Tribune
|
Publié le 4 Décembre 2013

Ni banane ni quenelle

Par Caroline Fourest, Essayiste, journaliste

Discours prononcé le 2 décembre au Théâtre du Rond-Point.

Voilà des semaines qu'on nous dit qu'il ne servirait à rien de marcher ou de parler contre les préjugés. Que ce ne sont que des mots. Mais les préjugés sont faits de mots. Et ce sont des mots qui les défont.

Égalité, fraternité, laïcité. Voilà des mots qui arment contre les préjugés.

Par exemple contre le mot "islamisation". Comme si l'immigration était forcément une invasion, musulmane, et donc intégriste. Même ces réfugiés afghans qui fuient les Talibans? Ces Iraniens qui fuient les Mollahs? Ces Algériens qui ont fui le FIS? Et ces Français de culture musulmane qui servent dans l'armée, abattus de sang-froid par un certain Mérah?

C'est en choisissant ses mots qu'on ne se trompe pas de combat.

Il y a des mots qui désarment. Comme le mot "islamophobie", qui amalgame la critique de la religion ou même de l'intégrisme avec du racisme. Il finit par mettre l'antiracisme au service des intégristes. Mais plaît beaucoup aux amateurs de chiffres. Aux adeptes des statistiques ethniques ou du "deux poids, deux mesures". À ceux qui préfèrent distribuer des Awards en forme de banane aux laïques qu'aux lanceurs de banane de la Manif pour tous. Ils sont choqués, je l'espère, quand une enfant traite notre garde des Sceaux de Guenon. Mais certains, parmi eux, peuvent fredonner quand un rappeur met à l'index et en danger les dessinateurs de Charlie Hebdo en les traitant de "Chiens".

Je ne parle même pas de ceux qui rient quand Dieudonné préfère comparer Christiane Taubira à une Bonobo, au vu -je cite- des pratiques sexuelles qu'elle a défendu lors du mariage pour tous... A croire que le racisme est encore plus drôle lorsqu'il est aussi homophobe.

Quand on a fini de rire à ces bonnes blagues, ce ne sont plus des bananes qui volent mais des quenelles. A tour de bras. Un drôle de tic pour antisémites honteux en semi-érection.

Une pratique sexuelle à risque pour le coup. A force, le cerveau n'est plus irrigué. Il est mûr pour croire aux complots du bon docteur Soral. Un drôle d'universaliste... qui déteste le genre humain dans son ensemble. Aussi bien les femmes que les homosexuels, ceux qu'ils appellent les "beuricots" que les Juifs. Même si, soyons justes, il préfère détester les Juifs... Une obsession qui a fait ses preuves pour faire basculer de l'extrême gauche vers l'extrême droite, de la quenelle à la banane.

Les tenants de la quenelle comme de la banane invoquent la liberté, qu'ils confondent avec le délit d'incitation à la haine. Il faut combattre tous ces racistes, avec discernement mais sans exception. La Peste sous soutes ses formes. Qu'elle soit brune ou blonde, c'est toujours la Peste.

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance