Tribune
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Publié le 16 Avril 2015

Il était « l’Ambassadeur Rosenne »

A ses enfants, à son épouse Vera, compagne de tous les jours, vont notre affection.
 

Par le Dr Richard Prasquier, Président d’Honneur du CRIF
Mort hier à l’âge de 84 ans, Meir Rosenne avait laissé un souvenir inoubliable de ses quatre ans à la tête de l’ambassade d’Israël en France de 1979 à 1983. C’était alors la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, dont Frédéric Encel a écrit qu’elle a correspondu à une « glaciation » entre la France et Israël, puis la présidence de François Mitterrand dont la visite en Israël, la première d’un Président français, avait marqué les esprits en mars 1982. Mais c’était aussi l’époque où le Ministre des Affaires étrangères,Claude Cheysson, était particulièrement hostile à Israël (et à Sadate) et celle des tensions entre les deux pays à l’occasion de l’attaque de la centrale irakienne dite « Osirak » puis de la première guerre au Liban.
Avec son humour inimitable, son sens de la répartie, sa lucidité, sa connaissance des hommes et des événements, sa maitrise parfaite de la langue française, Meir Rosenne était devenu un habitué des médias: il l'est resté depuis lors, commentateur recherché sur lequel l’âge n’avait pas de prise. Après ses fonctions à Paris, il était devenu ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis de 1983 à 1987, pendant la présidence de Ronald Reagan, à une époque où les liens avec Israël étaient extrêmement amicaux; il avait contribué à les maintenir malgré la crise provoquée par l’arrestation de Jonathan Pollard en novembre 1985.
Il était le diplomate israélien par excellence, déjà consul à New York entre 1961 et 1967, puis conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères israélien. Il avait participé en novembre 1973 aux rencontres dites du « kilomètre 101 » entre Egyptiens et Israéliens qui ont décidé de l’application du cessez-le-feu à la suite de la guerre du Kippour. Puis, il a été, avec son ami Eliahu Ben Elissar, autre futur Ambassadeur d’Israël en France, de toutes les négociations et rencontres qui ont finalement abouti à la signature des accords de Camp David le 1er septembre 1978 puis au traité de paix israélo-égyptien de 1979.
Il a exercé le métier d’avocat jusqu’à la fin de sa vie, partenaire senior d’un des cabinets d’avocats les plus importants d’Israël. Diplomate ou avocat, c’était toujours la défense d’Israël qu’il avait dans son cœur sur le plan médiatique, politique, économique (Sicav qu’il présidait) et enfin juridique, dans son soutien déterminé à l’Association internationale des juristes juifs qui lutte contre la délégitimation d’Israël.
Nous nous sommes liés quand il était devenu le Président mondial des Bonds of Israel, dont je présidais alors la branche française, l’ACEFI. J’avais été impressionné que cet homme à la carrière prestigieuse se soit donné le mal, comme simple étudiant, de passer les difficiles et très techniques examens nécessaires aux Etats-Unis pour intervenir sur les marchés d’obligations internationales.
Meir avait quitté sa Roumanie natale à la fin de la guerre à l’âge de 13 ans en même temps que Zvi Benshalom qu’il retrouva plus tard aux Bonds. Tous deux étaient nés à Jassy, dont le nom résonne sinistrement pour ceux qui connaissent l’histoire de la Shoah. Meir étudia à la Sorbonne et à Sciences Pô. Il y rencontra l'admirable Emmanuel Weintraub, qui devint entre autres vice-Président du CRIF. Le réseau de ses amitiés était considérable: il ne l’a utilisé qu’à un seul but, la défense d’Israël.
Il y mettait son talent exceptionnel de juriste, d’acteur de l’histoire et de conteur, avec cet humour d’Europe centrale dont il était un représentant éminent. Meir disait, en parlant de la sécurité d’Israël, et j’ai toujours retenu cette phrase, que le suicide ne faisait pas partie des obligations internationales qu’un Etat était obligé de remplir.
Il ne séparait pas sa passion pour Israël, pour le peuple juif et pour sa famille. A ses enfants, à son épouse Vera, compagne de tous les jours, vont notre affection et notre admiration.