Tribune
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Publié le 19 Novembre 2002

Stéphane Lilti, avocat : « L’odieuse référence à Faurisson dans le Quid… »

Question : Stéphane Lilti, vous êtes l’avocat de l’Union des Etudiants Juifs de France et vice président de l’association J’Accuse. Pourquoi avez-vous assigné l’encyclopédie du Quid et les Editions Robert Laffont, avec le Consistoire Central, Mémoire 2000, J’Accuse et la LICRA ?



Réponse : Par assignation du 23 novembre 2001, l’UEJF avait fait citer conjointement la société Les Editions Robert Laffont et la société des encyclopédies du Quid devant Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris statuant en référé, en raison d’une étude publiée dans l’édition 2002 du Quid et sur le site Internet www.quid.fr, consacrée au nombre de victimes juives du camp d’extermination d’Auschwitz – Birkenau. Des engagements de rectification des prochaines éditions avaient été pris devant le juge et n’ont pas été respectés en 2002.

Lutter contre la banalisation de la « pensée » de Robert Faurisson dans un ouvrage qui délivre la connaissance au plus grand nombre nous semblait indispensable en 2001. Exiger qu’il respecte ses précédents engagements de rectification l’était tout autant en 2002. Mais la question posée dépasse largement le cas du Quid. Comment et par quel réseau un antisémite déclaré est-il parvenu à accéder en tant que source historique fiable aux colonnes d’une encyclopédie grand public ? Faut-il voir une prime à la « notoriété » délivrée par des commerçants en dehors de toute considération éthique ou déontologique ? Faut-il trouver l’expression d’une neutralité revendiquée qui mettrait sur le même plan historiens et militants de la haine ? Ne faut-il pas conclure à un travail d’infiltration dans des équipes rédactionnelles ? Ou plus simplement à une sorte de négligence ayant consisté à aller chercher sur l’Internet, qui en regorge, un bilan d’Auschwitz qui soit négationniste. En ce sens, les chiffres fantaisistes de la rubrique incriminée sont assortis des mêmes erreurs (et dans le même ordre) qu’ils le sont dans un texte écrit par Faurisson et qui est intitulé « Combien de morts à Auschwitz », sur le site antisémite de Radio Islam.

Question : Quels sont les points que vous avez développés dans votre plaidoirie ? Qu’a répondu Maître William Bourdon, l’avocat du Quid ?

Réponse : Nous nous sommes étonnés que la propagande antisémite de Robert Faurisson soit jugée digne d’accéder au rang de « connaissance » sous la caution scientifique et morale du Quid, qu’elle soit ainsi offerte au plus grand nombre, jeunes et moins jeunes, sans autre précaution que l’usage du terme « révisionniste » (abscons pour la plupart et encadré dans le texte d’obscures guillemets) constituait une lâche et gratuite agression aux victimes directes et indirectes de la barbarie nazie. Le Quid l’avait reconnu implicitement en acceptant de retirer cette référence douteuse. Puis le Quid a oublié ses engagements, en invoquant une simple « erreur ». Nous avons donc demandé et obtenu la modification des ouvrages encore en stock et un affichage sur les lieux de vente et une mesure de publication ainsi que la prise en charge des frais de procédure. En ce qui concerne la rectification des ouvrages déjà en librairie, le juge a considéré cette mesure comme disproportionnée par son coût.

La position du Quid fut toute autre. Il fut question d’une erreur de communication avec l’imprimeur qui aurait été commise. On fera mieux la prochaine fois… défense peu convaincante mais finalement assez efficace car assortie d’un argument financier tiré du coût de la remise en état des exemplaires déjà en vente.

Question : Vous faîtes appel ?

Réponse : oui bien sûr.

Propos recueillis par Marc Knobel

Observatoire des médias