Tribune
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Publié le 3 Avril 2013

Accord Abdallah II de Jordanie et Mahmoud Abbas pour « défendre ensemble » Al-Aqsa et Jérusalem contre « l’escalade de la judaïsation »

 

Par Hèlene Keller-Lind

 

Dans l’accord signé à Amman le 31 mars 2013, le roi de Jordanie et Mahmoud Abbas, qualifié de « Président de l’État de Palestine », citaient des versets du Coran, le rôle de Gardien des Lieux saints dépendant de la mosquée Al-Aqsa du roi hachémite, le fait que son territoire n’est pas concerné par « le désengagement jordanien de Cisjordanie de 1988 », « le statut sacré de Jérusalem pour l’islam », Jérusalem « faisant partie du territoire de l’État de Palestine » ou, faisant fi de ce qui se déroule dans la Syrie voisine, ses liens avec Arabes et musulmans de la Oumma. But de l’accord : défendre la mosquée et Jérusalem contre Israël...

 

En perte de vitesse, Mahmoud Abbas se tourne vers le roi de Jordanie et réécrit l’Histoire avec lui...

 

Alors que les morts s’amoncellent en Syrie, alors que les réfugiés syriens emmènent leur malheur dans leur fuite vers d’autres pays de la région, où ils sont parfois à nouveau victimes, alors que le Qatar, ayant repoussé très loin sa visite prévue à Ramallah début janvier, semble bouder Mahmoud Abbas, alors que la « réconciliation nationale » entre factions palestiniennes, et avec elles des élections qui tardent, n’en finissent pas d’être repoussées, alors enfin que le Président Obama a fait une visite marquante en Israël d’où il a initié une sortie de crise cruciale entre l’État hébreu et la Turquie, Mahmoud Abbas s’est tourné vers le roi de Jordanie pour trouver une oreille attentive et tenter de redorer son blason.

 

Avec Israël dans le rôle du bouc émissaire, accusé dans l’accord signé entre eux à Amman le 31 mars 2013, de pratiquer à Jérusalem des mesures « illégales et drastiques au quotidien, changeant son authenticité et son identité véritable »...Exit donc l’histoire juive de Jérusalem, des Premier et Second Temples, Israël étant d’ailleurs également accusé « d’escalade de la judaïsation », exit aussi la période romaine ou byzantine...Bref, à en croire les termes de cet accord Jérusalem serait née avec l’islam, soit au VIIe siècle de l’ère chrétienne...

 

Tenter de rallier l’Oumma

 

Et de tenter de rallier « tous les membres de l’Oumma arabe et musulmane » qui ont avec Jérusalem » des liens indissolubles ». Tenter, car cette Oumma ressemble fort à la réconciliation entre Fatah et Hamas, mille fois annoncée, mille fois avortée...une Oumma déchirée entre Sunnites et Chiites se déchire aussi et notamment, entre pro-Assad et rebelles syriens, eux-mêmes désunis, ou Frères musulmans et salafistes, quand ils ne s’allient pas...

 

Pourtant les cosignataires insistent, évoquant « le statut spécial de Jérusalem, ville sacrée en islam...avec des Lieux Saints associés aujourd’hui et pour l’éternité avec les musulmans de toute contrée et de tout âge ». Toutefois une allusion est faite au « sens qu’a aussi Jérusalem pour ceux d’autres fois ». Clin d’œil au monde chrétien sans nul doute, le judaïsme n’étant vraisemblablement pas inclus étant donné qu’Israël est accusé « d’accélérer la judaïsation de Jérusalem »...

 

Du fait de ces liens, dit l’accord d’Amman, « tous les musulmans, maintenant et pour toujours, peuvent se rendre dans ces Lieux Saints islamiques, y pratiquer leur culte et en repartir, en accord avec la liberté de culte ». Or, on sait que pour des raisons de sécurité cela n’est pas mis en place et ne peut l’être...les clashes entre policiers et fidèles qui les caillassent ou caillassent des Juifs ou visiteurs au pied du Mont du Temple – Esplanade des mosquées pour les musulmans – ou leur lancent des cocktails Molotov, sont fréquents.

 

Asseoir une souveraineté musulmane sur et sous le sol du Mont du Temple

 

Des précisions sont données quant à ce que les deux signataires de l’accord entendent protéger, au-delà d’une liberté de culte, : « la mosquée Al-Aqsa et ses 144.000 m2, avec la mosquée du Dôme du Rocher et toutes ses mosquées, bâtiments, murs, cours, zones annexes au-dessus et sous le sol et les propriétés du Waqf qui y sont rattachées, ses environs et ses pèlerins - « Al-Haram Al-Sharif » - »

 

L’occasion de rappeler que « le peuple de Jérusalem et de Palestine a fait des rois hachémites de Jordanie depuis le 11 mars1924 les Gardiens de ces Lieux Saints », qui comprennent également « le Patriarcat – Grec – orthodoxe de Jérusalem ».

 

OLP, État de Palestine, occupation, agressions, double souveraineté, avertissement

 

L’accord glisse aussi vers le purement politique en « reconnaissant l’Organisation de Libération de la Palestine – Abbas étant le Chef de l’OLP – comme seul et légal représentant du peuple palestinien ». Il est décrit par ailleurs comme « Président de l’État de Palestine ». Reconnaissant aussi « le droit à l’auto-détermination du peuple palestinien », il précise que le territoire de l’État de Palestine « comprend la terre où se trouve la mosquée Al-Aqsa (al-Haram al-Sharif) ».

 

Il réaffirme également « le statut de Jérusalem Est comme territoire souverain palestinien occupé et le fait que toutes les pratiques d’occupation ou agressions d’après 1967 contre Jérusalem ne sont reconnues par aucune entité internationale ou légale ».

 

Pourtant un rappel est fait quant au « désengagement jordanien de Cisjordanie du 31 juillet 1988 » qui « excluait les Lieux Saints ». Ceux-ci relevant donc, selon eux, de la juridiction hachémite. Il y aurait donc double souveraineté sur ces lieux, à la fois jordanienne et palestinienne. En effet, das son article 3 l’accord stipule que « le gouvernement de Palestine, comme expression du droit à l’auto-détermination du peuple palestinien, aura le droit d’exercer sa souveraineté sur toutes les parties de son territoire, Jérusalem y compris ». On notera qu’il n’est même plus question de la partie est de la capitale israélienne....

 

Et un avertissement est lancé : le roi de Jordanie, en accord avec Mahmoud Abbas, représentera les intérêts des Lieux Saints dans les forums internationaux pertinents et les organisations internationales compétentes par le biais des moyens légaux possibles ».

 

Le Coran et une allusion à la mosquée lointaine présentée comme étant celle d’Al Aqsa

 

Bien évidemment le Coran est cité en préambule de cet accord dans deux versets, le premier, Al-Isra’, 17:1, concernant « celui qui porta son serviteur de nuit de la Mosquée Sacrée – à La Mecque – à la mosquée Al-Aqsa [ signifiant Lointaine ], dont nous avons béni les environs, pour que nous puissions lui montrer nos signes ! En vérité il est celui qui entend et voit ». Allusion est faite ici à un voyage qu’aurait fait Mahomet venu de La Mecque et qui serait monté au ciel depuis « la mosquée lointaine ». Avant de rentrer à La Mecque. Le tout en une nuit. Pourtant il y a très sérieux doute sur le lieu évoqué dans ce verset étant donné que la mosquée Al-Aqsa située sur le Mont du Temple – Esplanade des Mosquées pour les musulmans - n’avait pas été construite avant la mort du Prophète...Il n’est d’ailleurs fait aucune mention de Jérusalem dans le Coran.

 

Le second verset cité, Al-Saff, 61:4, ayant pour but de motiver les musulmans dans la lutte que les cosignataires entendent mener pour « défendre Jérusalem » est le suivant : « en effet, Allah, aime ceux qui se battent ensemble pour sa cause comme s’ils étaient une [seule] structure solidement jointe ».

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