Tribune
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Publié le 3 Novembre 2010

Les voyages de Stéphane Hessel à Gaza, par Marc Knobel

Voici comment le « grand humaniste » qu’est Stéphane Hessel commente les conséquences des milliers de roquettes qui ont été tirées par le Hamas sur Israël. Ces roquettes ont entrainé des morts, des blessés et des traumatisés en particuliers des enfants, sans compter des dégâts psychologiques et physiques graves sur le terrain. Tout cela semble faire sourire monsieur Hessel :



« Et c’est nous les malheureux israéliens, on est menacé car s’il y avait un Etat palestinien et pire que tout s’il était aux mains du Hamas, cet espèce de monstre… parce qu’il a envoyé des roquettes ! Il faut se dire que les roquettes du Hamas c’est plutôt pour les enfants (rire dans la salle). Non, c’est méchant, c’est mauvais, faut pas le faire, mais comme dégât cela n’a aucun rapport avec les dégâts de l’armée israélienne. Ce sont quelques enfants qui ont été obligés d’aller très vite dans des arbres. Triste pour eux, parce qu’ils auraient préféré aller à l’école. Bref… »



Stéphane Hessel, 3 novembre 2011.



L'écrivain Régis Debray et l'ancien diplomate Stéphane Hessel, ont reçu le feu vert des autorités égyptiennes pour entrer dans la semaine du 22 au 27 octobre 2010 dans la bande de Gaza par le terminal frontalier. Le mercredi 22 octobre, le Centre culturel français (CCF) de Gaza accueillait Stéphane Hessel. Cette journée a débuté par une visite du centre pour enfants du camp de réfugiés de Jabalia, géré par l’association palestinienne "Enfance Jeu et Education", qui travaille en collaboration avec l’association française "Voix de l’enfant", selon le site Internet de l’Association France-Palestine Solidarité. Une conférence de presse a ensuite été tenue dans les jardins du CCF de Gaza où une soixantaine de personnes, étudiants, professeurs, personnalités civiles étaient présentes. La conférence portait essentiellement sur la vie et le parcours de Stéphane Hessel. Stéphane Hessel a également rencontré Raji Surani Directeur du centre des droits de l’homme de Gaza et Tarek Abdel Shafi Professeur de droit à l’Université. Mais, ces rencontres n’ont pas été que culturelles et Stéphane Hessel et Régis Debray n’ont pas hésité à rencontrer le chef d’une organisation terroriste.
Rappel des faits :



« C'est lui (le Chef du gouvernement du Hamas, Ismaël Haniyeh) qui a su par un de ses intermédiaires que nous étions à Gaza », a précisé par la suite M. Hessel. Une organisation palestinienne des droits de l'Homme « nous a fait savoir que le Premier ministre était prêt à nous recevoir brièvement ce matin (mercredi) », a-t-il poursuivi (1). Ont également assisté à la réunion le ministre (du Hamas) de la Justice du gouvernement de Gaza, Mohamed Faraj al-Ghoul, le sous-secrétaire du (Hamas) du ministère des Affaires étrangères, le Dr Ahmad Yusuf, le porte-parole (du Hamas) du gouvernement Taher al-Nounou, et Issam Younis, directeur du Centre Mizan pour les droits de l’homme. Lors de l’entretien, Ismaïl Haniyeh a appelé ses invités à aider les Palestiniens « à se libérer de l’occupation », à mettre un terme « à l’activité de colonisation sur les terres palestiniennes et à établir un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale. « Il a souligné la nécessité de mettre fin au siège injuste contre les Palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza, transformée en quelque chose ressemblant à une grande prison à ciel ouvert. »



« Nous avons profité de la possibilité d'être reçus par lui pour lui dire nos préoccupations sur trois points », a précisé Stéphane Hessel, évoquant également les tentatives de réconciliation interpalestinienne et les entraves au travail des organisations humanitaires à Gaza (2). Par ailleurs, Régis Debray et Stéphane Hessel ont évoqué devant Ismaïl Haniyeh l'isolement « inacceptable » du soldat Gilad Shalit, selon les deux personnalités françaises. Les deux visiteurs français ont exposé à M. Haniyeh que « le fait qu'on ne puisse pas au moins le voir, le rencontrer au moins physiquement, jetait une grave ombre sur la politique du Hamas », a ajouté Stéphane Hessel (3). Sur Gilad Shalit, "sa réponse a été assez clairement qu'il faisait ce qu'il pouvait mais qu'il ne pouvait pas tout", a précisé M. Hessel (4).



Etrange affirmation d’Ismaïl Haniyeh. Or, tout le monde sait que rien ne peut se faire ou se défaire à Gaza sans l’autorisation expresse du Chef du gouvernement du Hamas. Un Haniyeh qui est -rappelons-le- dans la ligne directe de ses prédécesseurs Cheikh Yassine et AbdelAziz El Rantissi. A la suite de cet entretien, Régis Debray a pour sa part estimé que « la conversation avait été très positive, cordiale, donc c'était pour la bonne cause ».



Qu’est-ce que le Centre culturel français de Gaza (CCF) ? Quel est son statut?



Nous venons de voir que Stéphane Hessel et Régis Debray ont été invités à Gaza par le CCF de Gaza.



Dans l’Entretien qu’il accorde le 15 mars 2010 au site Internet du ministère des Affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr), Jean Mathiot, directeur du Centre culturel français de Gaza (15 mars 2010), explique les missions du CCF :



« Le CCF existe depuis 1982. Nous sommes installés depuis quinze ans dans les locaux actuels, rue Victor Hugo ! Depuis 2006, c’est la seule institution étrangère de ce type encore présente à Gaza. Les Gazaouis apprécient que la France maintienne sa présence ici, y compris dans les moments difficiles. Le centre propose plusieurs types d’activités : des cours de français, avec environ 600 élèves par an (sans compter les étudiants qui apprennent le français dans les universités et les écoles publiques à Gaza), une médiathèque très fréquentée par les étudiants, car depuis le blocus on ne trouve plus beaucoup de journaux, de magazines ou de DVD, et surtout des activités culturelles, des conférences ou des expositions, y compris d’artistes gazaouis. Nous organisons également une émission de radio tous les jeudis de 16h à 17h sur la radio « Al-Manar » à Gaza (92.0 FM), que l’on peut écouter en direct sur internet. Elle est animée par l’équipe et les étudiants du CCF, ainsi que par les étudiants et les professeurs de français de Gaza. Et puis le CCF est un point d’appui important pour toute la coopération française à Gaza, qu’il s’agisse du soutien aux associations à travers le fonds social de développement ou des projets de l’Agence française de développement comme la réhabilitation de l’hôpital Al Quds ou la station d’épuration de Beit Lahya. Nous avons aussi une antenne consulaire qui s’occupe des ressortissants français présents à Gaza et qui prend en charge les demandes de visas des gazaouis pour la France (5). » Par ailleurs, le CCF est largement présenté sur le site du Consulat de France à Jérusalem (6).



Dans le rapport d’information n°2924, déposé à l’Assemblée nationale, devant la commission des Affaires étrangères, le député Yves Dauge rappelle quel est le statut des centres culturels. Aujourd'hui, si l'on met à part la fonction de conseiller culturel en ambassade, ce que l'on appelle traditionnellement le réseau culturel de la France à l'étranger est composé d'une double structure : le réseau des établissements culturels et celui des Alliances françaises.



Le réseau des établissements culturels était composé au début de l'année 2000 de 151 établissements répartis dans 91 pays. D'un point de vue juridique, ces établissements, qui ne possèdent pas la personnalité morale, sont considérés comme des services extérieurs du Ministère des Affaires étrangères. Créés par arrêté interministériel (Affaires étrangères et Budget) publié au Journal officiel, ils sont dotés de l'autonomie financière. Si l'on veut avoir un tableau complet de ce réseau, il ne faut pas oublier les 68 établissements annexes qui ne bénéficient pas de l'autonomie financière ainsi que les 4 centres culturels franco-étrangers créés dans le cadre d'accords de coopération entre la France et les pays où ils sont implantés (Guinée Conakry, Mozambique, Namibie et Niger), rappelle le député.



Dans ces conditions et si nous admettons que le voyage de Régis Debray et Stéphane Hessel, aurait pu être financé tout ou partie par le CCF, comment est-il concevable que les deux personnalités aient profité de ce voyage pour rencontrer le chef d’une organisation terroriste ? Rappelons à cet égard que le Hamas est classé comme un mouvement terroriste par de nombreux États, dont Israël. Il est sur la liste officielle des organisations terroristes du Canada, des États-Unis d'Amérique et de l'Union européenne. Il est également considéré comme terroriste par le Japon. En revanche, pour la Grande-Bretagne et l'Australie, seule la branche armée du Hamas est classée comme terroriste.



Les nombreux autres voyages d’Hessel à Gaza :



En juillet 2008, Stéphane Hessel se rend à Gaza. Dans une interview qui a été diffusée notamment par le site Internet Free Palestine (7), Stéphane Hessel raconte son périple gazaouite. D’une voix très posée et (toujours) avec le sourire, il commence par décrire comment il était entré dans la bande de Gaza, il rappelle aussi qu’il ne s’agissait pas là de son premier voyage, puisque quelques années auparavant, il s’y était rendu avec un groupe (sans préciser lequel) et Martin Hirsch, ancien président d’Emmaüs France. Lors de cette interview, Stéphane Hessel raconte : « On a tout reconstruit (à Gaza), il y a de l’ordre, cela fonctionne tant bien que mal. »



Etrange affirmation. De quel « ordre » s’agit-il et de quel « ordre » parle-t-il ?



Pour rappel, le mercredi 17 août 2005, Ariel Sharon, Premier ministre, décide du retrait unilatéral de la bande de Gaza par Israël. Le 12 septembre 2005, le désengagement israélien de Gaza est terminé.



Mais, c’est en juin 2007, que le Hamas prend le pouvoir à Gaza après plusieurs mois de combats intermittents avec le Fatah. Depuis, le mois d’août 2007, le black-out est total à Gaza. Le Hamas a assassiné des dizaines de cadres et sympathisants du Fatah et il a emprisonné les militants des droits de l’Homme. Exemple : surnommée Hamas-Guantanamo par les militants du Fatah, la prison d’Al Mashtal est la plus célèbre de Gaza. Un ex prisonnier réclamant l’anonymat avait expliqué à Islamonline.net qu’ils [le Hamas] sont devenus diaboliques dans l’art d’inventer des techniques de torture et qu’il a été torturé au point qu’il ne voyait plus rien (8) et pour réaffirmer son pouvoir, le Hamas impose une islamisation croissante. Bref, Gaza est sous la férule du Hamas.



Hessel : « Plus de soldats israéliens qui sont censés vous tirer dessus » !



Dans la même interview, Stéphane Hessel ajoute (pour la même période) : « Ouf, il n’y a plus de soldats israéliens (à gaza), qui sont censés vous tirer dessus »



Stéphane Hessel semble oublier que les terroristes du Hamas tirent sur Israël, aussi.



Pour rappel : 26 juin 2008 : les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa tirent une roquette artisanale contre le sud d'Israël. Et, malgré la signature du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas de six mois du 19 juin 2008, on dénombre à la fin du mois d'octobre 2008 que plus de 37 roquettes et obus ont été tirés sur Israël, depuis la bande de Gaza. Le 26 décembre 2008, plus de 80 roquettes sont tirées sur les habitants des villes du sud.



Hessel retourne à Gaza, en juin 2009 :



Du 17 au 19 juin 2009, dans le cadre d'une mission de soutien aux enfants des camps de réfugiés, après les bombardements de décembre/janvier derniers, Stéphane Hessel et sa femme passent deux jours à Gaza. Ils sont accompagnés, au check point d'Erez, par la Directrice et son adjoint d’une ONG "la Voix De l'Enfant" (association fédérative dont la Porte-Parole est Carole Bouquet), qui mènent des actions en Israël, Cisjordanie et Gaza. Bien que leur passage ait été sollicité par le Consulat Général de France à Jérusalem en raison de son caractère purement humanitaire et dépourvu de tous risques sur le plan sécuritaire pour Israël, la directrice et son adjoint se sont vu refuser leur entrée à Gaza.
Conclusion :
Premièrement :
Est-ce que le Quai d’Orsay approuve ou subventionne une rencontre d’intellectuels français avec le dirigeant d’une organisation terroriste ?



Deuxièmement :
Qui va croire, en dehors de Stéphane Hessel, que le chef du Hamas n’a pas d’influence sur le sort de Gilad Shalit ?



Notes :
1-2-3-4) Tribune de Genève, 27 octobre 2010. Voir aussi : http://nasr-moqawama.blogspot.com/2010/10/m.html
5) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/israel-territoires palestiniens_413/france-les-territoires-palestiniens_4261/presentation_4262/entretien-avec-jean-mathiot-directeur-du-centre-culturel-francais-gaza-15.03.10_80842.html



Photo : D.R.
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