Tribune
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Publié le 14 Mars 2013

La vérité derrière la photo d'un bébé palestinien mort souligne les problèmes de l’image photographique

 

Par Paul Farhi pour le Washington Post

Traduit par la newsletter  du CRIF

 

Cela a été sûrement l'une des photos d'actualité les plus déchirantes et les plus controversées de l'année écoulée, peut-être même des décennies écoulée. L'image d'un homme palestinien – la tête renversée par la peine alors qu’il berce le corps enveloppé de son petit garçon - a déclenché une féroce guerre des mots israélo-palestinienne, lorsque les journaux et les sites web l’ont publiée, en novembre 2012.

 

 

Les propalestiniens ont identifié la photo, prise par un photographe d'Associated Press, comme une preuve de l'agression militaire israélienne contre les civils palestiniens; les pros israéliens l’ont vue comme l’outil d’une propagande mensongère, soigneusement orchestrée pour susciter la sympathie pour les Palestiniens de Gaza pendant, en pleine période du dernier conflit. Il s'avère aujourd’hui qu’aucune de ces hypothèses n’est la bonne. Et l'histoire derrière cette image suggère toute la difficulté à laquelle les journalistes font face dans le tri entre la vérité et la fiction dans le chaos d'une zone de guerre, en particulier lorsqu’il s’agit du Moyen-Orient.

 

Près de quatre mois après que la photographie a été diffusée dans le monde entier, une commission onusienne vient de conclure qu'Israël n'était pas directement responsable de la mort de l'enfant. Cette commission informe que le bébé, Ahmad Masharawi, a été tué par une roquette palestinienne, tombée par erreur sur la maison de ses parents à Gaza. Le missile, tiré par les terroristes de Gaza, fait partie des centaines de roquettes qui ont été tirées contre le territoire israélien pendant le conflit.

 

Le Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, en publiant cette conclusion, longue d'une ligne, a provoqué la surprise totale dans cette histoire chargée d'émotion. La photo avait en effet engendré de telles réactions qu'elle était devenue un symbole de la perception du conflit. Le père de l'enfant était un journaliste employé par la BBC.

 

Beaucoup de lecteurs du Washington Post ont été scandalisés de voir que l'image avait été publiée, sur quatre colonnes, à la Une du journal le 15 novembre 2013. Certains parmi eux ont demandé pourquoi le journal ne traitait pas de la même manière les photos d'Israéliens entassés dans les abris antimissiles.

 

La légende de la photo disait que l'enfant était mort « après un raid aérien israélien à Gaza», ce qui impliquait la culpabilité d’Israël.

 

À la lumière du rapport de l'ONU, le journal a indiqué qu’il va publier une note de la rédaction avec la photo pour faire la lumière sur les circonstances réelles qui l'entourent. Cette note dit, entre autres, que le rapport de l'ONU "a émis en doute" sur l'implication israélienne.

 

L'Associated Press a publié lui aussi cette semaine une correction de sa légende de la photo. L’agence écrit: «Une roquette palestinienne perdue, et non pas un tir israélien, a probablement tué l'enfant, lors de combats dans le territoire régis par le Hamas en novembre, selon un rapport de l'ONU qui contredit l'histoire largement admise derrière cette image, devenue un symbole de ce que les Palestiniens ont qualifié d’ « agression israélienne » ».

 

Cet épisode est caractéristique de ce que l’on pourrait appeler «le brouillard de la guerre et le brouillard du journalisme», a déclaré le Professeur Ken Light, qui supervise le département de photojournalisme à l'université de Berkeley en Californie (Graduate School of Journalism). Les photographes de presse sont généralement diligents et veillent à ce que leurs images soient inscrites dans le bon contexte, a-t-il dit, mais c’est plus difficile lorsqu’il s’agit d'un conflit armé. Beaucoup de choses peuvent alors passer à travers les mailles du filet.... Une image vaut mille mots, mais ils ne connaissent pas  toujours les circonstances exactes dans lesquelles ils ont pris leurs photos ».

 

Michael Oren, ambassadeur d'Israël aux États-Unis, a affirmé, pour sa part, que cette problématique est encore alourdie par la propagande du Hamas, du Hezbollah, et des groupes terroristes islamistes de Gaza et du Sud Liban. « Vous devez comprendre que le travail médiatique lui-même est un champ de bataille pour eux, autant que tout ce qui se passe sur le terrain », a-t-il dit. « Vous avez affaire à des organisations terroristes qui exploitent et manipulent les médias. Ils savent comment la presse occidentale fonctionne et comment l'utiliser à leur avantage ». « Ces deux organisations, a expliqué Michael Oren, utilisent les morts de civils pour détourner l'opinion publique contre Israël, même lorsque ces décès surviennent dans des circonstances ambiguës. Cela devrait rendre toute agence de presse méfiante au sujet de la responsabilité de ces pertes ».

 

« La photo n'aurait jamais été aussi digne d'intérêt pour les médias occidentaux si la légende avait expliqué qu'il était difficile de savoir comment le bébé était mort », a déclaré de son côté Éric Rozenman, directeur à Washington du « Committee for Accuracy in Middle East Reporting in America », un groupe de veille médiatique. L’image a joué sur des idées préconçues de la puissance militaire d'Israël. « La leçon à tirer pour les agences de presse et les journalistes est la nécessité de faire preuve de prudence dans leurs rapports sur le conflit arabo-israélien », a-t-il encore dit. « Si vous ne connaissez pas avec certitude les circonstances de l'image que vous publiez, alors elle doit avoir une légende qui précise cette incertitude ».

 

Après avoir interrogé des témoins, le bureau de l'ONU a conclu que les dommages causés au domicile de l'enfant étaient incompatibles avec ceux d’un raid aérien israélien.

 

Il a déclaré que le bébé a été « tué par ce qui semblait être une roquette palestinienne ». Un porte-parole de l'Organisation des Nations unies a déclaré qu'il ne pouvait, « sans équivoque », indiquer une cause palestinienne, mais qu’une enquête a démontré qu'il y avait eu des tirs de roquettes palestiniennes près de la maison de l'enfant, quand il a été tué.

 

Malgré cette conclusion, le Centre palestinien pour les droits de l'homme basé à Gaza a déclaré qu'il considère toujours Israël comme responsable de la mort du bébé...

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