation entre les communautés religieuses ».

 

Il pleuvait ce jour-là et il m'avait accompagné en voiture jusqu'à une station de métro. Quelle délicatesse et quelle gentillesse ! Bien que le sachant malade, j’étais très loin d’imaginer que je le voyais, lui serrais la main et lui parlais pour la dernière fois. J’étais loin de penser que son « à la prochaine, M. Nephtali » était en fait un adieu !

Vendredi 21 septembre, je devais assister à la Cérémonie organisée par Serge Klarsfeld à la Mémoire des Déportés du Convoi n° 35 (comme je le fais toujours depuis le 27 mars, date du départ du convoi n° 1, lorsque je ne suis pas en Province) et être ensuite présent à Drancy pour l'inauguration du Mémorial de la Shoah.

 

J'y avais renoncé afin de pouvoir rendre, au cimetière israélite de Versailles, un dernier hommage à mon Ami, cet ancien Résistant, cet ancien élève de l’École Polytechnique et de l’École Nationale du Génie Maritime, ce « serviteur de la science, de l’État, des armées » (Michel Gurfinkiel), ce grand homme inspirant admiration, déférence et respect, modeste, très cultivé, courtois, poli, droit, intelligent, juste, sensé, humain, ne recherchant pas les honneurs, pugnace, courageux, ignorant la « langue de bois » et, à la limite, le « politiquement incorrect » (1) lorsqu'il s'agissait de défendre Israël, l’exemple même du personnage que nous aimerions rencontrer plus souvent de nos jours. Ce grand homme dont nous ne verrons plus l’élégante silhouette en tenue militaire ou civile suivant les circonstances et toujours bien à propos.

 

La modestie de M. Michel Darmon fut évoquée au cimetière par M. le Grand Rabbin Alain Goldmann qui fit remarquer à la nombreuse assistance qu’il n’y avait pas sur le cercueil un petit coussin avec ses décorations, très vraisemblablement à sa demande.

 

Nous échangions souvent nos avis respectifs sur certains événements concernant Israël et les Juifs (ce n’est pas ce qui manque, malheureusement), sur la politique plus que déséquilibrée de la France vis-à-vis d’Israël, sur le « palestinisme » des médias français et européens. Nous échangions souvent nos avis respectifs sur ses communiqués et articles ainsi que sur certains textes que j’écris de temps à autres. Mais il ne m’avait que très peu parlé de sa brillante carrière dans la Marine, brillante carrière que je connaissais par ailleurs (2). Par contre, il manifestait une certaine fierté et même une fierté certaine, à être le 1er Président juif de France-Israël. Il me l’avait confié.

 

Cet homme exceptionnel fut l’initiateur de la « Lettre ouverte aux responsables de notre temps » intitulée, « NOUS ACCUSONS », au bas de laquelle se trouvent, entre autres, les prestigieuses signatures de MM. René Cassin, Joseph Kessel, Eugène Ionesco, Étienne Wolff, lettre parue dans Le Monde des 29 mars et 6/7 avril 1975, lettre figurant en page 1 et 2 du recueil d’

 

« Articles de presse parus de 1975 à 2005 écrits par M. Michel Darmon Un discours libre et sans concessions ».

 

Recueil qu’il m’avait dédicacé à Dijon le 18 novembre 2007. Il m’est arrivé de me déplacer pour quelques une de ses conférences en Province. Je consulte souvent cet ouvrage qui me sert de référence et relis avec beaucoup de plaisir ses différents articles, lettres et allocutions.

 

J’ai toujours en mémoire sa lettre du 28 janvier 1994 à M. Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères. En cause, l’arrêté du 4 novembre 1993 paru au J.O. du 24 janvier 1994 : à la ligne « Israël » du tableau annexé, dans la colonne « Capitale ou siège du gouvernement », était porté « Tel-Aviv ».

 

Je la relis, cette lettre, avec plaisir, car, professionnellement, en tant qu’ingénieur en cartographie à l’IGN, j’avais eu à me référer à cet arrêté pour l’établissement d’un planisphère politique et avais moi-même été choqué par l’interprétation qu’en faisait le Quai d’Orsay. (voir en fichier joint la page 48 au bas de laquelle, le 6 avril 1994, M. Michel Darmon conteste la réponse qui m’avait été faite et qui contredisait ce que M. Juppé avait écrit le 3 mars 1994).

 

Dans l’affaire « Al-Dura de Netzarim/reportage d’Enderlin », M. Michel Darmon « avait saisi que la télévision publique française s’était livrée à la plus grande imposture de l’histoire de l’audiovisuel  », comme le fit remarquer Stéphane Juffa (Ména).

 

Dans ses très nombreuses réactions sur différentes affaires concernant Israël, il avait toujours raison bien avant beaucoup d’autres et il le disait haut et fort au risque de déplaire et quelles que soient les circonstances.

 

Les 2 phrases ci-dessous, que je me permets d’emprunter à nouveau à Michel Gurfinkiel, résument à elles seules la personnalité de M. Michel Darmon :

 

« Grand Français, Michel Darmon était aussi un grand Juif, fidèle à son peuple et à sa foi, mais avant tout révolté, révulsé, par la « démonisation » d’Israël voulue et imposée à partir de 1967 par une classe dirigeante de plus en plus coupée des réalités géopolitiques. Ce scandale absolu – vendre Israël pour trente deniers, et donner la France en prime, pour rien – le hantait ».

 

Je pourrai encore continuer à évoquer l’admiration que j’avais pour mon ami Michel Darmon, mais terminerai cependant mon texte (3) en pensant que, si j’avais quelques pouvoirs, je ferais écrire sur sa tombe

«  Ici repose un grand homme ».

 

Que sa Mémoire soit bénie, Zi’hrono Livra’ha !

 

Charles-Étienne Nephtali

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