Tribune
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Publié le 14 Novembre 2012

La région Ile de France et le « Gouvernorat de Jérusalem »

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

 

Sur le site officiel du Consulat général de France à Jérusalem (qui, depuis la création de l’Etat d’Israël est directement rattaché au Ministère des affaires étrangères à Paris, sans rapports avec l’Ambassade de France en Israël, établie, d’ailleurs, à Tel Aviv) on apprend, avec stupéfaction (le mot n’est pas trop fort), qu’une « délégation du Conseil régional d’Ile-de-France s’est rendue dans les Territoires Palestiniens du 8 au 12 novembre 2012 afin de signer un accord de coopération avec le Gouvernorat de Jérusalem » (http://consulfrance-jerusalem.org/S...).

Les contribuables d’Ile de France seront, ainsi, ravis ( ?) d’apprendre qu’une partie de leurs impôts locaux a servi à financer le voyage de six conseillers régionaux, accompagnés de trois fonctionnaires du Conseil régional.

 

Par ailleurs, avec l’ensemble des contribuables français, ils auront, également, participé au financement de la réception que le Consul Général de France à Jérusalem a donnée, vendredi, en leur honneur et à laquelle ont dû être invitées des « personnalités » palestiniennes (mais sur ce point le site ne donne ni détail, ni photos….).

 

Il ne nous paraît pas anormal que la France entretienne des relations avec l’Autorité (sic) palestinienne et qu’à ce titre, le Consul général de France à Jérusalem et le ministre du Plan palestinien aient signé, pas plus tard que lundi dernier, au ministère du Plan à Ramallah, une convention d’un montant de 800 000 euros portant sur le financement du projet d’Appui à la réforme des institutions de l’Autorité palestinienne.

 

Car, depuis 1993, comme l’indique le site officiel du Consulat général, la France « appuie politiquement, techniquement et financièrement le processus de réformes conduisant au renforcement des institutions du futur Etat palestinien ». Lors de la Conférence de Paris de décembre 2007, dite « Conférence internationale des donateurs pour l’Etat palestinien », l’appui à la construction de l’Etat de droit et à la bonne gouvernance des institutions palestiniennes avait été identifié comme l’un des domaines prioritaires de la coopération française en « Palestine ».

 

Mais de là à voir le Consul général de France à Jérusalem, nommé, d’ailleurs, par le précédent gouvernement, recevoir à l’occasion de la « visite » de la délégation du Conseil régional d’Ile de France non seulement la ministre palestinienne de l’éducation mais surtout le « Gouverneur de Jérusalem », il y a une marge.

 

Que la France soutienne le General Personnel Council, auquel sera rattachée l’Ecole de formation des hauts fonctionnaires, le Secrétariat Général du Conseil des ministres et la Cour Suprême nous semble une initiative utile, dans la perspective, qui nous paraît inéluctable, de la création d’un Etat palestinien.

 

Toutefois, recevoir le « gouverneur de Jérusalem », alors que la ville est jusqu’à plus ample informé partie intégrante de l’Etat d’Israël nous paraît du plus parfait mauvais goût et surtout contraire aux règles les plus élémentaires de la courtoisie diplomatique.

 

Que la France conteste la souveraineté d’Israël sur Jérusalem est une chose, mais qu’elle reconnaisse d’ores et déjà une souveraineté palestinienne sur la ville en est une autre.

 

Ce n’est pas à Paris de dicter le statut futur de la ville, mais aux deux Parties directement concernées.

 

Et il est évident que la Partie palestinienne ne manquera pas de se prévaloir de cette « reconnaissance » de l’autorité palestinienne sur la ville, pour peser lors des négociations qui ne pourront pas ne pas s’engager, si l’on veut que la paix s’établisse, un jour, dans la région.

 

Autrement dit, contrairement à ce que le gouvernement français prétend généralement, il ne maintient pas la balance égale entre les deux Parties.

 

Chacun sait - et Israël en a, apparemment, pris son parti – que le Consul général de France à Jérusalem est l’ « ambassadeur officieux » de France auprès du futur Etat palestinien, mais il n’a pas le titre d’ambassadeur.

 

Et pourtant – et la nouvelle que nous commentons en est une preuve – il agit « comme si » en établissant des relations avec des instances administratives d’un « Etat » encore en gestation.

 

Et c’est là où le bât blesse, car l’initiative du Consul général ne fait qu’encourager des initiatives intempestives.

 

Ce n’est certes pas la première fois qu’une instance régionale française déborde des limites de ses compétences.

 

Car on a beau apprendre sur le site officiel plusieurs fois cité que « la coopération entre la Région Ile-de-France et le Gouvernorat de Jérusalem se concentrera sur les domaines de la formation professionnelle, la santé, l’action sociale, la culture et l’appui institutionnel » on est en droit de s’interroger sur l’intérêt que peut présenter, plus particulièrement, le « Gouvernorat de Jérusalem » pour la Région Ile de France.

 

D’ailleurs les questions institutionnelles d’un futur Etat étranger ne nous paraissent pas entrer dans les compétences d’une région.

 

Mais, surtout, ce qui nous paraît inquiétant c’est la précision donnée selon laquelle « les premières actions en 2013 seront notamment centrées sur Jérusalem-Est ».

 

Autrement dit – et le titre du « Gouvernorat » le laisse clairement entrevoir, l’action à « Jérusalem-Est » ne sera qu’une étape, au même titre d’ailleurs que pour bon nombre de Palestiniens, au premier rang desquels de nombreux dirigeants, l’objectif des Palestiniens n’est pas seulement d’obtenir la création d’un Etat, mais leur but ultime est de s’emparer de l’Etat d’Israël.

 

Et s’agissant de Jérusalem, dans un premier temps ils se « contenteraient » de Jérusalem-Est pour réclamer, ensuite, la totalité de la ville.

 

Et apparemment, ils peuvent compter sur le Conseil régional d’Ile de France.

 

Tout cela nous paraît poser quelques problèmes quant à la légalité de l’initiative de la Région Ile de France, y compris quant à ses implications financières, sur lesquelles la Chambre régionale des comptes devrait être invitée à se pencher.

 

Mais nous nous éloignons du domaine de nos compétences…

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