Tribune
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Publié le 30 Septembre 2014

Christianisme, ce que chaque religion peut apporter à l’autre

Par le Professeur Armand Abécassis, philosophe, exégète du judaïsme, acteur du dialogue judéo-chrétien, publié dans le n° 3575 de la revue Réforme du 11 septembre 2014

Cette tribune a été rédigée en vue de la conférence organisée par l’AIU 16 septembre 2014 au Centre Alliance-Safra, à laquelle il a participé en compagnie du Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris et Président de la Conférence des évêques de France, et du Pasteur François Clavairoly, Président de la Fédération protestante de France.

Avec l’apparition au sein du judaïsme du monothéisme Chrétien, d’une autre façon de garder sa fidélité à la foi des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, le paganisme disparut progressivement sur le plan historique avec ses institutions religieuses.

La Rome Chrétienne se substitua à la pax romana à partir de la conversion de Constantin et plus précisément avec Théodose Ier, fait Grand Pontife, à partir de 380. Les maîtres Juifs virent bien que les Chrétiens, non-juifs non-païens, se réclamaient aussi de la Torah et des Prophètes. Ils dirent et écrivirent leurs désaccords avec les interprétations des théologiens chrétiens, élaborées presque toujours sur le mépris ou même la haine du peuple juif. Nombreux étaient les Rabbins, il faut le dire, qui osèrent enseigner aussi des choses plus que désobligeantes sur le christianisme, sur Jésus, sur Marie et sur les évangiles !Mais parmi ceux qui désiraient le respect, l’accueil, la compréhension et la paix, il y en eut qui élaborèrent une doctrine nouvelle sur la place du message chrétien dans le projet divin et sur son rapport avec l’Alliance d’Israël. Plusieurs raisons les y poussèrent, comme les nécessités pratiques de la vie en commun malgré la ghettoïsation des Juifs, les relations économiques et sociales, les disputations imposées aux Rabbins des communautés par les évêques et les archevêques, la curiosité intellectuelle et philosophique ou, parfois, le souci de comprendre ce qui s’est passé et, par l’analyse comparative approfondir la foi définie par le mouvement pharisien qui a fini par représenter le judaïsme.

Dialogue ancestral

Cette réflexion se développa d’abord dans les pays arabo-musulmans, à partir du VIIIe siècle après l’ère courante. Elle fut reprise par les Juifs du monde occidental chrétien. Il suffit ici de montrer la largeur de vue et le sens de la liberté religieuse des maîtres sefardim – les Juifs d’Espagne et des pays afro-asiatiques – et des maîtres achkenazim – les Juifs des pays chrétiens.

Voici ce qu’écrit le philosophe et poète Judah Halévy (1074-1141) : « Les Chrétiens et les Musulmans sont d’une certaine manière une préparation et une introduction aux temps messianiques que nous attendons, fruit de cet arbre qu’ils devront finalement reconnaître comme leur racine, même s’ils le méprisent pour le moment. »

Le Rabbin français Menahem Meiri (XIIIe siècle) écrit pendant qu’on expulsait les Juifs de France : « Ceux qui, parmi les anciens païens respectaient les sept lois de Noé (la morale universelle)… jouissaient des mêmes droits que les Juifs (d’après le judaïsme). Combien plus encore de nos jours, alors que les nations se distinguent par leur religion et par leur respect de la foi !Cependant, nous devons concéder aussi les mêmes droits à ceux qui n’ont aucun code de lois, afin de sanctifier le nom divin »… Lire la suite.