Tribune
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Publié le 29 Juillet 2014

« Les Syriens ne veulent pas des djihadistes français ! »

Par un collectif publié dans le Monde le 28 juillet 2014

La question des centaines de jeunes Français qui partent faire le djihad en Syrie polarise l'attention politique et médiatique. L'inquiétude fondée que ces individus soient tentés à leur retour par des actions telles que celle conduite par Mehdi Nemmouche est suffisamment grave pour ne pas être prétexte à polémiques et surenchères, amalgames et simplifications.

En tant que démocrates franco-syriens, nous sommes tout aussi soucieux de la sécurité de la France et des Français que du sort de la population syrienne, victime des exactions quotidiennes des djihadistes et du régime de Bachar Al-Assad.

Surenchère de propositions

Très inquiets du risque que d'autres attentats comme celui de Bruxelles aient lieu en Europe, nous considérons que tout doit être fait pour en réduire le risque. Les mesures récentes – mise en place d'un Numéro Vert pour que les familles puissent prévenir des départs, plan de lutte contre les filières djihadistes vers la Syrie, privation de passeport, création d'un dispositif de réinsertion individualisé – sont nécessaires et bienvenues. De même la coordination du renseignement à l'échelle européenne. Des mesures parallèles, autres que sécuritaires – d'ordre social, économique, culturel, et législatif –, sont indispensables pour remédier au problème.

De telles mesures politiques et pratiques, des mesures responsables, ne doivent être confondues avec une surenchère de propositions à l'emporte-pièce, telle l'idée de retirer la nationalité française aux apprentis djihadistes. Non seulement parce qu'elle constituerait une violation de principes fondamentaux inscrits dans la Constitution et qu'elle serait difficilement applicable, mais surtout parce qu'elle serait sans conséquence réelle sur les personnes tentées d'aller combattre ou de commettre des attentats. En effet, qui pense sérieusement qu'un Mehdi Nemmouche ou, avant lui, Mohamed Merah, aurait arrêté ses plans criminels de peur de perdre la nationalité française ?

Ces djihadistes sont d'abord une plaie pour les Syriens

Engagés aux côtés de la révolution syrienne, bons connaisseurs de la Syrie, des événements qui s'y déroulent et des forces de tous bords agissant sur le terrain, nous sommes choqués par un oubli majeur dans le débat en France. La menace en provenance de Syrie ne peut être réduite aux risques d'attentats en Europe. Ces djihadistes sont d'abord une plaie pour les Syriens, premières victimes de leur barbarie.

Nombre de ces jeunes qui partent en Syrie n'y vont pas simplement en vacances, option « entraînement militaire ». Ils y commettent des atrocités de toutes sortes pour terroriser les populations et imposer leur loi.

À ceux qui partent parce qu'ils croient sincèrement qu'ils vont aider les Syriens, nous disons que les Syriens sont en butte aux exactions des djihadistes, lesquels se fichent de renverser le régime syrien, et que leur révolte légitime contre la dictature est souillée par les crimes des djihadistes.

Le premier message à l'intention de ceux qui partent en pensant aider les Syriens est de leur dire : « Les Syriens ne veulent pas de vous ! » Qu'ils sachent que les terroristes – notamment de l'État islamique, qui accueille la majorité de ces apprentis étrangers – sont rejetés par la population qui souffre déjà du régime dictatorial syrien... Lire la suite.

Signataires :

Cette tribune a été signée par un collectif de démocrates franco-syriens dont Bicher Haj Ibrahim (ingénieur, chercheur), Bassma Kodmani (politologue), Salam Kawakibi (politologue), Frédéric Farid Sarkis (universitaire), Marie-Claude Slick (journaliste), Manon-Nour Tannous (chercheuse en relations internationales), Lamis Zolhof (porte-parole du collectif Codssy).

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