Tribune
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Publié le 25 Février 2014

Israël - Allemagne : mémoire et postérité

Tribune de Daniel Shek, ancien Ambassadeur d’Israël en France, publiée sur I24 News le 24 février 2014

 

Peu de pays dans le monde déclarent entretenir une «relation spéciale» avec Israël et désignent cette relation comme l’un des piliers fondamentaux de leur politique étrangère. L'Allemagne, dont la chancelière Angela Merkel doit arriver en Israël aujourd'hui, est l'un de ces pays et pour de bonnes raisons.

Si Israël n'est pas tout à fait un pays «normal» et si sa création n'est pas le résultat d'une séquence «normale» d’événements comme l'avènement d'autres Etats-nations entre le 19ème et le 20ème siècle, sa relation avec l'Allemagne est certainement l'un des plus extraordinaires, certains diront des plus anormaux rebondissements dans la brève histoire des relations étrangères d'Israël.

 

En tant qu’Israélien, l'idée, répandue autant parmi les philosémites que parmi les antisémites, d’un lien de causalité direct entre la Shoah et la création d'Etat d'Israël, m'a toujours mis mal à l'aise. Sans aucun doute, la découverte par la communauté internationale du drame des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale a été un catalyseur, mais le droit des peuples à l'indépendance nationale ne dépend pas du degré de souffrance qu'ils ont endurée au cours des années, des décennies et des siècles. Le droit à l'autodétermination est un droit fondamental et il n'y a aucune raison pour laquelle le peuple juif, en dépit de ses singularités, devrait être une exception (ni le peuple palestinien, d'ailleurs).

 

Néanmoins, la transition rapide de l'Allemagne du statut de bourreau à celui d'ange gardien du peuple juif est tout à fait unique. Mon défunt père, Zeev Shek, lui-même un survivant de Theresienstadt et d’Auschwitz, fut un des fondateurs du service extérieur d'Israël. Dans les années 1960, il faisait partie de la délégation qui a négocié l'établissement de relations diplomatiques avec la République fédérale d'Allemagne. Je me souviens encore du premier ambassadeur d'Allemagne, Rolph Pauls, un invité fréquent dans notre maison à Jérusalem lorsque j’étais enfant. Mon père n'a jamais nié que c'était extrêmement difficile émotionnellement parlant, mais que d’un point de vue rationnel et moral, il demeurait convaincu que c'était la bonne chose à faire. Beaucoup en Israël pensaient différemment à l'époque, comme le font certains encore aujourd’hui.

 

Le dilemme n'a jamais vraiment été entre ostraciser ou pardonner à l’Allemagne. Ni l'une ni l'autre de ces options n'est réaliste. Toutefois, si l'on croit, comme mon père, que l'Allemagne a une profonde obligation historique d'expiation, alors les portes doivent rester ouvertes afin de lui permettre une telle repentance. D'où la «relation spéciale»… Lire la suite.

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