Tribune
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Publié le 23 Décembre 2014

Nous sommes en guerre

Par Jean D’Ormesson, publié dans le Figaro le 22 décembre 2014

Nous sommes en guerre. Une guerre qui n’ose pas dire son nom, nouvelle, étrange et obscure. Sans déclaration, sans armées en mouvement, sans champ de bataille, sans offensive de masse, sans raids d’aviation sur les grandes métropoles. Avec un nombre restreint de morts qui tombent un peu partout et presque au hasard dans des conditions dramatiques. Une guerre très loin de la guerre des étoiles et des visions d’avenir chères aux auteurs de science-fiction. Une sorte de guerre au rabais, une guerre d’otages et de guets-apens. Mais une guerre qui s’étend de Bruxelles à Toulouse, de New York à Paris, de l’Algérie, de la Libye, du Yémen à l’Afrique du centre et de l’Ouest, de Syrie et d’Irak au Pakistan, à Dijon et à Sidney en Australie.

La guerre n’est plus confiée à des armées en uniforme. Elle s’attache à chacun d’entre nous. Oh ! avec un risque à peu près égal à la chance de gagner au Loto. Mais, enfin, elle est là, avec ses bombes et ses couteaux. Elle menace - de loin - chacun et chacune d’entre nous. Elle a quitté les champs de bataille et les états-majors pour descendre dans la rue, dans les cafés, dans les stades, dans les salles de spectacle. Elle plane en secret sur les femmes, les enfants, les vieillards comme sur ces hommes dans la force de l’âge qu’on appelait naguère des soldats.

Ceux qui tombent ont changé, ceux qui tuent aussi. Ce ne sont plus des ennemis identifiés et répertoriés, groupés en corps d’armée, en divisions, en régiments et se battant en uniforme. Ce sont des illuminés, des fanatiques et des repris de justice, auxquels se joint un certain nombre de déséquilibrés. C’est un mélange de religieux extrémistes et de hors-la-loi. Pour les désespérés, pour les candidats au suicide, le djihad est une raison de vivre et une raison de mourir.

Ils ont un drapeau, une organisation, des chefs - résumés en un mot qui fait peur et horreur : Daesh. Daesh est une organisation terroriste et criminelle qui se réclame de l’islam. C’est là qu’il ne faut pas se tromper.

J’ai toujours pensé et écrit - on me l’a assez reproché - que l’islam était une grande religion qui a marqué l’histoire des hommes. La civilisation musulmane est à l’origine de quelques-unes des plus belles réalisations du génie humain. Daesh déshonore cette grandeur de l’islam. Chez nous et ailleurs, les Musulmans en masse sont les premiers à condamner Daesh. Il faut les remercier, les respecter, les soutenir. Mais Daesh, il faut l’affronter et le combattre.

Ce que nous apprenons de Daesh est terrifiant et révoltant. Nous nous inquiétons ici de savoir s’il est tolérable ou non de travailler le dimanche ou d’administrer des fessées aux enfants en bas âge. Au nord-ouest de l’Irak, au nord-est de la Syrie, Daesh massacre et extermine, égorge et viole. Des populations entières sont réduites en esclavage et menacées de disparition. Là où règne Daesh s’installe la terreur et l’épouvante.

Les Musulmans qui répugnent de se soumettre au soi-disant État islamique sont traités avec cruauté. Mais les Chrétiens de la région et les yazidis sont tout simplement au bord d’un génocide qui les ferait disparaître jusqu’au dernier… Lire la suite.