Tribune
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Publié le 8 Juillet 2014

Combien de djihadistes français combattent en Syrie?

Par Marc Knobel, Historien, directeur des Etudes au CRIF, publié dans le Huffongton Post le 7 juillet 2014

En France, les Renseignements généraux parlent d'une mouvance qui réunirait en 2012 quelque 12.000 à 15.000 salafistes (contre 5 à 6000 en 2004) autour d'une même doctrine religieuse fondée sur une lecture littéraliste du Coran et des Hadiths.

Les plus représentés seraient les salafistes quiétistes, proches des théologiens d'Arabie Saoudite. Ils prônent l'apolitisme et s'opposeraient à la violence politique. Les réformistes veulent octroyer une plus grande place à la religion. Le salafisme djihadiste serait quant à lui ultra minoritaire en France, grâce au travail de démantèlement mené par les RG.

Selon les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et de la DCRI (Renseignement intérieur), le vivier des islamistes radicaux susceptibles de passer à l'acte en 2012 était estimé entre 200 et 300 personnes. Mais, selon un agent de la DCRI, la mouvance comprend des milliers d'individus. "Il ne se passe pas une semaine sans qu'une interpellation ait lieu. Seuls les coups de filets les plus importants sont médiatisés. (...) Il est impossible de surveiller H24 toutes les personnes signalées, car les effectifs de la DCRI n'y suffiraient pas. Au reste, mettre en permanence l'ensemble des suspects sur écoutes serait illégal" (Le Figaro, 9 octobre 2012).

Des millions de personnes vivent dans une zone urbaine sensible (Zus). Là, près d'un tiers des habitants vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette concentration de précarités dans un environnement défavorisé est le terreau de chasse de certains. Dans ces quartiers difficiles, les salafistes opèrent un vrai maillage du terrain qu'ils occupent. Au sein de ce périmètre, ils œuvrent de façon méthodique, recrutant de nouveaux fidèles, c'est ainsi qu'ils contrôlent des zones et/ou des cités, qu'ils collaborent avec le crime organisé et recrutent de futurs djihadistes. Dans son dernier ouvrage "Al Qaïda en France" (Le Seuil, mai 2014), le consultant international Samuel Laurent rapporte un entretien qu'il a eu avec un djihadiste français.

A la question de savoir combien il y aurait de salafistes en France, le djihadiste répond qu'il l'ignore mais que les chiffres de la presse et du ministère de l'Intérieur sont faux, ridicules même: "Laissez-moi vous donner un exemple: d'après eux, nous serions quinze mille. Et ces mêmes fonctionnaires dénombrent deux mille cinq cents "quartiers sensibles" en France. Si on fait le calcul, cela signifie qu'il y aurait environ... six salafistes par quartier (Rires). Vous comprenez à quel point on vous manipule? Ce pays tente désespérément de cacher la vérité, car il sait très bien qu'en exposant le chiffre réel de nos adeptes, il encouragerait encore davantage les conversions! Mais, malgré ces mensonges, nous progressons à une vitesse fulgurante" (p.254). Qui ment? Qui instrumentalise qui? Ce djihadiste a tout intérêt à surévaluer le nombre de salafistes et à semer le doute dans les esprits, à (nous) faire croire que les salafistes seraient bien plus nombreux et implantés que nous le pressentons ou nous le comprenons. Cependant, qui peut certifier ici que les services autorisés ont une idée précise du nombre de salafistes qui évoluent en France?

Comment arrive-t-on à une telle évaluation?

L'hypothèse d'une cinquantaine de salafiste dans certains quartiers permettrait d'estimer un peu plus la réalité, cela si l'on considère qu'il n'existe aucun salafiste en dehors des quartiers sensibles. Or, le salafisme a étendu son influence ces dernières années sur la quasi-totalité du territoire. Mouvance éclatée, le salafisme s'est étendu aux villes moyennes.

Autre question: combien de djihadistes français en Syrie? Les services de renseignement estiment qu'au 10 juin 2014, 317 Français venus principalement du Nord Pas-de-Calais, de la région parisienne, de l'Est, de PACA, combattraient sur le théâtre d'opérations syrien. Une fois sur place, 80% d'entre eux rejoindraient le Daech (Etat islamique), pour des raisons à la fois théologiques et pratiques. 138 seraient en chemin et 200 chercheraient par tous les moyens à s'y rendre. Des chiffres bien mystérieux et des considérations étranges: être en chemin et vouloir s'y rendre. Etre en chemin d'où à où? En France? De France vers la Turquie? De Paris vers Istanbul? Ou de Tunis, Alger ou Rabat, vers Istanbul et de là vers la frontière turco-syrienne qui est très poreuse? Et ces futurs djihadistes ont-ils tous la nationalité française? Ou bien, s'ils ont la double nationalité (exemple: française et algérienne) avec quel passeport voyagent-ils? Et comment les services autorisés les comptabilisent-t-ils? Comme étant français ou algériens?... Lire la suite.

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