Tribune
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Publié le 4 Mars 2015

La fabrique européenne des djihadistes

«… On ne voit pas très bien pourquoi le racisme supposément subi à Londres prédisposerait à couper des têtes en Irak»

Par Elie Barnavi, ancien Ambassadeur d'Israël en France, publié sur I24 News le 4 mars 2015
On connaît désormais la tête de « Jihadi John », le bourreau à l’accent britannique qui a tenu la vedette dans plusieurs scènes d’horreur mises en ligne par l’Etat islamique. Mohammed Emwazi, tel est son nom, né au Koweït en 1988 et immigré en Grande-Bretagne avec ses parents à l’âge de six ans, fut naguère un garçon londonien tout à fait normal, amoureux du foot et du pop, plutôt bon élève par ailleurs, assez en tout cas pour être reçu, une fois ses études secondaires achevées, à l’université Westminster de la capitale.
Qu’est-ce qui a poussé ce jeune homme, que tous ses amis et connaissances s’accordent pour décrire comme un parangon de gentillesse et de sociabilité, à se muer en un monstre assoiffé de sang sous l’égide d’une organisation d’égorgeurs fanatiques ? Un de ses compatriotes apporte sa réponse dans le Guardian de Londres du 26 février. La cause de tout cela, explique Maajid Nawaz, est le racisme ambiant. Islamisme et racisme sont frères jumeaux, ils se répondent l’un l’autre et se renforcent l’un l’autre. Comment le sait-il ? Eh bien, il est passé par là : «J’ai été radicalisé », proclame-t-il, « je comprends donc comment les extrémistes exploitent les griefs.»
Si seulement c’était aussi simple. Mais, outre qu’on ne voit pas très bien pourquoi le racisme supposément subi à Londres prédisposerait à couper des têtes en Irak, et des têtes musulmanes pour faire bonne mesure, il faut bien se rendre à l’évidence : Emwazi, issu des classes moyennes, n’a pas particulièrement souffert du racisme. Encore moins le nommé Maxime Hauchard, ce converti originaire d’un paisible patelin normand et qu’on a vu un jour de novembre participer en direct à la décapitation de dix-huit prisonniers syriens. Ce qui les lie, ce n’est pas le préjudice subi, réel ou imaginaire, c’est une interprétation de l’islam dont la radicalité meurtrière non seulement ne les effraie pas, mais en fait précisément à leurs yeux l’attrait le plus puissant.
En fait, il y a tout un éventail de motivations, d’ordre psychologique, familial, culturel, social, qui, convenablement malaxées par un conditionnement adéquat dans un environnement propice (mosquée de quartier, prison, Internet), débouchent sur l’aventure djihadiste. Voilà pourquoi il n’existe plus de portrait-robot du djihadiste, puisque le personnage relève désormais de toutes les classes sociales, de tous les terreaux, de tous les niveaux d’études, voire de toutes les religions. Et voilà pourquoi la traque des candidats au djihad est devenue si ardue… Lire l’intégralité.
 

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