Tribune
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Publié le 29 Juillet 2014

Manif pro-Gaza, antisionisme et violences : de ma vie, je n'aurais pas cru ça possible

Par Jean-Marcel Bouguereau, Éditorialiste, publié dans le Nouvel Observateur le 24 juillet 2014

"Rien ne peut justifier la violence". Face aux débordements de la manifestation en soutien aux Palestiniens de dimanche 20 juillet à Sarcelles, Manuel Valls a haussé le ton. Épicerie casher incendiée, synagogue attaquée et émeutes, le Premier ministre a jugé ces heurts "intolérables".

De ma vie je n'aurais jamais cru entendre défiler dans Paris aux cris de "Juif, la France n'est pas à toi". C’est arrivé le dimanche 26 janvier. De ma vie, je n’aurais pas imaginé voir des synagogues attaquées. En France.

De ma vie, je n’aurais pas cru possible qu’il y aurait des gens, des républicains, pour nier ces faits avérés ou pour les minimiser. Pour trouver des circonstances atténuantes. Dire que "ces jeunes étaient facilement manipulables" !

Je passe sur les pires justifications. Pascal Riché, co-fondateur de Rue 89, a été effaré ce samedi, à Barbès, par l’antisémitisme :

"Très fréquent dans les propos des jeunes. Je n’ai jamais entendu, raconte-t-il, autant de phrases antisémites en aussi peu de temps. Chez les durs, surtout, ceux qui avaient des bâtons, des masques, des matraques". 'Les Juifs, ils sont derrière les rangs de policiers. Faut aller les trouver', supposait l’un. Un gros type attisait ouvertement la haine des autres racontant des rumeurs ridicules, dignes de celle d’Orléans."

Pourquoi n'ont-ils pas manifesté contre la guerre en Syrie ?

Que l’on veuille manifester contre les bombardements sur Gaza, quoi de plus légitime ? J’ai moi-même écrit que cette politique était condamnable et suicidaire et qu’il manquait à Israël un de Gaulle capable de réconcilier Juifs et Arabes. Mais de là à faire des Juifs français les victimes expiatoires de ce conflit, il y a plus qu’un pas, infranchissable.

Mais pourquoi cette fixation sur Gaza et sur Israël ? Parce qu'ils veulent se montrer solidaires de la communauté arabe et musulmane ? Dans ce cas pourquoi n’ont-ils pas encore manifesté encore contre les massacres en Syrie ? Ou contre l’État islamique en Irak et au Levant ? Et où étaient-ils quand on massacrait les musulmans en Bosnie, en Tchétchénie, en Inde ?

Il y a dans cette vieille identification à la Palestine, une étrange fixation, où le keffieh joue le même rôle qu’en son temps le portrait de Guevara. Comme si les Palestiniens de Gaza jouaient par procuration le rôle d’avant-garde de la révolution, comme autrefois le prolétariat.

Vers un "nouveau monde" ?

Gaza, Mecque de la Révolution ? Allez demander ça à Asmaa el-Ghoul, écrivaine palestinienne de Gaza, qui s'est opposée publiquement à son oncle, responsable militaire du Hamas au pouvoir.

Elle s’était opposée à l’islamisation forcée, aux crimes dits d’honneur, aux ségrégations sexistes.

Lisez le manifeste des jeunes de Gaza dans lequel ils décrivent le contrôle totalitaire exercé par le Hamas :

"Le Hamas a tout fait pour prendre le contrôle de nos pensées, de notre comportement et de nos attentes. Nous sommes une génération de jeunes déjà habitués à évoluer sous la menace des missiles, à poursuivre la mission apparemment impossible qui consiste à mener une existence normale et saine, et nous sommes à peine tolérés par une organisation tentaculaire qui s’est étendue à travers notre société, tel un cancer malveillant déterminé à détruire dans sa propagation jusqu’à la dernière cellule vivante, la dernière opinion divergente, le dernier rêve possible, à paralyser chacun de nous en faisant régner la terreur. Et tout ça arrive dans la prison qu’est devenue Gaza, une prison imposée par un pays qui se prétend démocratique."

Et ce serait ça votre "nouveau monde" ?

En détestant l'Occident, on va haïr le peuple juif

Cet antisémitisme n’aurait rien à voir avec le "vrai antisémitisme, celui de la hiérarchie des races, de la stratégie politique du bouc émissaire, et de la confiscation des biens juifs".

Il y aurait donc un "faux antisémitisme" ? Non, bien des gens ont alerté depuis des années sur la montée dans certaines banlieues d’un nouvel antisémitisme même si les discours antisionistes radicaux, depuis certaines franges de l'extrême-gauche jusqu'aux islamistes djihadistes, reprennent et réactivent, tantôt à leur insu, tantôt volontairement, une série de thèmes anti-juifs forgés de longue date.

Pierre-André Taguieff, dans une énorme enquête, "la judéophobie des modernes" a bien démontré comment ce nouvel antisémitisme se distinguait de l’ancien, mais pour revenir au même !

Autrefois, les racistes européens haïssaient dans le Juif celui qu'ils jugeaient extérieur (non chrétien, oriental, sémite...). Aujourd'hui, c'est au contraire en détestant l'Occident qu'on va haïr le peuple juif, car il symbolise désormais ce qu'on veut détruire : judéo-christianisme, capitalisme, libéralisme, impérialisme, etc.

Et évidemment … le sionisme, pointe avancée de l’impérialisme dans le monde arabe, car l'antisionisme est le cache-sexe de l’antisémitisme !... Lire la suite.

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