Tribune
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Publié le 18 Mai 2015

Juifs et Chrétiens, frères dans la douleur

Le Président du CRIF, Roger Cukierman, appelle les deux religions à affronter ensemble la même menace terroriste à laquelle elles sont confrontées.
 

Par Roger Cukierman, publié dans le Figaro le 15 mai 2015
Le 22 avril 2015, un homme de 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, a été arrêté alors qu'il s'apprêtait à commettre un attentat contre «une ou deux églises» de Villejuif, dans le Val-de-Marne. Son but était clair: tuer des chrétiens parce qu'ils étaient chrétiens -comme, le 9 janvier, à la porte de Vincennes, quatre juifs avaient été tués, parce qu'ils étaient juifs, avec la même obsession mortifère, déterminée à détruire tout ce qui n'est pas elle.
Ce qui a manqué, de si peu et de si près, de se produire à Villejuif il y a quinze jours est l'effroyable écho de ce qui se passe, jour après jour, de l'Égypte à l'Irak. Tandis que les nations préfèrent regarder ailleurs avec une indifférence qui finit parfois par ressembler à de la complicité, les Chrétiens d'Orient sont les victimes innocentes et désarmées d'une tentative d'extermination culturelle -et, hélas, bien plus que culturelle. Comme Français, comme Juif, je ne peux taire la compassion, la colère et l'effroi que m'inspire leur martyre.
Ces communautés chrétiennes sont les plus anciennes du monde. Elles sont aussi les premiers témoins du lien qui unit le judaïsme au christianisme. Les Chrétiens syriaques sont, au XXIe siècle, les derniers à parler l'araméen, qui est la langue du Christ parce que Jésus de Nazareth était juif et que les Juifs du Ier siècle parlaient l'araméen. Le christianisme d'Orient, dans la diversité de ses formes et de ses rites, c'est une identité, c'est une culture, c'est une foi, dont les racines plongent jusqu'au fond des âges, et que la folie intégriste essaie à présent d'effacer de la surface de la Terre.
En juillet 2014, dans la région de Mossoul tombée entre les mains de Daesh, des centaines de milliers d'hommes, de femmes, d'enfants ont été contraints de partir ou de mourir. Sur les maisons des chrétiens qui, par nécessité ou par défi, avaient fait le choix de rester chez eux, on a tracé une lettre: un «N», pour «Nazaréen», de façon à désigner à la vindicte et au lynchage ces héritiers d'une Parole à laquelle ils ne voulaient pas renoncer.
Le 12 février dernier, sur une plage libyenne, 21 chrétiens d'Égypte ont été décapités. Sur le bandeau qui accompagnait, sur Internet, l'abjection de cette mise en scène où les nouvelles technologies venaient au secours du Moyen Âge, on lisait ce message: «Signé avec le sang du peuple de la Croix.»
Le 25 février, 90 Chrétiens -des hommes, des femmes, des enfants- ont été enlevés en Syrie par les «combattants» de Daesh (car ils s'intitulent «combattants», ceux qui ne savent qu'armer leur lâcheté de leur sauvagerie).
Le 2 avril, à l'université Garissa, au Kenya, les milices islamistes ont assassiné 148 étudiants, un par un. Ils ne les ont pas tués au hasard: parmi tous les étudiants de ce vaste campus, ils ont choisi les Chrétiens. Ils les ont sélectionnés.
Le 18 avril, à Maaloula, en Syrie, les témoins rapportent ces mots terrifiants que les djihadistes ont adressés aux chrétiens: «Vous avez le choix. Soit vous vous convertissez, soit vous êtes crucifiés comme votre maître.» Des disciples du Christ qui ont choisi de ne pas renier leur foi sont ainsi morts sur la croix, en 2015, quelques jours après Pâques: selon le récit de sœur Raghid, qui a dirigé, à Damas, l'école du patriarcat gréco-catholique, un enfant, alors, a été crucifié devant son père.
Devant tant de souffrances, de larmes, de deuils, devant aussi les profanations de leurs églises, de leurs monastères, voire de leurs cimetières comme le 17 avril en Syrie, nombreux sont les Chrétiens qui ont déjà été contraints à l'exil: ce sont des centaines de milliers de «déplacés», abandonnés sur les routes, ou dans des camps de fortune, sans maison, sans école, sans avenir.
Et pourtant les Chrétiens d'Orient veulent pouvoir continuer de vivre, librement et dignement, sur leur terre. Le cardinal Bechara Boutros Rahi, patriarche d'Antioche et de tout l'Orient, déclarait, le mois dernier: «Un Moyen-Orient sans chrétiens, ce n'est pas possible.» Dans cette guerre, si inégale qu'elle n'est pas digne du nom de guerre, personne n'a le droit de laisser les Chrétiens d'Orient seuls. Nous, juifs, nous savons, par notre longue histoire tourmentée, ce que cela signifie, d'être outragé, ou humilié, ou tué, pour ce que l'on est, pour sa naissance, son origine, son nom ou sa foi.
Aujourd'hui, juifs et chrétiens, nous sommes, ensemble, confrontés à la même menace. Nous devons savoir l'affronter d'un même cœur et d'un même mouvement… Lire l’intégralité.
 

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